En 1867, dans la foulée de l’achat de l’Alaska, le président est revenu à la charge. Pendant la deuxième guerre, alors que l’Allemagne occupait le Danemark, les USA occupaient l’île continent (quatre fois plus grande que la France). Après la guerre. le président américain Truman a fait une offre d’achat de100 millions. En 2019, Donald Trump a exprimé le même souhait qu’aujourd’hui.
L’île fait partie de la plaque continentale américaine. L’île d’Elsmere appartenant au Canada est à 26 kilomètres des côtes groenlandaises. Copenhague, la Capitale du Danemark est à 3500 kilomètres.
Le premier intérêt du Groenland est évidemment géostratégique. La base américaine de Pituffik dans le nord de l’île est une pointe avancée de la ligne de surveillance face à la Russie et la Chine. Mais la recrudescence actuelle de l’intérêt vient du réchauffement climatique. De tout temps, le contrôle des voies de commerce maritime ont été l’apanage des grandes puissances. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’intérêt de Trump non seulement pour le Groenland mais aussi pour le Canada et le canal de Panama. Le réchauffement climatique est deux fois plus rapide en Arctique que dans le reste du monde. De 1980 à 2011, le couvert de glace y a diminué de 40%. Pour la Chine, ça veut dire un temps de transport raccourci de 40%. Non seulement, ces nouvelles routes maritimes du nord vont saliver les États-Unis mais aussi la Russie et la Chine.
La fonte accélérée des glaces qui recouvrent 85% de l’île fait rêver les promoteurs miniers. On parle entre autres de pétrole, de gaz naturel, d’uranium, de terres rares, etc… Bref, d’à peu près tout ce que le tableau périodique compte d’éléments. Tout ça à des quantités d’autant plus importantes qu’il s’agit d’estimation. Sur une vision à long terme, des glaciers qui fondent, c’est aussi de l’eau douce en grande quantité.
Le Groenland est donc un territoire d’avenir. Parler de réchauffement climatique, c’est cependant s’inscrire dans un temps relativement long. Dans le centre du Groenland, la glace atteint une épaisseur de trois kilomètres… Ce n’est donc pas demain qu’on va forer. Actuellement, il y a deux mines en opération et elles fonctionnent par intermittence. On évalue qu’il faut seize ans pour mettre une mine en opération. Au problème du froid s’ajoute celui de la main d’œuvre. Pendant cinq ans, Alcoa a cherché à construire une aluminerie mais a dû abandonner. Il aurait fallu faire venir 5,000 travailleurs mais il n’y a pas de logement et il est délicat d’ajouter une tel nombre de personnes à une si petite population. Le dernier gouvernement groenlandais était écologiste et avait instauré un moratoire sur tout développement minier. Le trafic maritime, même s’il augmente, n’est pas sans poser de problème tout simplement parce qu’on est en plein dans la route des icebergs et qu’une partie de l’année, il fait noir en permanence. Il y a donc loin de la coupe aux lèvres.
Et maintenant, parlons des habitants. L’île est peuplée de 57 000 habitants à 90% d’origine Inuit et 10% danoise. En 2009, résultat d’un long parcours du combattant, le Groenland obtenait un statut d’autonomie sauf sur les questions régaliennes (justice, défense, affaires étrangères, monnaie). La population porte les stigmates des peuples colonisés. Ainsi, dans les années 50, les colonisateurs danois ont pratiqué une politique forcée de rassemblement des communautés. Bien des familles vivant de la pêche et de la chasse habituées à la liberté et aux grands espaces se sont retrouvées dans des blocs appartements. Dans les années 60, les danois ont pratiqué une politique de stérilisation forcée qui a touché 50% des femmes Inuits. À ce jour, les autorités danoises ne se sont même pas encore excusées. Autre « stigmate », les enfants inuits sont 7 fois plus nombreux à être placés à l’extérieur de leur famille. Ce problème a été maintes fois dénoncé par des organismes internationaux de défense des droits humains. Ce n’est qu’en janvier que le gouvernement Danois a retiré ses grilles d’évaluation (avec Trump, le temps s’accélère !). Héritage de ce lourd passif colonial, la démographie est en chute libre. D’ici 2050, on prévoit que la population passera à 40 000. La langue de l’ascension sociale est le danois alors que les Inuits parlent l’inuktitut. Désœuvrés et sans avenir, les jeunes cherchent à quitter et ça va jusqu’à la vie elle-même. Le taux de suicide y est le plus élevé au monde.
Et l’indépendance là dedans ?
Avec 57,000 habitants, l’élite politique est évaluée à 50 personnes. Le parlement quant à lui compte 31 députés. On peut imaginer que tout le monde se connaît bien et que c’est tissé serré. Difficile de parler de vie politique comme on en parle habituellement. Quand même, lors des élections du 11 mars dernier, quatre partis s’affrontaient. C’est un parti de centre-droit qui est arrivé en premier. Le parti socialo-écologiste de gauche qui avait le pouvoir précédemment est arrivé troisième suivi de son allié social démocrate. Le parti indépendantiste a connu la plus importante progression pour arriver deuxième. Rapidement, un gouvernement de coalition s’est formé auquel l’entreprise parti indépendantiste a refusé de se joindre.
L’indépendance fait consensus dans la classe politique. Tous les partis y sont favorables. La question qui tue concerne l’échéancier. Compte tenu des menaces de Trump, cette question a été centrale pendant la campagne électorale. La coalition au pouvoir s’est réalisée sur la base d’une priorité donnée au développement économique comme préalable à l’indépendance. Comme il a été dit lors de l’annonce de la coalition : « construction de l’État Providence ».
Il faut savoir que le Danemark fournit annuellement près de 600 millions d’euros ce qui représente plus de la moitié du budget du gouvernement groenlandais. Ici au Québec, certains agitent l’épouvantail de la perte d’une péréquation annuelle de 14 milliards représentant moins de 10% du budget du gouvernement québécois alors que nous sommes 8 millions à payer de l’impôt à un gouvernement représentant 40 millions de personnes. Les Groenlandais sont 57,000 à le faire dans un pays de 8 millions d’habitants. Les deux situations ne se comparent pas. En termes de développement minier, on évalue qu’il faudrait une vingtaine de mines en opération pour remplacer ce 600 millions. Sans compter que comme toutes les populations autochtones, les Inuits sont près de la terre et fondamentalement allergiques à des développements miniers dévastateurs pour la nature.
Depuis le temps, on commence à connaitre le fonctionnement de Donald Trump. C’est un négociateur qui débute toujours avec une position maximale. Au fil du temps, il recule mais obtient toujours quelque chose. Ainsi au début d’avril, les États-Unis ont obtenu du gouvernement danois une entente de dix ans pour l’opération de trois bases militaires au Danemark, une entente qui a soulevé une opposition quasi-unanime dans la population tant la latitude des soldats américains est grande. L’influence américaine au Groenland a toujours été bien présente. Au cours des dernières années, ils ont obtenu l’annulation de 3 projets d’aéroport, d’un port et d’une mine tous promus par des intérêts chinois. L’influence des USA est déjà tellement grande qu’on se demande même où serait leur intérêt de prendre possession de l’île autre que celle de réaliser une vieille marotte.
Entre une Chine obsédée par son déploiement économique et des États-Unis souffrant du complexe de l’assiégé, l’avenir de cette petite population Inuit apparaît précaire et pointe plutôt vers la stagnation. C’est peut-être un peu cette quadrature du cercle qui explique que le parti le plus résolument indépendantiste affirme du même souffle que « les USA doivent être le premier partenaire économique du peuple groenlenlandais »
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Un message, un commentaire ?