Tiré de Entre les lignes et les mots
Nous, femmes et filles africaines, gardiennes de la terre, nourricières de la vie, gardiennes de nos communautés et gardiennes du savoir, sommes réunies ici aujourd’hui, pour la deuxième fois, afin d’affirmer notre engagement collectif et résolu à protéger notre continent, nos pays, nos communautés et notre planète contre les effets dévastateurs de la crise climatique. Nous sommes réunies ici pour démontrer notre pouvoir et notre leadership et revendiquer la place qui nous revient dans les processus décisionnels.
Collectivement, nous refusons d’être confinées à l’intérieur des frontières coloniales, et nous sommes ici en tant qu’Africaines pour affirmer et embrasser les idéaux du panafricanisme. Nous sommes unies dans la diversité de nos identités, représentant les femmes des collines et des montagnes, celles de la savane et des îles, les femmes des communautés agricoles et pastorales, du gouvernement et de la société civile, ainsi que les universitaires, englobant les jeunes, les personnes âgées et celles ayant des capacités différentes. Nous reconnaissons que les structures sociales patriarcales, les modèles économiques exploiteurs et les structures politiques existantes, avec leur héritage colonial, nous affectent de manière disproportionnée, soulignant l’urgence de faire entendre chaque voix et de reconnaître et amplifier chaque lutte. C’est précisément pour cela que nous sommes ici.
Dans cet espace, en ce jour, nous envoyons un message clair et retentissant à nos gouvernements africains, à l’Union africaine et à leurs institutions alliées : la voix des femmes africaines ne doit JAMAIS être reléguée au second plan. Nous refusons d’être utilisées comme des symboles, invitées pour embellir les panels ou utilisées pour remplir des quotas d’inclusivité. Les femmes africaines constituent la majorité de la population de ce continent ; par conséquent, les débats, les discussions, les décisions et les actions sur le climat doivent être menés par nous, pour nous et avec nous, et non dictés par les entreprises ou les soi-disant partenaires impérialistes développés et leurs agences. L’exclusion et la marginalisation systématiques des voix des femmes africaines et de leur programme sur leur propre territoire par leurs propres institutions sont inacceptables. Nous sommes ici, organisées en marge de ce sommet pour la deuxième fois, afin de manifester nos préoccupations et de demander des comptes au Nord global et aux pollueurs climatiques. Les femmes africaines les surveillent de près.
Le seul rôle qu’ils devraient avoir dans le Sommet africain sur le climat ici à Addis-Abeba est de s’engager à assumer leurs responsabilités, à fournir leur juste part de financement sous forme de subventions et à s’abstenir de promouvoir des programmes destructeurs basés sur le marché au nom des solutions climatiques.
Pour celles et ceux qui doutent encore de la réalité ou de la gravité de la crise climatique, nous sommes ici pour partager des témoignages sur la manière dont elle affecte aujourd’hui les femmes africaines, nos sociétés, nos moyens de subsistance, notre bien-être et nos économies. Elle affecte notre santé, nos cultures, notre patrimoine et nos traditions. Les difficultés rencontrées par les jeunes femmes des petites communautés insulaires, les petites agricultrices confrontées à des conditions météorologiques imprévisibles, les femmes handicapées face aux urgences climatiques ou les femmes vivant dans des communautés urbaines pauvres sont des témoignages frappants des impacts, des pertes et des dommages subis aujourd’hui sur ce continent. Les voix de ces communautés doivent être au centre de l’ordre du jour du sommet sur le climat.
À celles et ceux qui pensent que les femmes africaines ne sont que des victimes impuissantes attendant d’être secourues par des missionnaires blancs, nous sommes ici pour affirmer et revendiquer nos réalités complexes. Oui, nous sommes parmi les plus touchées par la crise climatique, mais nous sommes aussi les créatrices de solutions climatiques réelles, durables et équitables entre les sexes. Aujourd’hui, nous amplifions ces solutions, grâce à nos connaissances en matière de préservation des systèmes semenciers, de la biodiversité et des nutriments du sol pour une agriculture urbaine régénérative, ainsi qu’à des entreprises d’énergie renouvelable dirigées par des femmes. Les filles africaines utilisent les technologies modernes pour sensibiliser à la crise climatique et promouvoir le recyclage. Nous sommes également ici pour proposer des analyses bien conçues et fondées sur des données factuelles, ainsi qu’une présentation de l’état de la crise climatique en Afrique, accompagnées de solutions politiques pratiques et ambitieuses conçues pour faire face à la crise climatique et à ses défis interdépendants.
Alors que nous sommes réunies ici, nos revendications collectives sont claires :
À nos gouvernements africains :
Engagez-vous à placer le leadership des femmes africaines au cœur des actions climatiques. L’Afrique est le continent où les femmes sont les moins représentées dans les processus politiques mondiaux liés au changement climatique. Les gouvernements africains doivent soutenir de manière intentionnelle la participation et l’engagement des femmes dans tous les aspects de la politique climatique, de la conception à la mise en œuvre et au suivi, et veiller à ce qu’ils soient adaptés à leur expérience et à leur réalité quotidienne.
S’engager à promouvoir l’adoption d’un plan d’action solide et ambitieux en faveur de l’égalité des sexes lors de la COP30 à Belém. Veiller à ce que les négociateurs et négociatrices africaines chargées des questions de genre bénéficient d’un soutien total, de ressources suffisantes et des moyens nécessaires pour s’engager de manière significative et jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration et l’adoption du nouveau plan d’action en faveur de l’égalité des sexes qui guidera les mesures climatiques sensibles au genre pour les neuf prochaines années.
Rester fermes et uni·es pour exiger la mise en place d’un financement climatique sous forme de subventions et de fonds publics, guidé par les principes de responsabilités collectives mais différenciées (CBDR), en alimentant le Fonds pour les pertes et dommages afin de couvrir les pertes et dommages économiques et non économiques, et en renforçant l’engagement à reconstituer le fonds d’adaptation à l’échelle et à la vitesse nécessaires pour soutenir les programmes d’adaptation sensibles au genre dans les pays et les communautés de la majorité mondiale.
À Belém, continuer à faire preuve d’un leadership fort dans les négociations sur l’adaptation afin de garantir que l’objectif mondial en matière d’adaptation soit assorti d’indicateurs solides et mesurables permettant de suivre les progrès réels. Ceux-ci doivent inclure des indicateurs spécifiques au genre afin de favoriser une planification, une conception, une mise en œuvre et un suivi de l’adaptation inclusifs et sensibles au genre. En parallèle, travailler en collaboration avec des partenaires afin de faire progresser et de mettre en place un mécanisme de transition juste qui défende l’équité, la justice et la résilience.
Promouvoir des solutions climatiques équitables entre les sexes et menées par l’Afrique en soutenant l’ingéniosité des jeunes, des femmes et des communautés africaines qui apportent déjà des réponses pratiques, abordables et évolutives à la crise climatique. Leur fournir les ressources et les environnements politiques propices à l’innovation, tout en préservant leurs systèmes de connaissances et leurs droits de propriété intellectuelle. Dans le même temps, rejeter fermement les solutions technologiques imposées de l’extérieur qui risquent d’entraîner une mauvaise adaptation et de détourner les ressources des priorités africaines.
Rejeter les fausses solutions mises en place sur notre territoire dans le but de générer des profits privés et de légitimer le manque d’ambition des pays du Nord en matière de réduction des émissions. Le zéro net n’est pas un zéro réel, et les marchés du carbone et la géo-ingénierie sont de fausses solutions qui nuisent à notre territoire et à nos populations.
Impliquer activement et systématiquement les citoyen·nes et les communautés africaines dans les programmes de sensibilisation au changement climatique et les actions climatiques afin de garantir l’appropriation par les communautés des actions climatiques, en particulier dans les domaines de l’adaptation, de la transition juste et de la réduction des risques de catastrophe.
Aux pays du Nord et aux pollueurs :
Réduisez vos émissions en éliminant progressivement les combustibles fossiles DÈS MAINTENANT.
Fournissez votre juste part de subventions et de financements publics, et NON des prêts et des financements privés basés sur le marché.
Abandonnez la mentalité de l’ère coloniale. Les espaces multilatéraux doivent adopter les idéaux du leadership collectif et mettre fin à la domination ouverte et cachée des pays du Nord. Les gouvernements africains et les autres gouvernements du Sud ont le droit à un pouvoir décisionnel égal dans le processus multilatéral.
Nous, femmes africaines, nous engageons à utiliser notre pouvoir pour nous libérer, nous et nos communautés, de l’exploitation des systèmes économiques et sociaux existants qui ont contribué aux crises auxquelles nous sommes actuellement confrontées. Que nos voix soient entendues et que notre pouvoir soit un phare d’espoir pour un avenir durable et juste pour tous et toutes.
Adopté lors du Sommet africain sur le climat 2 – Journée du genre, Addis-Abeba, 7 septembre 2025
Télécharger la déclaration (en anglais)
Traduit par DE
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