Août 2025 www.tcri.qc.ca
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Qui sommes-nous ?
La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) regroupe 158 organismes communautaires à travers toutes les régions du Québec. L’intégration et la défense collective des droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut sont au centre de sa mission depuis plus de 45 ans. Chaque année, ce sont plus de 120 000 personnes nouvellement arrivées qui sont accueillies dans les organismes du réseau, tous statuts d’immigration confondus.
La TCRI accomplit sa mission :
En offrant un lieu d’échange, de concertation, d’information et de formation à ses organismes membres autour de divers enjeux : jeunes, femmes immigrées et racisées, accueil et intégration, protection des personnes réfugiées, régionalisation, employabilité, parrainage, jumelage interculturel, etc. ;
- En coopérant avec d’autres réseaux et secteurs d’activités communautaires, parapublics, publics et privés pour renforcer la défense des droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut ainsi qu’améliorer les services aux personnes nouvellement arrivées ;
- En faisant avancer l’analyse critique des politiques et l’échange d’informations relatives aux personnes réfugiées, immigrantes et sans statut au Québec, au Canada et sur le plan international ;
- En développant la recherche-action communautaire pour alimenter la réflexion sur les pratiques et l’intervention des organismes communautaires et de leurs partenaires ;
- En défendant les droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut dans ses relations avec les médias et les gouvernements ;
- En sensibilisant et en mobilisant la population pour une meilleure connaissance des réalités des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut au Québec et au Canada.
À titre de regroupement des organismes communautaires du réseau de l’immigration et de l’intégration du Québec, la TCRI s’inscrit dans le mouvement de l’action communautaire autonome. Elle met à profit son expertise comme agente de transformation et de développement social. Par leurs pratiques diversifiées et une approche interculturelle, les organismes de la TCRI œuvrent pour un Québec inclusif et riche de sa diversité. Avant de présenter ce mémoire, la TCRI et ses membres souhaitent reconnaître que leurs activités se déroulent sur des territoires dont la majorité n’a pas été cédée. Nous exprimons notre solidarité envers les Premiers Peuples ici au Québec et ailleurs. Nous souhaitons rappeler que le néocolonialisme actuel est intimement lié aux enjeux migratoires contemporains, et continue de priver de nombreuses personnes de leurs droits fondamentaux.
Synthèse des recommandations
Introduction
Le présent mémoire s’inscrit dans le cadre de la planification pluriannuelle de l’immigration au Québec pour les années 2026 à 2029. Il vise à éclairer les décisions gouvernementales à partir de l’expertise terrain des organismes membres de la TCRI, en mettant de l’avant une lecture critique des orientations proposées. Le mémoire est structuré autour de neuf grandes parties, qui abordent chacune un enjeu central pour les personnes immigrantes et réfugiées au Québec.
Il s’ouvre par un préambule qui analyse les discours politiques, l’approche de la TCRI et la responsabilité du Québec en matière d’immigration. Les sections suivantes portent respectivement sur les travailleurs étrangers temporaires, les étudiants internationaux, la régionalisation de l’immigration, l’immigration en région, l’intégration en emploi inclusive, la reconnaissance des compétences, les enjeux de l’immigration humanitaire (dont les personnes en demande d’asile, les personnes incluses dans la catégorie “autres immigrants”, les initiatives humanitaires ponctuelles et le regroupement familial), ainsi qu’une section spécifique pour les personnes réfugiées.
Chaque partie propose des constats étayés, des analyses ancrées dans les réalités de terrain et des recommandations.
Notre approche
Face à ces orientations gouvernementales et à l’absence de consensus sur les seuils, la TCRI propose une perspective différente, fondée sur l’expérience du terrain et le respect des droits. Notre approche privilégie la concertation, l’inclusion et la reconnaissance de la diversité des parcours et des besoins.
L’expertise des membres de la TCRI
La TCRI porte une approche ancrée sur la concertation de ses membres. Cette approche s’appuie sur l’expertise incontournable des organismes communautaires membres de la TCRI. Présents dans toutes les régions du Québec, ces organismes sont les véritables experts du terrain : ils accompagnent quotidiennement les personnes réfugiées, immigrantes et sans statut, en répondant à leurs besoins multiples, souvent dans des conditions précaires. Leur contribution, bien qu’essentielle, est trop rarement reconnue à sa juste valeur. Dans le présent cahier, la mention de leur apport est quasi-inexistante. Ces organismes doivent constamment s’adapter à des pressions accrues et à des changements soudains de directives gouvernementales, tout en demeurant au service des personnes concernées. Leur action, ancrée dans la proximité, la solidarité et l’engagement social, constitue un pilier fondamental de toute politique d’accueil et d’intégration réellement inclusive.
Le respect des droits
La TCRI défend une vision de l’immigration fondée sur la dignité, l’inclusion, la justice sociale et l’égalité réelle pour toutes les personnes, sans distinction de statut ou d’origine. Cette approche rejette toute instrumentalisation de l’immigration à des fins économiques ou utilitaristes. Il ne s’agit pas de réduire les personnes à leur utilité, mais de reconnaître pleinement leurs droits et leurs parcours. Le vivre-ensemble ne se décrète pas : il se construit à travers des politiques équitables et la valorisation de chaque trajectoire. La TCRI rappelle aussi que les politiques migratoires n’ont pas les mêmes effets pour tous et toutes. Selon le statut, le genre, l’origine ou d’autres facteurs, elles peuvent renforcer l’exclusion ou la précarité. C’est pourquoi la lutte contre toutes les formes d’oppressions systémiques demeure au cœur de l’engagement du réseau.
Approche intersectionnelle et ADS+
Afin de lutter contre toutes les formes d’oppressions systémiques, il est essentiel de les reconnaître et d’adopter des approches qui peuvent nous guider.
Pourtant, le Cahier de consultation pour la planification de l’immigration au Québec 2026-2029 [1] omet entièrement l’approche intersectionnelle ainsi que l’Analyse différenciée selon les sexes plus (ADS+), ce qui est particulièrement préoccupant. L’absence de ces cadres, notamment à la section 11.1 sur les principes, invisibilise les discriminations croisées vécues par les personnes immigrantes, notamment en lien avec le genre, la race, la classe sociale, le statut migratoire, l’orientation sexuelle, religieuse ou encore le handicap.
En ne tenant pas compte de ces dimensions, le document perpétue une vision homogène et utilitariste de l’immigration, centrée presque exclusivement sur des critères économiques et linguistiques. Cette approche réduit les personnes concernées à leur potentiel de contribution au marché du travail, sans reconnaître la diversité de leurs parcours, de leurs besoins et des obstacles systémiques auxquels elles font face. Elle va à l’encontre des engagements du gouvernement du Québec en matière d’égalité, de diversité et de lutte contre les discriminations systémiques, notamment ceux énoncés dans la Stratégie gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2022-2027 (Gouvernement du Québec, 2022).
L’intégration de l’approche intersectionnelle et de l’ADS+ ne constitue pas un ajout accessoire, mais une condition essentielle pour bâtir une politique migratoire juste, cohérente et respectueuse des droits fondamentaux. Elle permettrait de mieux répondre aux défis d’inclusion, de cohésion sociale et de justice sociale auxquels le Québec est confronté, tout en valorisant pleinement la richesse et la diversité des parcours migratoires.
Responsabilité du Québec
La TCRI rejette les discours qui associent l’immigration à une pression sur les services. Ces propos masquent les responsabilités politiques réelles et alimentent des représentations injustes des personnes migrantes. Depuis 1991, la gestion de l’immigration au Québec s’inscrit dans un cadre unique, issu de l’Accord Canada-Québec. Cette entente a conféré au Québec un pouvoir élargi de sélection des personnes immigrantes, tout en lui déléguant l’entière responsabilité des services d’intégration. En contrepartie, le gouvernement fédéral verse chaque année des sommes importantes au Québec pour la prestation de ces services (Paquet 2025, 28). En effet, « le montant reçu pour la compensation fédérale pour l’année 2024-2025 est de 867,3 M$ » (IRCC 2025).
Cette responsabilité confère au gouvernement une marge d’action pour définir des politiques migratoires justes, cohérentes et alignées sur les principes d’inclusion et d’équité. Face aux transformations profondes du phénomène migratoire, une planification structurante s’impose. Cela suppose de dépasser les logiques de gestion à court terme et les réponses fragmentées dictées par l’urgence. Une telle planification ne peut être efficace sans une communication interministérielle cohérente et fluide. Les responsabilités liées à l’accueil, à l’intégration et à l’accès aux services sont partagées entre plusieurs ministères : immigration, santé, éducation, entre autres. Or, un manque de coordination entre ces instances compromet la mise en œuvre de mesures efficaces et cohérentes. Pour que les programmes soient réellement accessibles, adaptés et structurants, il est essentiel que les ministères travaillent de manière concertée, en partageant les données, en harmonisant les pratiques et en agissant selon une vision commune des enjeux liés à l’immigration.
La TCRI appelle à un exercice de planification objectif, guidé non par les perceptions fluctuantes ou les pressions conjoncturelles, mais par une vision collective à long terme. Ce mémoire s’inscrit dans cette perspective : il propose une lecture ancrée dans le terrain, nourrie par l’expérience des organismes communautaires, et structurée par des principes clairs. Il vise à contribuer à la construction d’un Québec pleinement engagé dans l’accueil et la reconnaissance des personnes migrantes.
Récapitulatif des recommandations de la TCRI par thématique
Travailleurs étrangers temporaires - Recommandations
1. Que le gouvernement du Canada abolisse le permis de travail fermé ;
2. Que des actions plus conséquentes soient mises en place auprès des employeurs afin de prévenir les abus en matière de droits des travailleurs et imposer des mesures punitives aux employeurs récalcitrants ;
3. Que des permis de travail ouverts pour travailleurs vulnérables, pour les titulaires de permis fermés victimes d’abus, soient octroyés plus facilement, afin de leur permettre de faire respecter leurs droits vis-à-vis d’un employeur abusif ;
4. Que la résidence permanente pour les titulaires de permis de travail qui sont à l’emploi au Québec soit octroyée, et ce, de manière croissante ;
5. Que les milieux de travail diminuent leur dépendance aux travailleurs étrangers temporaires et offrent des conditions de travail décentes.
Étudiants internationaux - Recommandations
6. Que le gouvernement du Québec favorise le passage de l’immigration temporaire à l’immigration permanente pour les étudiants internationaux ;
7. Que le gouvernement soutienne équitablement tous les programmes d’études, en reconnaissant que l’ensemble des diplômé·es, quel que soit leur niveau, constitue une relève essentielle pour le marché du travail à l’échelle provinciale ;
8. Que le gouvernement du Québec lève la suspension sur le volet Diplômés du programme de l’expérience québécoise (PEQ).
La régionalisation de l’immigration - Recommandations
L’immigration en région - Recommandations
9. Que le gouvernement du Québec octroie l’accès aux services de régionalisation ainsi que d’accueil et installation pour toutes les personnes immigrantes, peu importe le statut ;
10. Que le gouvernement du Québec traduise la reconnaissance de l’expertise des organismes en régionalisation par leur inclusion dans les processus décisionnels, par le financement à la mission et par une plus grande confiance en leur autonomie ;
11. Que le gouvernement du Québec reconnaisse que la régionalisation est un processus qui s’insère dans la durée pour les personnes immigrantes. Il doit également reconnaître que ce processus engendre une charge de travail soutenue pour les organismes qui les accompagnent, nécessitant une adaptation adéquate des ressources pour répondre aux besoins sur le terrain ;
12. Que le gouvernement du Québec reconnaisse l’importance des services d’employabilité dans le cadre de la régionalisation.
13. Que le gouvernement du Québec révise les critères d’admissibilité aux programmes financés par le MIFI afin de permettre aux organismes de répondre adéquatement aux besoins des personnes issues de l’immigration en région, peu importe leur statut ;
14. Que le gouvernement du Québec reconnaisse les réalités distinctes entre les organismes d’accueil des personnes immigrantes, notamment les spécificités régionales ;
15. Que le gouvernement du Québec assure des conditions d’accueil équitables et similaires entre les régions ;
16. Que le gouvernement du Québec assure le maintien et le développement des services publics de proximité favorables à l’intégration des personnes issues de l’immigration en région, peu importe leur statut.
Une intégration en emploi inclusive - Recommandations
Reconnaissance des compétences - Recommandations
17. Que le MESS offre des services en employabilité adaptés à tous les statuts d’immigration qui sont en droit de travailler au Québec ;
18. Que le gouvernement du Québec reconnaisse la contribution et le potentiel des personnes immigrantes qui ne sont pas issues de la catégorie de l’immigration économique.
19. Que le gouvernement du Québec offre la reconnaissance des acquis et des compétences, quel que soit le statut migratoire ;
20. Que le gouvernement du Québec offre la reconnaissance des compétences au niveau universitaire, au même titre que les formations professionnelles et collégiales ;
21. Que le gouvernement du Québec facilite davantage l’accès aux ordres professionnels et aux professions réglementées.
Immigration humanitaire - Recommandations
22. Que le gouvernement du Québec adopte une façon de comptabiliser la présence des personnes en demande d’asile qui ne les confondent pas avec la catégorie plus générale des résidents non permanents ;
23. Que le gouvernement du Québec cesse de comptabiliser les personnes réfugiées reconnues sur place qui sont en attente de la résidence permanente en tant que résidents non permanents ;
24. Que le gouvernement du Québec collabore de façon bilatérale avec les autres provinces canadiennes dans la mise en place d’un système de répartition des personnes en demande d’asile qui aurait pour principes centraux la participation volontaire et le consentement libre et éclairé des personnes participantes ;
25. Que le gouvernement du Québec s’abstienne de demander des restrictions aux politiques migratoires qui laissent des personnes victimes de persécution sans protection internationale, en conformité avec les obligations internationales du Canada.
26. Que le gouvernement du Québec abroge le décret de 1996 qui prive les personnes en demande d’asile de nombreux services (ex. : services d’employabilité, services d’accueil et d’intégration), rétablisse les services coupés et maintienne les services qui leur sont offerts ;
27. Que le gouvernement du Québec revoit les critères d’accès à l’hébergement temporaire destiné aux personnes en demande d’asile afin de prendre en compte les nouvelles trajectoires, notamment pour les personnes qui présentent une demande asile à l’interne ;
28. Que le gouvernement du Québec bonifie les ressources allouées à l’aide juridique destinée aux personnes immigrantes et réfugiées ;
29. Que le gouvernement du Québec, en conformité avec l’orientation 3, élimine les barrières à la participation des personnes en demande d’asile aux cours de francisation, ce qui inclut de garantir l’accès aux services de garde subventionnés, et ce, peu importe la décision que la Cour suprême du Canada rendra dans ce dossier ;
30. Que le gouvernement du Québec admette en continu les personnes reconnues réfugiées sur place et ne les comptabilise pas dans le calcul des cibles annuelles d’admission ;
31. Que le gouvernement du Québec permette aux personnes réfugiées reconnues d’accéder aux services réservés aux résidents permanents ;
32. Que le gouvernement du Québec informe adéquatement les ministères et organismes au sujet des services auxquels ont droit les personnes réfugiées reconnues ;
33. Que le gouvernement du Québec admette en continu les personnes visées par la catégorie « Autres immigrants » et ne les comptabilise pas dans le calcul des cibles annuelles d’admission ;
34. Que le gouvernement du Québec permette aux personnes visées par la catégorie « Autres immigrants » qui sont titulaires de CSQ d’accéder aux services réservés aux résidents permanents ;
35. Que le gouvernement reconnaisse l’apport des personnes réfugiées parrainées et prises en charge, à la société québécoise ;
36. Que le gouvernement lève la suspension du programme de parrainage collectif dès 2026 ;
37. Que le gouvernement établisse une sous-catégorie propre à l’immigration humanitaire à l’étranger ;
38. Que le Gouvernement établisse et augmente des cibles fixes et distinctes pour la sélection de personnes parrainées et pour les RPCE indépendamment du nombre de personnes réfugiées reconnues sur place ;
39. Que le gouvernement crée un mécanisme d’urgence pour des parrainages dans le contexte de crises internationales multiples ;
40. Que le Gouvernement offre un soutien financier adéquat aux organismes offrant des services d’accueil et d’intégration aux RPCE.
Conclusion
En somme, ce mémoire vise à rappeler que la planification de l’immigration ne peut se limiter à une gestion chiffrée de l’immigration. Elle doit s’appuyer sur une vision inclusive, structurante et respectueuse des droits, qui tient compte de la diversité des parcours migratoires et des réalités vécues par les personnes concernées au Québec. À travers l’ensemble de ses sections, la TCRI formule des recommandations concrètes pour que les politiques en matière d’immigration soient à la hauteur des principes de notre société. N’oublions pas que les organismes communautaires jouent un rôle central dans cet effort collectif. Leur expertise, leur engagement et leur présence dans toutes les régions du Québec doivent être reconnus comme des leviers incontournables pour bâtir un Québec véritablement accueillant
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