Édition du 23 avril 2024

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Politique québécoise

Mythes et réalités sur la « complainte fiscale » des riches

Face à la proposition de remplacer la taxe santé inéquitable par une augmentation de la contribution fiscale des citoyens les plus riches, les porte-parole du patronat, les commentateurs de droite et les valets de la classe dominante ont manifesté une opposition ferme. Il n’aura pas fallu un mois pour que le gouvernement minoritaire du Parti québécois (PQ) capitule presque entièrement.

Dans l’attente d’une nouvelle initiative visant à augmenter la progressivité du régime fiscal québécois, nous vous présentons un petit guide d’autodéfense afin de répondre à certains arguments démagogiques et mensongers qui ont été véhiculés sur la place publique et répétés ad nauseam.

Mythe n° 1
Les riches payent déjà plus que leur part d’impôt, notre régime fiscal est déjà trop progressif.

Réponse 1 : S’il est vrai que ceux qui gagnent plus de 150 000 $ par année ne représentent que 1,5 % des contribuables et qu’ils payent pourtant 21 % des impôts perçus par Québec, il est aussi important de rappeler que ce 1,5 % de contribuables bénéficie de plus de 14 % de tous les revenus déclarés au fisc. Il faut regarder la contribution fiscale non pas selon le nombre de personnes, mais selon le revenu dont ces personnes disposent.

Voici l’évolution du taux d’impôt effectif, soit l’impôt payé divisé par le revenu gagné, selon les niveaux de revenu :

Force est d’admettre que le régime fiscal québécois demeure toujours relativement progressif, et cela, malgré les reculs dus aux baisses d’impôt des quinze dernières années. Mais cette progressivité n’a rien de radical et demeure même insuffisante.

Mythe n° 2
Les riches se font extorquer alors que 40% des contribuables ne payent pas d’impôt

Reçus de caisse

Il faut mettre cette donnée dans son contexte. Depuis les années 90, tous les citoyens ayant un revenu, si minime soit-il, sont obligés de remplir une déclaration de revenus.

Réponse 2 : Il faut mettre cette donnée dans son contexte. Depuis les années 90, tous les citoyens ayant un revenu, si minime soit-il, sont obligés de remplir une déclaration de revenus. Même sans revenu, les contribuables doivent se rapporter au fisc afin d’avoir accès à de nombreux transferts gouvernementaux (prime au travail, crédit de solidarité, crédit pour enfants). Ainsi, le nombre de contribuables qui ne payent pas d’impôt a gonflé, car il inclut les parents à la maison, les étudiants travaillant seulement quelques heures par semaine, les chômeurs et les personnes ne recevant que la pension de sécurité de la vieillesse. Uniquement 9 % de la population active ne paye pas d’impôt.

Il faut aussi rappeler que les personnes qui ne payent pas d’impôt sur le revenu contribuent autrement aux finances de l’État par les différentes taxes à la consommation. Ces dernières représentent près du tiers du financement de l’État. Il est donc tendancieux de prétendre que 40 % des contribuables profitent d’un « lunch gratuit » et vivent aux crochets des autres !

Mythe n° 3
Imposer plus pleinement les gains en capital va affecter la classe moyenne.

Immeuble à revenus

D’abord, il serait erroné de croire que les gains en capital représentent une part substantielle des revenus de la classe moyenne.

Réponse 3 : D’abord, il serait erroné de croire que les gains en capital représentent une part substantielle des revenus de la classe moyenne. Il faut rappeler que 57 % de tous les gains en capital ont été empochés par la petite minorité de 1,5 % des contribuables qui gagnent plus de 150 000 $ par année. Les 50 % de contribuables qui forment la classe moyenne élargie (entre 20 000 $ et 70 000 $) ne touchent que 17 % des gains en capital.

Ensuite, il faut nuancer l’effet des réformes que le PQ avait initialement proposées. Il n’était aucunement question d’imposer les gains en capital à 75 %. C’est plutôt qu’on aurait appliqué le taux d’impôt (entre 16 % et 31 % selon le revenu) sur 75 % de ces gains au lieu de seulement la moitié.

Cette proposition aurait eu un impact pour les propriétaires d’immeuble à revenus. Or, cet impact demeure mineur. D’abord, les gains en capital réalisés lors de la vente d’une résidence principale sont exemptés à 100 % de l’impôt. Ensuite, l’impôt s’applique uniquement sur le profit dégagé lors de la vente. Par exemple, pour le propriétaire résident d’un duplex acheté à 300 000 $ et revendu à 600 000 $, la réforme lui aurait demandé de payer 13 500 $ de plus, soit 4,5 % de son 300 000 $ de profit brut. Cela représente un ajustement mineur de ses plans de retraite. Par contre, il s’agit d’un élément dissuasif pour tous les spéculateurs immobiliers pour tous les spéculateurs immobiliers qui contribuent à faire augmenter le prix des logements.

Mythe n° 4
Si on les impose trop, les riches et les entrepreneurs déménageront en Ontario.

Déménagement

Pour économiser les 8 000 $ d’impôt qu’auraient entraîné les augmentations annoncées initialement, le contribuable gagnant plus de 300 000 $ devrait se priver de plusieurs avantages du Québec :

Réponse 4 : Pour économiser les 8 000 $ d’impôt qu’auraient entraîné les augmentations annoncées initialement, le contribuable gagnant plus de 300 000 $ devrait se priver de plusieurs avantages du Québec :

* société parmi les plus sécuritaires, parce que plus égalitaire ;

* le coût de la vie inférieur : les maisons sont 40 % moins chères qu’en Ontario, la garderie coûte 7 $ par jour au lieu de 40 $ (économie annuelle de 7 800 $) ;

* le Québec est le champion canadien de l’aide à l’entreprise.

L’impact des impôts sur la migration des plus riches demeure encore à prouver par des études réelles. Enfin, les gens ont beau partir, les postes à haut revenu vont rester.

Mythe n° 5
Les riches sont tous des créateurs d’emplois et de richesses.

Professionnel de la santé

S’attaquer aux contribuables les plus riches, c’est s’attaquer aux « créateurs de richesses ». Or, les citoyens faisant partie de ce 1,5 % les plus riches ne sont pas tous des entrepreneurs créateurs d’emplois.

Réponse 5 : S’attaquer aux contribuables les plus riches, c’est s’attaquer aux « créateurs de richesses ». Or, les citoyens faisant partie de ce 1,5 % les plus riches ne sont pas tous des entrepreneurs créateurs d’emplois. Plusieurs sont des professionnels de la santé du public (médecins, pharmaciens) ou du privé (chirurgiens plastiques, vétérinaires, dentistes). D’autres sont des gestionnaires de niveau intermédiaire ou des professionnels de la finance. Les soi-disant créateurs de richesses – les propriétaires, les présidents et les PDG de compagnies – ne représentent que 15 % de cette classe à part.

Sans compter que le personnel des services publics contribue à mettre en place les conditions nécessaires au fonctionnement d’une économie dynamique et d’une société épanouie. Donc, il crée aussi de la richesse.

Mythe n° 6
Un taux marginal d’impôt qui dépasse 50% est néfaste pour l’économie.

Pauvre et riche

Le taux marginal d’imposition représente la part que prend l’État sur chaque dollar d’augmentation de revenu que reçoît un contribuable.

Réponse 6 : Le taux marginal d’imposition représente la part que prend l’État sur chaque dollar d’augmentation de revenu que reçoît un contribuable.

Le « seuil psychologique » de 50 % pour le taux marginal d’impôt est une pure invention de marketing politique. Il n’y a pas de consensus en science économique sur ce sujet. Plusieurs pays réussissent à prospérer tout en appliquant un taux marginal d’impôt sur le revenu qui dépasse les 50 % (la Belgique, le Danemark, la Suède et les Pays‑Bas).

Pour les travailleurs du bas de l’échelle, le taux d’imposition marginal net dépasse souvent les 60 %. Au fur et à mesure que leurs revenus d’emploi augmentent, ils voient leurs crédits d’impôt (prime au travail et crédit pour enfants) ou leur aide sociale diminuer trop rapidement.

Mythe n° 7
Les hausses d’impôt affecteront négativement l’investissement et l’économie.

Organigramme

Selon plusieurs études, les salariés et les professionnels les plus riches diminueraient peu leur quantité de travail en réaction à une hausse d’impôt.

Réponse 7 : Selon plusieurs études, les salariés et les professionnels les plus riches diminueraient peu leur quantité de travail en réaction à une hausse d’impôt. À leur niveau de revenu, la motivation vient moins de l’argent comme tel, mais beaucoup plus de leur statut, de la reconnaissance sociale ou du pouvoir que leur donne leur poste.

Il faut par contre faire attention à l’évitement fiscal (utilisation des abris fiscaux). Plus l’impôt est élevé, plus il vaut la peine d’engager une fiscaliste astucieuse. Ainsi, l’augmentation des impôts des plus riches ne peut se faire sans mieux bloquer les possibilités d’échapper à l’impôt. Il était donc cohérent pour le PQ de réviser le traitement fiscal des gains en capital et des dividendes en même temps que la hausse des paliers d’impôt. Il faudra aussi se pencher sérieusement sur les divers abris, notamment les paradis fiscaux.

Quel est l’effet sur les investissements ? Rappelons d’abord que le faible niveau d’impôt des entreprises place le Québec dans les premiers rangs de la compétitivité internationale. C’est la multinationale spécialisée en planification fiscale KPMG qui le dit. Ajoutons à cela qu’il existe différentes dispositions fiscales permettant aux créateurs de PME de profiter pleinement du fruit de leur travail. Une exemption de 750 000 $, qui peut être multipliée, leur est accordée lors de la vente de leur entreprise.

D’une manière globale, l’effet négatif des hausses d’impôt sur l’économie est assurément exagéré.

Pour télécharger le document : http://www.csq.qc.net/fileadmin/CSQ/Internet/documents/portail_csq/documentation/economie_finances_publiques/manuel-autodefence-contre-complainte-fiscale.pdf

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