Le gouvernement de coalition dirigé par les socialistes en Espagne constitue cependant une exception étonnante à cette triste tendance que nous observons de jour en jour.
The Economist affirme qu’en 2024 l’Espagne est l’économie la plus dynamique de l’Union européenne et une des plus performantes au monde. Et un facteur clé contribuant à cela est précisément ce qui la démarque de ses voisins la France, l’Allemagne et l’Italie : sa grande ouverture en matière d’immigration.
En octobre 2024, le premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, affirmait au parlement qu’il fallait choisir entre un pays ouvert et prospère et un pays fermé et pauvre{}. C’est aussi simple que cela, insistait-il. Tout au long de l’histoire, le mouvement migratoire a été l’un des grands moteurs du développement des nations, tandis que la haine et la xénophobie ont été - et continuent d’être - le plus grand destructeur de nations. L’essentiel est de bien gérer la migration.
Dans un pays où le taux de natalité est l’un des plus bas de l’UE, poursuivait-il, l’immigration n’est pas seulement une question d’humanité. C’est le seul moyen réaliste de faire croître l’économie et de maintenir l’État-providence.
En 2024, plus de 400 000 postes vacants en Espagne ont été pourvus par des migrant-es et des personnes ayant la double nationalité et à partir de 2025, on prévoit d’offrir des permis de résidence et de travail à 900 000 migrant-es sans papiers.
L’économie espagnole a progressé de 3,2 % en 2024, affirme la correspondante du Guardian Ashifa Kassam. Ce chiffre dépasse de loin la contraction de 0,2 % de l’Allemagne, la croissance de 1,1 % de la France et celle de 0,5 % de l’Italie. Ce chiffre est également supérieur à celui de la Grande-Bretagne, dont le PIB total a augmenté de 0,9 % l’année dernière, et à celui des Pays-Bas, qui a progressé de 0,8.
Certes, le tourisme contribue énormément, comme c’est le cas en France et en Italie, à la création d’emplois dans les hôtels, les restaurants et autres services. Cependant, si l’Espagne a tant profité du nombre record de touristes qu’elle accueillait en 2024 – 94 millions –, réussissant à ramener son taux de chômage au niveau le plus bas depuis 2008, c’est parce qu’elle a su montrer une grande ouverture à l’immigration. Ce sont les migrant-es qui comblaient les lacunes d’un marché du travail où la population en âge de travailler vieillit.
Javier Díaz-Giménez, professeur d’économie à IESE Business School de Barcelone, souligne d’autres facteurs qui, à son avis, ont contribué au succès de l’économie espagnole.
D’une part, l’Espagne jouit d’une abondance d’énergies renouvelables éoliennes et solaires, ce qui a permis de maintenir l’énergie à un prix relativement bas. D’autre part, l’Espagne a puisé dans les fonds de relance Covid de l’UE pour soutenir l’économie et a même osé encourir un déficit en 2024 pour effectuer des dépenses publiques record, consacrant surtout celles-ci à la modernisation des infrastructures vitales et aux investissements verts, y compris les zones urbaines à faibles émissions et les subventions pour les petites entreprises.
Le gouvernement de Pedro Sánchez a fait augmenter le salaire minimum en Espagne de plus de 50% depuis son arrivée au pouvoir en 2018.
Comme le note María Ramírez dans le Guardian, toutes les données économiques en Espagne ne sont pas cependant roses.
L’Espagne est toujours confrontée à une faible productivité, à une dépendance excessive à l’égard du secteur public et à des salaires bas (le PIB par habitant n’a pas augmenté autant que le PIB), même si elle s’est améliorée dans ces domaines également, » affirme Ramírez. « Le tourisme, bien que moteur de l’économie, a exacerbé la pénurie de logements et alimenté une réaction brutale contre les visiteurs, les plateformes de location à court terme et les fonds d’investissement poussant les habitants à quitter les centres-villes.
L’immigration a accentué la pression sur les logements abordables, la demande dépassant l’offre à mesure que la population augmente, » poursuit-elle. « Certains politiciens accusent les riches acheteurs vénézuéliens et colombiens d’être responsables de la hausse des prix dans les quartiers les plus chers de Madrid. Les immigrés les plus pauvres, en particulier ceux originaires des pays d’Afrique du Nord, continuent d’être victimes de discrimination et d’exploitation de la part d’employeurs ou de propriétaires peu scrupuleux et criminels. Pendant ce temps, les politiciens régionaux et nationaux sont souvent pris dans des conflits concernant le logement des mineurs immigrés qui sont arrivés seuls en Espagne.
Tout cela étant reconnu, l’Espagne représente peut-être un modèle à suivre pour le Québec où il existe une abondance d’énergie propre et peu coûteuse.
Augmenter le salaire minimum. Avoir le courage d’effectuer des investissements massifs dans les infrastructures publiques, incluant dans ces secteurs si importants, à la fois sur le plan humain et économique, que sont la santé et l’éducation. Accélérer de façon radicale la transition à l’énergie verte. Ne pas couper mais plutôt augmenter les budgets permettant aux immigrant-es d’apprendre le français. Et ne pas craindre, comme l’a fait Pedro Sánchez, d’augmenter le déficit pour réaliser tout cela.
Voilà un modèle que pourrait suivre le Québec dans la conjoncture actuelle.
Un message, un commentaire ?