« Tout fonctionne normalement, ça tourne en rond évidemment ! »
Il semble y avoir en ce moment un début de consternation dans les rangs des militantEs de Québec solidaire (QS). La cause : Vincent Marissal. Le député du comté de Rosemont à l’Assemblée nationale – maintenant officiellement démissionnaire de QS – aurait eu des échanges avec Paul St-Pierre Plamondon, le chef du Parti québécois (PQ). Il aurait été question d’un changement d’allégeance politique en prévision de la prochaine élection générale au Québec qui aura lieu en octobre 2026. Il ne faut pas s’étonner, selon nous, de ce phénomène qui a pour nom en politique « le transfuge ». La personne qui abandonne un parti pour adhérer à un autre (idem pour le changement de doctrine) fait partie du jeu politique. La « trahison » et le « retournement de veste » ont des origines lointaines dans cette sphère de la pratique sociale. Machiavel est probablement l’auteur qui a le mieux exprimé cette éventualité[1]. Il a constaté que l’humain est un être aux humeurs qui oscillent parfois d’un extrême à l’autre. L’ambition fait en sorte que diverses personnes peuvent, en certaines circonstances, perdre la raison. Dès qu’une porte s’ouvre à leur ambition ou à leur aspiration de puissance, elles s’y engouffrent avec passion et en oublient leurs serments de fidélité, leurs alliances (Machiavel, 1980, Chapitre XVIII, p. 107-110). Mais devons-nous être toujours à ce point bourreau et juge ?
La personne active en politique est parfois habitée par l’ambition. Ses aspirations à vouloir occuper une vraie fonction de direction – un poste de ministre à titre d’exemple – peuvent l’amener à envisager de porter les couleurs d’une autre formation politique qui est déjà au pouvoir ou qui semble être la formation favorite pour remporter la prochaine élection générale. Au-delà donc de la vocation à servir la population, il y a aussi en ce domaine le besoin de gravir les échelons et d’obtenir un poste digne avec les prérogatives qui suivent. Ce qui est étonnant, en ce moment, c’est la réaction de déception qui se manifeste dans les médias électroniques et sur les réseaux sociaux. Ne soyons pas naïves et naïfs. La scène politique est occupée par des personnes humaines. Pour le dire clairement, les êtres humains sont capables du plus grand (donner la vie) comme du pire (l’enlever). À partir du moment où ce sont des êtres humains qui font la vie politique, tout est possible dans cette sphère spécialisée de la vie sociale, même d’y trouver des « vire-capots ».
Les raisons pour lesquelles une personne peut décider de changer de camp sont nombreuses et nous n’en ferons ni la nomenclature ni un inventaire exhaustif ici. Certaines peuvent être bonnes et d’autres mauvaises. De l’extérieur des officines du parlement et sans connaître les discussions ou délibérations qui se sont déroulées derrière les portes capitonnées et surtout closes, on peut reprocher à Vincent Marissal, à tout le moins, son manque de transparence à l’endroit des personnes qu’il représente, ce qui représente bien sûr un certain point de vue. Rappelons qu’au début de l’année, il avait indiqué son intention de se présenter aux élections municipales de Montréal, augurant ainsi un divorce avec QS presque imminent, voilà l’autre point de vue. Cela dit, il n’empêche que son départ, qui n’est pas le seul d’ailleurs – quoique pour des raisons différentes –, soulève un problème peut-être plus criant au sein de QS.
Outre le fait d’entrevoir une meilleure opportunité de réélection et, de surcroît, une probabilité intéressante d’obtenir une fonction de ministre, sans ignorer ses convictions personnelles d’un Québec indépendant, qui le pousseraient alors vers le PQ, Vincent Marrisal ne voit-il pas également en monsieur St-Pierre-Plamondon un chef de parti qui inspire le leadership désiré ? La force d’une cheffe ou d’un chef est primordial, afin d’assurer des gains électoraux et la cohésion d’un parti. Cette personne crée alors un élan qui attire des candidatEs et les motivent à le suivre dans sa vision d’avenir pour la nation. Au cours des dernières années, le leadership de QS a entraîné des débats sur l’orientation que devait prendre le parti, au point d’avoir créé des divisions internes dont les blessures occasionnées restent encore fraîches. Si l’opportunisme est évoqué ici, le calcul ne doit pas ignorer les demandes de la population québécoise qui ne veut pourtant pas de référendum sur l’indépendance du Québec. En prenant l’exemple de Timothée, pourtant éduqué par Isocrate qui voulait former les meilleurs dirigeants, et donc des hommes politiques incorruptibles, sa carrière de stratège s’est achevée à la suite notamment d’une accusation pour avoir porté atteinte à la démocratie d’Athènes, même s’il avait raison de s’opposer à la corruption démocratique de la cité, sous l’effet de ce qui est appelé aujourd’hui le « populisme » (Christodoulou, s.d.). La morale de cette histoire expose le principe de prudence et donc la nécessité de savoir reconnaître le bon moment avant d’agir. Alors presser une population dont l’attention est portée ailleurs exige au départ, d’après l’enseignement d’Isocrate, de se mettre à son service et de démontrer sa capacité à résoudre les problèmes étant à la source des préoccupations du moment.
Avant d’adhérer à QS, Vincent Marrisal aurait eu des discussions avec le Parti libéral fédéral. En début d’année, il avait eu, un bref instant, l’intention de se présenter à la mairie de Montréal. Plus récemment, ce serait avec le PQ qu’il aurait eu des discussions. Devant un tel comportement de sincérités successives, les plus cyniques parmi nous diront : en politique, « [t]out fonctionne normalement, ça tourne en rond évidemment ! ». D’autres qui ne lui en veulent pas répliqueront par contre : « Que celui qui n’a jamais péché lui lance la première pierre ».
Guylain Bernier
Yvan Perrier
23 novembre 2025
15h20
Note
[1] Machiavel. (1980). Le Prince et autres textes. Paris, France : Folio classique, 473 p.
Références
Christodoulou, Panos. (s.d.). Phusis, Paideia et Philosophia dans la pensée de Platon et d’Isocrate : le règne de l’homme politique incorruptible. Hérodote, vol. 3, p. 11-54.
Perrier, Yvan. (2018). Vincent Marissal. Repéré à https://www.pressegauche.org/Vincent-Marisal.
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