Les dominants qui ne sont pas toujours bêtes ont leurs propres think-tank, où on se permet de penser tout haut. Pensons par exemple au Forum économique mondial de Davos. Plus près de chez nous à Montréal, il y a chaque an le Forum économique international des Amériques où les PDG et les gouvernants discutent des « meilleurs pratiques » pour maintenir en place leur néolibéralisme chéri.
Alors disant cela, le FSM est le think-tank des mouvements. Il ne décide pas, il ne définit pas la « ligne », mais il repère des points de convergence. Il est un lieu où on se pose des questions, où on regarde ce qu’on a fait et ce qu’on devrait faire et ainsi, on prépare le terrain aux organisations qui veulent aller plus loin et plus fort. Et c’est ainsi qu’apparaissent des perspectives communes qui débouchent sur des actions à travers la galaxie de l’altermondialisme.
Depuis toujours, la solidarité avec le peuple palestinien et ses résistances fait partie de cette discussion. L’occupation de la Palestine, en effet, occupe une situation exceptionnelle dans notre système et notre géopolitique mondiale. La Palestine est en fait la « dernière colonie », où un État cherche à anéantir un peuple, par la répression, la misère, l’exil et le mépris. Cet État peut agir quasiment en toute impunité, étant l’allié structurel des États-Unis, qui avaient et ont encore besoin d’une plateforme permanente d’où organiser des agressions contre l’ensemble des peuples de la région, pas seulement contre le peuple palestinien.
Cette impunité a un caractère spécifique, qui découle en partie du génocide des Juifs européens au 20ième siècle. Pendant longtemps indifférents pour ne pas dire complices des Nazis (Henry Ford était reçu par Hitler chaque année jusqu’en 1938), les dominants après la Guerre ont accepté que les survivants aillent conquérir par la force un autre territoire, en l’occurrence la Palestine. Par la suite, Israël a été de tous les coups bas perpétrés par les puissances contre la région. Après l’expulsion et les massacres de 1948, des atrocités ont continué jusqu’à l’occupation complète des territoires palestiniens en 1967. Aujourd’hui derrière la mascarade d’un processus de paix qui est en fait une stratégie pour consolider l’occupation, un peuple entier est châtié, encerclé, affamé et humilié. Je pense que les lecteurs et lectrices de PTAG connaissent cette histoire !
La Palestine est ainsi devenue une sorte d’emblème pour les mouvements altermondialistes du monde, un point de ralliement, une cause commune. Lors des rencontres du FSM, une place spéciale a toujours été consacrée à la Palestine, à ses personnalités, à ses mouvements, qui nous aident à comprendre l’occupation et les résistances, à tisser des liens. Fait à noter, cette cause palestinienne lors des Forums a été également alimentée par des militants et des militantes de l’autre côté du Mur, si on peut dire. Ces braves sont convaincus que l’occupation de la Palestine constitue pour les Israéliens une sorte de cancer dont les métastases mènent ce pays à sa perte à travers la répression et les violations de droit.
Depuis quelques temps, un grand mouvement mondial de solidarité s’est levé à l’appel de la campagne BDS (dont on a souvent parlé dans ces pages). C’est une coalition de coalitions qui regroupe une quantité énorme de mouvements populaires et d’ONG de plusieurs pays.
Les sanctions et le boycottage, on connaît cela dans le mouvement populaire. Cela a fonctionné plusieurs fois, dont, on s’en souviendra, contre l’apartheid en Afrique du Sud. Devant la résistance sud-africaine qui était essentiellement civile et non-armée, on s’est mis à appeler à des sanctions économiques contre cet ennemi de la démocratie. Pendant longtemps, les gouvernements du Canada, des États-Unis et de ses autres alliés-subalternes sont opposés à ces sanctions, mais à la fin, le mouvement était trop fort. Cette campagne a aidé les mouvements sud-africains dans leurs résistances.
Aujourd’hui, la campagne BDS commence à faire mal à l’État colonial. L’opinion publique dans les pays capitalistes est également en train de changer devant les massacres israéliens perpétrés au nom de la « lutte contre le terrorisme ». On comprend alors le début de panique qui semble grandir à Tel-Aviv, mais aussi à Washington, Londres et Ottawa. C’est comme cela qu’on peut expliquer l’infamante politique adoptée par le gouvernement Trudeau il y a quelques semaines (voir le texte de Mouloud Idir).
En vue du prochain Forum mondial qui aura lieu à Montréal en août, plusieurs réseaux s’apprêtent à clamer haut et fort que la solidarité n’est pas un crime, mais un devoir. Les revendications palestiniennes sont claires, intelligibles et justes et peuvent se résumées en une seule phrase : l’occupation doit cesser !
En attendant, il faut contester les relations économiques et commerciales avec un État qui pratique ni plus ni moins une sorte d’apartheid, ce qui est illégitime et sans doute, s’il y a encore une justice internationale, illégal. C’est d’ailleurs pour cela que des entreprises multinationales commencent à y penser deux fois avant de faire du « business » en Israël. On peut comprendre aussi pourquoi le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies vient de voter (mars 2016) une résolution demandant à l’ONU d’établir une liste des entreprises impliquées dans des activités liées directement ou indirectement aux colonies israéliennes et ce dans le but d’alerter l’opinion et d’inciter les gens à protester auprès de ces entreprises.
Attendez-vous à cela, il sera beaucoup question de la Palestine au prochain Forum. Il y aura de nombreux témoignages palestiniens. On entendra même des militants israéliens qui combattent la colonisation, comme l’infatigable Michel Warschawski. On discutera avec plusieurs réseaux et campagnes en cours au Québec, en France, aux États-Unis, au Brésil et ailleurs, pour relancer la solidarité qui est, comme le disait un guérilléro nicaraguayen, « la tendresse des peuples ».
