Édition du 30 avril 2024

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Poursuite des audiences sur l’utilisation de scabs au Journal de Québec : Quebecor ne veut plus d’audiences publiques

Vendredi, dans la poursuite des audiences sur l’utilisation alléguée de scabs au Journal de Québec, il est à prévoir que Quebecor demandera une ordonnance de non-publication. C’est en tout cas ce qu’ont appris les procureurs syndicaux. Une telle ordonnance, si elle était accordée par la Commission des relations du travail (CRT) du Québec, aurait pour effet d’interdire aux différents médias de couvrir cette facette du lock-out au Journal de Québec, lock-out qui dure depuis plus de 11 mois.

Le porte-parole des 252 syndiqués en conflit au Journal de Québec, Denis Bolduc, rappelle que le procureur de l’agence Nomade, créature de Quebecor, a déjà tenté, sans succès, d’obtenir une telle ordonnance lors de l’audience du 12 mars. Il déplore qu’un « groupe de presse comme Quebecor Media veuille écarter les autres médias des délibérations tenues à la CRT ».

Denis Bolduc trouve pour le moins étonnante cette prise de position de Quebecor. « Qu’est-ce que Quebecor veut cacher ? », s’interroge-t-il. Et tous les articles anonymes que publie le Journal de Québec depuis le début du lock-out ? Après avoir créé de toutes pièces ce conflit, Quebecor devrait au moins avoir la décence de s’expliquer publiquement, sans cachette. »

Rappel du conflit au Journal de Québec

Les employés de bureau et de la rédaction du Journal de Québec sont sous le coup d’un lock-out décrété par l’employeur le 22 avril 2007. Avant le déclenchement du lock-out, aucun des trois syndicats n’avait demandé de mandat de grève à ses membres ni même exercé de moyens de pression. En solidarité avec leurs collègues jetés sur le trottoir par la décision de Quebecor/Corporation Sun Media, les employés de l’imprimerie ont voté la grève à 97%.

Aucun conflit de travail n’avait eu lieu depuis la fondation du Journal de Québec en 1967. Il y a environ deux ans, tous les employés syndiqués du Journal avaient accepté de reconduire la convention collective pour un an en partenariat avec l’employeur pour mieux affronter son concurrent, Le Soleil, qui passait au format tabloïd.

Au moment du déclenchement du conflit, le Journal de Québec dégageait des profits nets annuels d’environ 25 millions de dollars et était le numéro un dans son marché.

Selon les données de l’Audit Bureau of Circulations (ABC) (organisme spécialisé dans l’évaluation de la distribution des quotidiens partout sur le continent nord-américain), au moment de l’annonce du lock-out le Journal de Québec était celui qui avait connu la plus forte progression au Canada (soit 2,5%, pour la période de six mois se terminant le 31 mars 2007, du lundi au vendredi pour les quotidiens de plus de 100 000 exemplaires).

La brutalité de ce lock-out, malgré la très grande profitabilité de l’entreprise, fait dire aux syndiqués que Quebecor/Sun Media pratique à leur endroit du « terrorisme économique ».

Aucun piquet de grève n’a été érigé par les syndiqués depuis le début du lock-out.

Depuis le 24 avril 2007, les employés en conflit publient et distribuent cinq jours semaine 40 000 exemplaires du MédiaMatinQuébec, un quotidien gratuit qu’ils ont créé, pour rappeler leur cause à la population de Québec. Quebecor/Corporation Sun Media a entrepris plusieurs recours judiciaires pour empêcher la publication du MédiaMatinQuébec. Toutes ces démarches ont échoué.

Malgré le conflit, le Journal de Québec continue d’être publié. Il est imprimé principalement à Mirabel plutôt qu’à Québec.

Dans une décision rendue le 23 août 2007, en application de l’article 109 du Code du travail du Québec (dispositions anti-scabs), la Commission des relations du travail (CRT) du Québec a ordonné à la direction du Journal de Québec de cesser de recourir aux services de quatre personnes qui remplissaient les fonctions de salariés en conflit.

De nouvelles plaintes concernant l’utilisation de travailleurs illégaux ont été déposées par les syndicats en octobre et novembre 2007. Au total, ces plaintes visent 17 personnes. Des audiences de la CRT sur ces plaintes ont eu lieu les 14 et 28 janvier, 12 et 14 mars. Lors des premières audiences, le rédacteur en chef du Journal de Québec, Serge Gosselin, a déclaré sous serment qu’il n’estimait « pas pertinent » de savoir qui sont les auteurs des articles provenant de Canoë et publiés dans son quotidien en lock-out. D’autre part, dans son témoignage Sylvain Chamberland a expliqué que c’est à la demande de Pierre Karl Péladeau lui-même qu’il a lancé son agence à la fin mai 2007, soit un mois après le début du lock-out.

D’autre part, le 5 février 2008, le Journal de Québec, le portail Internet Canoë et le journaliste de Canoë Hubert Lapointe ont plaidé non coupables à des accusations criminelles pour avoir, l’été dernier, divulgué le nom d’une victime d’agression sexuelle malgré une ordonnance de non-publication de la Cour. Cette affaire reviendra devant le tribunal le 15 avril. Hubert Lapointe est l’une des 17 personnes visées par les plaintes sur l’emploi de scabs.

Les enjeux du lock-out

Les enjeux de ce conflit sont multiples. N’en mentionnons que quelques-uns. Pour les employés de bureau, ce sont surtout des questions de sous-traitance et de délocalisation des emplois. Pour ceux de l’imprimerie, c’est l’établissement de conditions salariales différenciées. Pour les journalistes et photographes, c’est la redéfinition même de l’exercice de leur profession qui est dans la balance, une bataille pour la qualité de l’information et la liberté de presse. À tous les groupes d’employés, l’employeur demande de faire passer la semaine de travail de quatre jours à cinq jours semaine sans compensation.


Source : SCFP 25 mars 2008

Mots-clés : Communiqués

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