Plus d’un siècle d’affronts
Depuis la fin du 19e siècle et jusqu’à la fermeture du dernier pensionnat autochtone en 1996, plus de 150 000 enfants des Premières Nations, inuits et métis ont été, de façon systématique, enlevés à leur famille et envoyés de force dans des écoles religieuses.
La Commission a conclu que les pensionnats autochtones étaient l’outil central d’un génocide culturel à l’égard des Premiers Peuples du Canada. Les témoignages de violence, d’insultes et de mépris sont poignants et durs à écouter. Cependant, il est nécessaire de regarder ce passé de façon lucide et de se résigner au fait que nos ancêtres et nos institutions ont effectivement participé à cette entreprise violente.
La peur des mots
« Génocide culturel », le gouvernement Harper a peur de ces mots. Il refuse d’ailleurs de les prononcer. Il préfère parler d’assimilation forcée. Ce n’est pas sans rappeler une démarche semblable ayant eu lieu dans les années 1990 en Australie.
L’histoire reflète l’attitude colonialiste de l’époque et est presque en tous points comparable : 100 000 enfants enlevés à leur famille et envoyés à l’étranger ou dans des pensionnats religieux, des histoires de viols, de violence et d’enfances volées.
À l’époque, après une commission semblable qui a déposé un rapport en 1998, le premier ministre australien, John Howard, refusait également de présenter des excuses officielles, de peur que cela entraîne une obligation de compensation financière. En 2008, les aborigènes ont eu droit à des excuses officielles, mais ils attendent toujours des changements concrets.
Le devoir d’agir
En 2008, le gouvernement fédéral canadien a présenté ses excuses officielles aux Premières Nations du pays. Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, lançait néanmoins une mise en garde : « si le gouvernement n’adopte pas des mesures concrètes, principalement envers nos jeunes, ses excuses n’auront aucun sens. »
En déposant son rapport, le juge Sinclair rappelait avec justesse un des enjeux de l’heure concernant les peuples autochtones : tenir une enquête nationale sur la disparition et l’assassinat de milliers de femmes autochtones depuis les années 1980. Pour le juge Sinclair, cette enquête est indispensable à l’effort de réconciliation. Tout le monde a chaudement applaudi cette déclaration. En fait, presque tout le monde. Le ministre des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, est resté obstinément assis.
Il faut dire que son gouvernement nie la réalité depuis le tout début. Et c’est là le véritable problème. Seul un réengagement important de l’État pour permettre aux peuples autochtones un accès à l’égalité des chances peut paver la voie vers une véritable réconciliation. S’excuser, c’est une chose. Changer véritablement nos comportements envers les peuples autochtones, ce serait essentiel.