Édition du 10 décembre 2024

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Une mégaporcherie états-unienne installée au Mexique et l'apparition de la grippe porcine

Le 20 mars dernier, alors que l’existence du virus de la grippe porcine n’était pas encore connue, Bertha Crisostomo, agente municipale de La Gloria, un quartier de la municipalité de Perote (État de Veracruz), sollicita l’appui du ministère de la Santé de Mexico concernant une explosion d’infections respiratoires qui affectaient 60% des 3000 habitants de l’arrondissement, soit 1600 personnes.

Également, un reportage publié par la revue Milenio, avant que soit connu l’origine de cette explosion, décrivait comment plusieurs familles avaient été victimes d’infections gastro-intestinales et respiratoires, symptômes typiques de la grippe.

José Luis Martinez, un résidant de La Gloria, de 34 ans, dit qu’il a appris de quoi il s’agissait par les médias qui décrivaient la grippe porcine et ses symptômes : fièvre, toux, douleurs dans les articulations, migraines et dans certains cas, vomissements et diarrées. « Quand on a vu ça à la télévision, dit-il, on s’est dit : c’est ça que nous avons. »

A ces doutes populaires, s’est ajouté la confirmation d’une firme de consultants états-unienne spécialisée dans la biosurveillance, Veretech Corporation, qui a identifié une communauté de Perote comme étant le lieu de l’apparition du nouveau virus de l’influenza.

C’est à Perote, une localité de l’État de Veracruz, qu’est située Granjas Carroll, une transnationale qui appartient pour 50% à Smithfield Foods Inc., dont le siège social se trouve en Virginie (USA). Cette transnationale n’opère pas aux États-Unis, parce qu’elle a été condamnée pour cause de pollution provoquée par ses porcheries. Granjas Carroll de Mexico [Les Porcheries Carroll du Mexique] a commença à opérer à Perote en 1994. La firme produit annuellement environ 800,000 porcs, ce qui la situe comme une des trois principales productrices de porcs au Mexique.

Dans un rapport de la Commission de l’environnement et des ressources naturelles de la Chambre des députés du Congrès de Mexico, on décrit une série d’anomalies de l’entreprise porcine, dont le principales sont les suivantes : 1. Les aires d’élimination des déjections ne sont pas suffisamment éloignées des sources d’eau ; 2. L’eau qui sert à éliminer les déjections est tirée sans retenue des puits d’eau potable ; 3. Les fosses de traitement du lisier n’utilisent pas adéquatement les géomembranes, ni les filtres, ni les traitements biologiques ; 4. L’air de la localité présente un taux élevé d’amoniaque et autres substances dû à la mauvaise gérance des fosses d’oxidation ; 5. Les sols sont totalement érodés ; 6. Les odeurs fétides mettent en question la qualité de l’air ; 7. La consommation d’eau par les porcheries dépasse celle des populations de toute la région.

La pollution de l’environnement provoquée par la mégaporcherie et les problèmes qui en découlent pour la santé humaine ont été dénoncés par une groupe d’écologistes. En janvier 2007, différents groupes de citoyens de Perote ont manifesté contre la pollution causée par l’entreprise Granjas Carroll Mexico S.A dans la Vallée de cette localité . En avril 2008, des membres de l’Agence fédérale d’investigation (AFI) arrêtèrent le paysan Guadalupe Serrano Gaspar, un vertu d’un mandat de la Cour pour délit présumé de perturbation des voies publiques, durant les manifestations contre la pollution de Granjas Carroll. Après le dépôt d’une caution de 8500 pesos, il a pu retrouver sa liberté, mais un an après son arrestation, il fait toujours face à une poursuite pénale devant la Cour de première instance de district, dont le siège est à Puebla. Les dirigeants de l’entreprise ont aussi intenté des poursuites contre les citoyens qui ont manifesté pour défendre l’environnement, comme Veronica Hernández Argüello, Bertha Chrisóstomo et Margarita Hernández Burgos.

De plus, ces cinq citoyens sont dénoncés pour délit de diffamation contre l’entreprise. « Protester parce qu’ils nous empoisonnent, déclare Margarita Hernández Burgos, c’est toujours avec la crainte de ce qui va nous arriver après ; ici, c’est Granjas Carroll qui commande, et cela même au-dessus des autorités. » Un des environnementalistes a rappelé qu’en 2008, quand s’est ouvert contre lui une nouvelle poursuite pour diffamation devant l’Agence du Ministère public de Perote, l’officier de l’Agence leur recommanda : « Ne vous mettez contre les entreprises qui brassent des dollards, vous êtes trop pauvres pour gagner contre elles. »

Les militants ont dénoncé le désastre écologique causé par les étangs d’oxidation à ciel ouvert où sont déversés les excréments et les résidus chimiques, sans membranes adéquates pour empêcher la filtration des liquides dans les nappes phréatiques. Dans ces réservoirs se reproduisent des nuages de mouches qui facilitent la transmission d’agents pathogènes. Il semble bien que cette pollution soit la cause de l’explosion d’infections respiratoires survenue récemment à La Gloria, quand plusieurs citoyens ont été pris de pneumonie. Uniquement dans cet arrondissement de La Gloria, les brigades de santé ont répondu à plus de 400 consultations pour maladies respiratoires, du 23 au 27 mars dernier.

Le Ministère de la Santé de Veracruz, qui auparavant niait l’existence de cas de grippe dans cette communauté, a reconnu dimanche dernier la confirmation d’au moins deux cas positifs : un de type B, l’infection saisonnière, et l’autre, celui de l’enfant Edgar Hernandez Hernandez affecté par la souche du virus H1N1 de la grippe porcine.

L’entreprise a démenti que cette apparition ait un lien avec ses installations. Dans un communiqué, elle affirme qu’aucun cas de grippe porcine n’a été signalé parmi ses 907 travailleurs, ni dans son cheptel de plus de 500,000 porcs dans les États de Veracruz et Puebla.

Indépendamment du cas de responsabilité directe de la porcherie dénoncée, il demeure évident que les conditions insalubres des exploitations d’élevage dans les pays en voie de développement ont été, dans une large mesure, les causes des mutations des virus des grippes aviaire et porcine et de leur transmission par la suite aux humains. Il est démontré que déplacer ce type d’installations polluantes dans un pays aux exigences environnementales moins contraignantes ne constitue pas une solution. Comme nous pouvons le constater, l’environnement et la santé humaine ne connaissent pas de frontières. Permettre des conditions de travail insalubres dans quelque partie du monde que ce soit finit par nous affecter tous, bien que les plus durement touchés, physiquement ou économiquement, soient toujours les plus faibles.

Source : www.rebelion.org

Traduction : Françoise Breault

Mots-clés : International
Carlos Martinez

Coordinateur à Caracas du Global Exchange Venezuela Program.

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