Édition du 10 décembre 2024

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Amérique du Nord

Aux États-Unis, les projets de loi de Biden démantelés par les Démocrates « modérés »

Le « plan de relance » de Biden a été considérablement modifié par le Sénat et la Chambre des représentants. Le point de vue de Dan La Botz.

Hebdo L’Anticapitaliste - 589 (04/11/2021)

Par Dans La Botz

Il y a quatre mois, le président Biden a présenté une proposition de loi de 4 100 milliards de dollars (2 300 milliards de dollars pour l’investissement dans les infrastructures et 1 800 milliards de dollars pour aider les familles étatsuniennes). Ce montant était plus important que le New Deal de Franklin D. Roosevelt et la Great Society de Lyndon B. Johnson. Ce plan constituait la législation de réformes la plus coûteuse et la plus profonde de l’histoire étatsunienne, avec de nombreux éléments nouveaux tels que des propositions d’énergie propre, des congés familiaux et médicaux payés, une école maternelle universelle gratuite et deux ans d’enseignement gratuit dans un collège communautaire public.

Sur fond de crise et de mobilisations

«  Il s’agit d’un pays qui, une fois de plus, inspire et dirige le monde grâce aux opportunités que nous offrons, aux technologies que nous découvrons, à celles que nous mettons au point et aux industries que nous créons. Et la nation qui mène le monde dans la lutte contre la menace existentielle du changement climatique », déclarait M. Biden en juillet. Il affirmait également que son plan «  nous mettrait en position de gagner la compétition mondiale avec la Chine dans les années à venir  ».

Les véritables forces à l’origine des propositions de Biden sont les crises persistantes aux USA, tant sur le plan de la santé que de l’économie, et l’impulsion donnée aux demandes de réforme par des mouvements sociaux tels que Occupy Wall Street en 2011, les énormes manifestations de Black Lives Matter contre le racisme et les violences policières en 2020, et les deux campagnes de Bernie Sanders pour la présidence en 2016 et 2020, où il a fait un bon nombre des propositions reprises ensuite par Biden.

Les Républicains ont accepté les dépenses pour les infrastructures (en les réduisant) mais se sont unanimement opposés à tous les programmes sociaux. Dans cette situation, les Démocrates auraient eu besoin du soutien des 50 voix démocrates du Sénat, plus celle de la vice-présidente Kamala Harris (qui préside le Sénat), et de la quasi-totalité des voix démocrates de la Chambre des représentants. Mais au cours des dernières semaines, deux sénateurs démocrates dits « modérés » ont réussi à forcer Biden à réduire sa proposition à moins de la moitié du montant initial, éliminant ainsi un grand nombre de programmes sociaux novateurs.

Des « modérés » au service des entreprises

À l’origine, Biden proposait de financer les dépenses de son projet de loi en augmentant notamment le taux d’imposition des sociétés de 21 à 28 %, en rétablissant ainsi partiellement les impôts qui avaient été réduits par le président Donald Trump de 35 à 21 %. Les Républicains, bien sûr, ont rejeté cette hausse d’impôts, mais les « modérés » démocrates aussi, estimant que le parti devait trouver d’autres sources de revenus.

Les deux sénateurs qui ont paralysé le programme législatif de Biden ne sont pas des « modérés », mais en réalité des conservateurs dont les opinions sont plus conformes à celles du Parti républicain. Le sénateur Joe Manchin représente la Virginie occidentale, un État connu pour ses mines de charbon. M. Manchin reçoit lui-même 500 000 dollars par an en dividendes d’actions de sociétés charbonnières, ce qui met ses propres intérêts en contradiction avec le programme d’énergie propre de son parti. La sénatrice démocrate Kyrsten Sinema de l’Arizona, autrefois militante de gauche du Parti vert, a fait un revirement complet, devenant la voix des entreprises. Elle a reçu près d’un million de dollars en contributions de campagne de la part de groupes tels que la Chambre de commerce des États-Unis, la Business Roundtable, la National Association of Manufacturers. Ces deux sénateurs ont réussi à prendre en otage le Parti démocrate et à forcer Biden à reculer.

En conséquence, Biden a dû réduire son plan à 1 750 milliards de dollars – moins de la moitié de la proposition initiale – et supprimer de nombreux programmes progressistes. La gratuité de l’éducation sera supprimée. Le congé maternité payé, initialement proposé pour 12 semaines, a été réduit à quatre, et il semble maintenant qu’il sera complètement supprimé. Les soins dentaires et ophtalmologiques seraient supprimés du plan Medicare. Le taux d’imposition des sociétés ne sera pas augmenté.

Les progressistes du Congrès, y compris les quelques membres des Socialistes démocrates d’Amérique, se sont battus pour obtenir un meilleur projet de loi, mais en fin de compte, ils n’auront guère d’autre choix que d’accepter le compromis conclu par M. Biden et les dirigeants du Parti démocrate. Même si les montants restent importants, c’est insuffisant pour les travailleurEs.

Traduction Henri Wilno

Dan La Botz

L’auteur est un professeur d’université américain et un militant de l’organisation socialiste Solidarity.

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