Édition du 16 avril 2024

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Forêt québecoise

Conflit Greenpeace-Résolu : Les faits sur la forêt québécoise

L’Émission Enquête présentait hier soir un reportage dédié au conflit qui fait rage en forêt québécoise depuis que des auditeurs indépendants ont retiré à la multinationale Résolu ses certificats environnementaux FSC au Saguenay-Lac St-Jean. Au-delà du conflit qui oppose Résolu et Greenpeace, la lutte pour une meilleure protection et une gestion adéquate de la forêt québécoise est un effort collectif nécessaire afin d’assurer les emplois, la stabilité du secteur forestier et la sauvegarde de notre biodiversité et de notre climat. Or de grands efforts sont à faire. Voici certains faits méritent d’être rappelés.

Tiré du site de Greenpeace Canada.

Est-ce que la limite nordique protège nos forêts ?

Actuellement, 9,16% du Québec est protégé alors que la cible internationale est de 17%. Ce réseau d’aires protégées ne couvre que 5% de nos forêts au sud de la limite nordique, là où l’industrie forestière a ses opérations. En 2002 le gouvernement du Québec a mis en place cette limite au nord de notre forêt publique « productive » (assez dense pour être exploitable de façon rentable par l’industrie), attribuant du même coup pratiquement tout ce qui y est au sud à des fins d’exploitation industrielle. Or de prétendre, comme le ministre Laurent Lessard, que la limite nordique est une forme de protection de notre forêt publique est faux.

Un territoire protégé doit avoir un statut légal de protection et empêcher toute activité industrielle. Or les zones au nord de la limite nordique sous couvert « forestier » sont ouvertes à toute forme d’activité industrielle, de barrage hydroélectrique et de construction de route. Deuxièmement, les « forêts » au nord de cette limite n’ont pas grand chose à offrir à l’industrie forestière, il n’est donc pas adéquat de dire qu’elles sont protégées des coupes si cette menace n’est pas réelle.

Les zones nordiques sont-elles exploitables ?

Dans un rapport rendu public en douce et dont les recommandations ne sont toujours pas adoptées par le ministère des Forêts, un comité scientifique mandaté en 2005 par le gouvernement québécois démontre, cartes à l’appui, à quel point les dernières étendues de forêt boréale épargnés par les coupes forestières sont rares et fragiles. Alors que l’industrie cogne déjà aux portes des régions sub-arctiques, le « Comité scientifique chargé d’examiner la limite nordique des forêts attribuables » montre que plusieurs zones devraient être retirées de l’emprise de l’industrie, car la forêt et la biodiversité qu’elle renferme sont trop sensibles aux perturbations, dont la presque totalité des zones au nord de la limite nordique.

De plus, il coûte de plus en plus cher à l’industrie pour aller couper nos arbres, car ils sont de plus en plus petits, de plus en plus loin des usines et dans des forêts de moins en moins denses et productives. Ainsi, pour aider l’industrie, le gouvernement a investi plus de 540 millions $ dans le secteur forestier (reboisement, chemins, travaux sylvicoles, etc.) en 2015-2016, soit presque le double de ce que nous avons gagné en redevances pour la même période. Le Journal de Montréal dévoilait ce matin que les arbres dans nos dernières forêts vierges étaient donnés à l’industrie pour aussi peu que 39 cents, de quoi questionner en profondeur ce système.

Quelle-est la principale cause du déclin du caribou forestier ?

Le caribou forestier, espèce emblématique de la forêt boréale canadienne, est menacé à l’échelle du pays depuis 2002 et considéré comme vulnérable au Québec depuis 2005. La science est très claire sur les causes du déclin de cette espèce, et la coupe forestière est au premier rang de la liste des accusés. Le Forestier en chef du Québec a publié un rapport documentant la perturbation considérable de l’habitat du caribou et le déclin des populations provoqué par l’activité industrielle. Par exemple, dans la région du Saguenay – Lac-Saint-Jean en particulier, le Forestier en chef conclut que 92 % de l’habitat essentiel du caribou a été grandement perturbé et, par conséquent, ne peut soutenir des populations de caribous saines et autosuffisantes dans ces conditions. Autrement dit, étant donné l’absence continue de mesures de conservation fondées sur la science, les produits provenant de cette zone risquent d’accélérer le déclin du caribou forestier déjà en péril.

Couper des zones de feu est un double stress pour nos forêts

L’industrie forestière pratique fréquemment des coupes de « récupération » dans nos forêts publiques suite au passage de feu de forêt ou d’épidémie d’insecte. Après la perturbation naturelle, le gouvernement autorise l’industrie de couper les arbres en vitesse avant que le bois se détériore. Si cette pratique à petite échelle peu faire du sens, ses impacts à grande échelle sont bien documentés dans la littérature scientifique. Parmi les risques les plus probants, les impacts sur la biodiversité, les sols, la composition de la forêt et la structure des peuplements sont les plus connus.

Le Québec peut faire tellement mieux

Si la bataille avec le géant forestier Résolu prend des tournures sensationnelles, il faudra toujours se rappeler de ces faits qui motivent notre campagne. Nous sommes engagés dans cette lutte car nous sommes convaincus que le Québec peut faire beaucoup mieux pour nos forêts. Nous sommes plus que jamais disposés à travailler de concert avec les Premières Nations, le Gouvernement québécois, la compagnie Résolu, les travailleurs et les acheteurs de produits forestiers afin de trouver des solutions à long terme pour nos forêts publiques et les communautés qui en dépendent. 

Pour en savoir plus, voici quelques liens utiles :

Statistiques sur la forêt québécoise

Rapport scientifique sur la limite nordique

Rapport d’Environnement Canada sur l’État du caribou forestier

Rapport du Forestier en Chef sur le caribou forestier

Registre des aires protégées du Québec

La forêt aux travailleurs, pas aux multinationales

Nicolas Mainville

Greenpeace Canada

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