Édition du 3 décembre 2024

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Israël - Palestine

Confronté à une contestation sans précédent, l’appareil israélien fait front commun

En Israël, les manifestations antigouvernementales, de plus en plus violemment réprimées, ne cessent d’enfler, mais se heurtent à un système militaire et politique qui a tout à craindre d’une commission d’enquête indépendante.

Tiré de Courrier international.

Samedi 7 septembre, “onze mois jour pour jour après le samedi noir” [les massacres commis en Israël le 7 octobre 2023 par le Hamas palestinien], “près de 400 000 manifestants se sont rassemblés devant la porte Begin [du nom de Menahem Begin, premier Premier ministre issu du Likoud]”, face à la Kirya, un quartier situé au cœur de Tel-Aviv et considéré comme l’équivalent israélien du Pentagone américain, rapporte Ilana Curiel dans Yediot Aharonot.

Durant la manifestation, “la plus imposante de l’histoire d’Israël”, Einav Zangauker, mère d’un otage israélien, criait : “Tant que Benyamin Nétanyahou restera au pouvoir, nos proches continueront à revenir dans des sacs mortuaires.”

Dans une marée de drapeaux israéliens et de rubans jaunes, les manifestants scandaient “Maintenant ! Maintenant !” pour exiger que le gouvernement parvienne à un cessez-le-feu avec le Hamas afin de libérer les derniers otages. “On les veut vivants !” lisait-on encore sur des pancartes brandies par des manifestants.

La répression se durcit

Les manifestations quasi quotidiennes, démarrées au lendemain de la découverte, le 1er septembre, dans un tunnel de la bande de Gaza, des corps de six otages israéliens tués “à bout portant”, selon Israël, n’ont cessé d’enfler depuis.

Mais elles sont de plus en plus durement réprimées par la police israélienne, “désormais sous la coupe du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir [extrême droite suprémaciste]”, s’inquiète Bar Peleg dans Ha’Aretz. “Plusieurs manifestants ont été placés en garde à vue et ont reçu des pressions pour qu’ils ‘avouent’ avoir été payés pour manifester contre le gouvernement israélien”, poursuit le journaliste.

Ces événements interviennent alors que, malgré l’état d’urgence imposé par la guerre, Yariv Levin, le ministre de la Justice israélien [qui appartient au Likoud, le parti du Premier ministre], “œuvre encore et toujours pour placer la Cour suprême d’Israël sous la coupe du gouvernement et de la Knesset [Parlement israélien]”. Même si l’actuelle Cour suprême parvient pour l’instant à protéger son indépendance

Un “putsch” toujours d’actualité

L’on pourrait croire que cet “activisme anticonstitutionnel” est déconnecté de la réalité née du 7 octobre 2023. Mais il n’en est rien, selon Yossi Verter, toujours dans Ha’Aretz.

“Placer la Cour suprême sous les fourches caudines de l’exécutif et de la Knesset permettrait à Nétanyahou d’échapper à une Commission d’État nommée par la Cour suprême et chargée d’instruire les manquements du gouvernement et de l’état-major de Tsahal ayant conduit au désastre du 7 octobre 2023.”

Les instances dirigeantes israéliennes, militaires comme politiques, “ont tout à craindre d’une immixtion de la Cour suprême”, abonde Avi Ashkenazi dans Maariv.

“Au mépris de l’opinion publique israélienne et surtout des familles des victimes et otages du 7 octobre 2023, des sources militaires, anonymes mais présentes au sommet de l’état-major, confirment que Tsahal [l’armée israélienne] se démène pour empêcher à tout prix la mise sur pied d’une commission d’enquête indépendante” et protéger non seulement le Premier ministre, mais aussi Herzl Halevi, le chef d’état-major, “considéré jusqu’à il y a peu comme innocent”.

Les manifestations continueront-elles de prendre de l’ampleur et suffiront-elles à provoquer un dénouement positif pour les dizaines d’otages encore retenus par le Hamas ? Pour l’instant, rien ne semble moins sûr, selon Yossi Verter, pour qui “les appareils politique et militaire se protégeront mutuellement”.

Pascal Fenaux

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Pascal Fenaux

Auteur pour Courrier international.

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