Édition du 3 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Les 100 premiers jours du gouvernement péquiste

Lettre à Madame Pauline Marois, Première ministre du Québec

Demande d’une commission d’enquête publique et indépendante concernant l’ensemble des interventions policières depuis le début de la grève étudiante

Madame la Première ministre,

Nous sommes un groupe d’aîné-e-s, mis sur pied dans le sillage de la grève étudiante et du « Printemps érable ». Dès le début, par principe, mais aussi par solidarité intergénérationnelle, nous avons appuyé ce mouvement étudiant extraordinaire qui remettait le droit à l’éducation, la marchandisation du savoir et le rôle de l’institution universitaire en plein cœur de nos préoccupations citoyennes.

Des décisions bienvenues…

D’entrée de jeu, nous voulons vous exprimer notre satisfaction quant à trois des toutes premières décisions de votre gouvernement : l’annulation de la hausse des frais de scolarité, l’abrogation de la loi 12 et l’engagement de tenir, dans un délai rapide, un sommet populaire sur l’éducation supérieure.

Ces trois mesures, outre le fait de répondre –même partiellement- à l’exceptionnelle mobilisation démocratique des étudiants et des étudiantes de même que d’une grande partie de la population québécoise, permettent de mettre la table pour le travail à venir, et ce, dans un climat plus propice à un débat d’idées qu’à des affrontements sur la place publique marqués par des charges à coups de matraque, des gaz lacrymogènes et de balles de plastique contre notre jeunesse étudiante.

Des interventions policières sous haute suspicion

Madame la Première ministre, des milliers de jeunes et de moins jeunes aussi ont payé cher leur détermination à défendre tout autant le droit à l’éducation que des droits démocratiques fondamentaux : à preuve, plus de 3300 arrestations ! Nous le savons parce que nous avons participé à presque toutes les manifestations et plusieurs d’entre nous ont été des témoins oculaires de manœuvres brutales des forces policières face à des foules pacifiques.

Certains d’entre nous par exemple étaient à Victoriaville où tous les manifestant-e-s ont été inutilement, mais très dangereusement gazé-e-s et où nous avons vu, de nos yeux vu, une jeune fille se faire éclater les dents et la mâchoire par une balle de caoutchouc tirée par les forces de l’ordre de la SQ.

Nous avons aussi suivi avec horreur le récit des événements ayant entraîné la perte d’un œil pour deux jeunes suite à des interventions « musclées » de policiers, interventions qualifiées à maintes reprises de « travail bien fait » par l’ex-premier ministre. Nous savons aussi que d’autres blessures ont été infligées à plusieurs. Nous avons connu le harcèlement contre des manifestant-e-s pacifiques, les encerclements et les charges injustifiées des "représentants et des représentantes de forces de l’ordre". Nous avons été témoins de la hargne de plusieurs policiers, d’injures proférées par ceux-ci à l’adresse de manifestants et de manifestantes. Nous avons senti leur volonté explicite d’en découdre avec les « p’tits criss de manifestant-e-s », leur arrogance casquée, bottée, hyper équipée et armée contre des gens sans défense. Déjà selon la Ligue des droits et libertés, la loi 12 « leur conférait des pouvoirs arbitraires, exorbitants et dangereux leur permettant de réprimer la protestation sociale. Certes la loi 12 est abrogée, mais pas les idées, la culture et les comportements qui la sous-entendent.

Quand des forces dites « de l’ordre » agissent ainsi, elles sombrent généralement dans l’arbitraire et constituent non plus une protection, mais une menace pour la démocratie et les droits des citoyens et citoyennes. Ce travail policier a été encensé par nombre d’élu-e-s du gouvernement précédent. Il est temps de remettre les pendules à l’heure. L’ampleur des événements (nous le répétons plus de 3300 arrestations et de très nombreux blessés) et l’importance des enjeux (l’exercice de droits démocratiques et le rôle des corps policiers dans notre société) exigent que la lumière soit faite sur le travail policier durant la grève étudiante et que des corrections soient apportées.

Vivement, une commission d’enquête publique et indépendante sur la répression et la brutalité policière

Une telle commission s’impose donc comme une exigence démocratique. Ce ne sont pas non plus les policiers qui doivent enquêter sur des policiers : ce serait la meilleure manière de tuer la confiance, déjà ébranlée, des citoyens et citoyennes envers les corps policiers.

Nous joignons donc notre voix à celles, de plus en plus nombreuses, qui réclament la tenue d’une commission d’enquête publique et indépendante concernant l’ensemble des interventions policières depuis le début de la grève étudiante, une commission d’ailleurs réclamée par la Ligue des Droits et Libertés du Québec et Amnistie internationale dès mai dernier.

Nous espérons, madame la Première ministre, qu’il ne nous faudra pas attendre la mise en place d’une telle commission aussi longtemps que nous avons attendu celle sur la construction…

Nous vous remercions, madame la Première ministre, de l’attention que vous accorderez à cette demande.

Gisèle Turcot, Serge Mongeau, Claude Perron, Hélène Guay, Réjeanne Martin, Lucille Plourde, Lorraine Guay, André Fleury, Jacques Fournier, Louise Blais, Bernard Dallaire, Richard Renshaw, Diane Gariépy, Yves LaNeuville, Michel Auclair, Marie-France Dozois, Kristiane Gagnon, Ana-Maria Seghezze-Durbano, Edouardo Corro, Guy Demers, Gérard Laverdure, Wendy Stevenson, Céline Dumas, Gérard Talbot, Céline Beaulieu, Renée Ouimet, Gisèle Bourret, René Rioux, Ginette Bastien.

Pour le groupe Têtes blanches, carré rouge

Pour nous rejoindre :
tetesblanchescarrerouge@videotron.ca

lorraineguay@videotron.ca 514-278-1167

CC
M. Bertrand St-Arnaud, Ministre de la Justice
M. Stéphane Bergeron, Ministre de la Sécurité publique

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