Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

Donald Trump dit qu’il y a une « crise » à la frontière. Voici ce que disent les faits

Les arguments que le Président Trump invoque pour justifier la construction d’un mur à la frontière se résume à un seul mot : crise. Avec ses conseillers.èrs des plus hauts rangs, il a répété ce terme encore récemment pour obliger les Démocrates à donner leur accord à ce projet et du même coup, mettre fin à la paralysie partielle du gouvernement.

Josh Barrage PBS News Hour, 8 janvier 2019
Traduction, Alexandra Cyr

Dans un point de presse, le Vice-président Pence à aussi employé à de multiples reprises le terme « crise » en parlant de l’ouest de la frontière sud. Aux cours de la fin de semaine, d’autres porte-parole de la Maison blanche comme Mme Sarah Huckabee Sanders et la secrétaire de la sécurité intérieure, Mme Kirstjen Nielsen ont aussi parlé de crise de la sécurité en brandissant le spectre de l’entrée aux États-Unis de terroristes par cette frontière mais sans aucune donnée solide (pour justifier leurs propos).

Donald Trump lui-même, dans son adresse à la nation, télévisée en heure de grande écoute, a construit sa présentation autour de : « La crise sécuritaire et humanitaire nationale à notre frontière sud ».

Mike Pence et Mme Nielsen, parmi d’autres porte-parole de la Maison blanche, ont mis l’accent principalement sur 3 éléments : le flot des immigrants.es illégaux, les drogues et le terrorisme qui entreraient aux États-Unis par cette frontière.

Voici ce que la vérification des faits, dont ceux publiés par le gouvernement nous dit.

Les drogues

L’administration clame qu’il y a eu une augmentation spectaculaire des entrées de drogues illégales par la frontière sud. Selon la Protection américaine des douanes et des frontières, il n’y a eu une augmentation du nombre de saisies de méthamphétamine et de fentanyl de 2017 à 2018. (Les données pour 2018 ne sont pas encore disponibles).

En 2018, la police des drogues (DEA) a publié un rapport où elle spécifie que la plupart des drogues dont fait état la police des frontières entrent dans le pays par des points d’entrée légaux, pas par des passages illégaux aux frontières. Elle établit que la majorité de l’héroïne et de la cocaïne est transportée dans des voitures particulières qui entrent légalement aux postes frontières. Le fentanyl mexicain entre aussi de cette façon. Il arrive que les drogues soient mélangées à des marchandises légales dans des semi-remorques.

Selon ce rapport, la majorité des drogues qui passent la frontière sud le fait par les points d’entrée légaux. C’était le cas des 4 dernières années.

Selon le blogue de décembre 2018 de David Bier, un analyste des politiques d’immigration à l’Institut Cato, les saisies les agents de la patrouille des frontières aux ports d’entrée officiels représentaient 3 fois plus en valeur que celles exécutées ailleurs : « Autrement dit, la politique du mur ne vise pas la valeur la plus importante des drogues qui passent la frontière ».

Le terrorisme

Les représentants.es de l’administration ont cité ces derniers jours différents chiffres à propos d’une vague de terroristes ou de criminels qui entreraient aux États-Unis par la frontière sud. Mais les statistiques ont souvent été trompeuses (à ce sujet).

La semaine dernière, Mme Nielsen aux cours d’une rencontre confidentielle avec les Démocrates, leur a dit que la police de l’immigration avait appréhendé 3,000 terroristes et 17,000 adultes ayant des dossiers criminels à la frontière durant la dernière année fiscale. Le Président a aussi cité ce chiffre de 17,000 dans une lettre au Congrès le 4 janvier.

L’Agence des douanes et de la protection des frontières a publié des données pour 2018. Les officiers.ères ont rencontré 16,831 « criminels.les étrangers.ères ». Ce sont des individus qui ont été trouvés.es coupables aux États-Unis ou à l’étranger, qui ont été repérés.es dans des points d’entrée légaux ou dans les aéroports et ainsi leur admissibilité aux États-Unis a été contestée.

La Maison blanche n’a cessé de parler du terrorisme comme objet particulier de préoccupation. Selon ces porte-parole, la frontière sud serait la porte d’entrée au pays pour ces individus. Le Président a d’ailleurs expliqué lors de sa conférence de presse dans le jardin des roses que : « Des terroristes entrent par la frontière sud parce qu’ils trouvent probablement que c’est là que c’est le plus facile. Ils vont tout droit et tournent à gauche ».

Dans une entrevue avec Chris Wallace à Fox News ce 6 janvier, Mme Sanders a soutenu que 4,000 terroristes connus.es ou suspects.es entraient aux pays illégalement et ajoutait : « nous savons que notre point le plus faible est la frontière sud ». C. Wallace a réfuté ces informations : rien dans les vérifications des faits ne dit que les terroristes entreraient ailleurs que par les aéroports.

Le Département d’État déclare qu’aucun terroriste n’a été trouvé à la frontière avec le Mexique et entré au pays. Dans son rapport de 2017, on peut lire qu’il n’y a « aucune preuve solide » que des groupes terroristes internationaux aient établi des bases au Mexique ou envoyé de leurs membres aux États-Unis.

NBC News a obtenu des données qui montrent que 41 personnes ont été arrêtées par les policiers.ères à la frontière aux cours de l’année fiscale 2018. 6 ont été identifiées comme « non Américains.es » et ont été suspectées d’avoir des liens avec le terrorisme.

La semaine dernière, dans le jardin des roses, quand on a questionné le Président au sujet du terrorisme, Mme Nielsen a répondu que le nombre était secret et a offert un autre terme : « étrangers.ères d’intérêt particulier » et a ajouté que les policiers.ères à la frontière en avait arrêté 3,000 l’an dernier.

Voici la description que le Département de la sécurité intérieure donne du terme « étranger.ère d’intérêt particulier » : « généralement ce sont des étrangers.ères qui, selon les études de leurs pratiques de vols, posent potentiellement une menace à la sécurité nationale ou aux intérêts des États-Unis ». Le Département va jusqu’à dire que cela ne veut pas dire qu’Ils ou elles soient des terroristes mais que leurs habitudes de voyage exige une investigation plus approfondie. Et il déclare : « Le Département n’a jamais prétendu que le terme voulait dire plus qu’Il ne dit ».

L’entrée illégale d’immigrant.es en masse

Les policiers.ères des frontières gardent des informations sur le nombre d’arrêts à la frontière chaque année. C’est grâce à cela que le gouvernement peut se faire une idée à propos de l’immigration illégale. Le Président s’est aussi concentré sur ce nombre.

Selon cette police, presque 400,000 personnes ont été appréhendées alors qu’elles tentaient de traverser la frontière sans autorisation aux cours de l’année fiscale 2018. Ces appréhensions ont été en augmentation pendant plusieurs mois consécutifs entre le premier octobre 2017 et le 30 septembre 2018.

Ce nombre, de 400,000 est très inférieur aux 1million 600 mille personnes appréhendées aux cours de l’année fiscale 2,000 qu’on considère comme un sommet dans les récentes décennies. Depuis, dans l’ensemble, le nombre d’appréhension a décliné jusqu’aux niveaux actuels.

Pourquoi donc ? En partie parce que les habitudes de migration ont changé. Lors des niveaux les plus élevés, les policiers.ères arrêtaient de jeunes Mexicains.es qui entraient dans le pays. Aujourd’hui, le nombre des migrants.es d’Amérique centrale qui demandent l’asile aux États-Unis est en augmentation et le nombre de Mexicains.es est en baisse.

Plusieurs facteurs ont contribué à ce changement de long terme. Selon Randy Capps, directeur de Migration Policy Institute, il y a maintenant de meilleurs emplois au Mexique et de meilleures possibilités d’éducation. Cela s’est aussi combiné au crash financier et à la récession du début 2000. Aujourd’hui ce sont plus de familles et de mineurs.es non accompagnés.es qui arrivent à la frontière ce qui fait changer la mission de la police ajoute M. Capps. Il explique aussi que les agents.es à la frontière : « Sont de plus en plus occupés.es à trouver des lieux sécuritaires pour ces gens. Il arrive que des soins médicaux soient nécessaires pour les plus vulnérables, les femmes et les enfants. Ce sont différents gestes qui s’ajoutent à leur travail en plus de trouver ceux et celles qui tentent de s’évader à travers le désert ».

En décembre la police des frontières ont annoncé le décès de deux enfants détenus ce qui a soulevé un tollé de la part des avocats.es et législateurs.trices. Dans une entrevue à CBS News, le Commissaire aux douanes et à la protection des frontières, M. Kevin McAleenan, a expliqué que les installations des postes frontières ont été construits il y a des décennies pour détenir des adultes seulement : « Il y a de plus en plus d’enfants, plus que jamais dans nos lieux de détention. Au rythme actuel, en décembre nous aurons reçu 25,000 enfants, la majorité avec leurs parents qui ont traversé notre frontière illégalement et aboutissent en détention. C’est extrêmement différent de la situation antérieure ».

Crise de sécurité ou crise des demandes d’asile ?

Il y a un large consensus à travers le monde politique que le système d’immigration est en panne. À D. Trump et son administration qui se sont braqués sur la sécurité nationale, M. Capps objecte que la situation actuelle est : « une crise du système d’asile plutôt qu’une de sécurité à la frontière. Il ne nous faut pas plus de détentions, plus de sécurité, plus de murs ou de barrières, plus d’équipement de détection, nous avons besoin d’installations adaptées aux besoins des femmes et des enfants, un meilleur système d’examen des demandes d’asile ».

Devant l’afflux de migrants.es d’Amérique centrale à la frontière, l’administration Trump s’est largement concentrée sur des mesures de découragement à travers des mesures comme la « tolérance zéro ». Mise en place l’an dernier, elle est réputée avoir permis de séparer des milliers de familles (qui ont été réunies maintenant grâce à l’intervention des tribunaux). L’administration a aussi introduit des restrictions aux capacités des personnes à faire une demande d’asile. Par exemple, en décembre, un juge d’un tribunal fédéral a annulé une directive du gouvernement qui interdisait aux personnes fuyant la violence de gangs criminels dans leur pays et la violence conjugale, de faire une demande d’asile aux États-Unis.

Un observateur du gouvernement expose dans un rapport, une pratique particulièrement questionnable, le « metering ». Elle limite le nombre de requérants.es d’asile aux points d’entrée en décidant d’un nombre maximum de requêtes pouvent être traitées le jour donné. Dans ce rapport on explique que cela à : « poussé certains.es requérants.es du droit d’asile à entrer au pays illégalement ».

M. McAleenan, le commissionnaire aux douanes et de la police des frontières, a expliqué lors d’une audition en décembre que cette pratique a été utilisée comme un outil de gestion pas comme une mesure de dissuasion. Il a aussi déclaré que son agence ne tenait pas de registre du nombre de personnes appréhendées entre les différents points d’entrée à cause de sa pratique de « metering ».

Mais, BuzzFeed News rapporte que dans une lettre d’un membre démocrate de la Chambre des représentants, on apprend que l’adjoint au commissionnaire de cette agence leur a déclaré dans une session confidentielle, le 6 décembre, que cette pratique limitait effectivement le nombre de demandes d’asile à traiter.

D. Trump joue avec l’idée de déclarer l’urgence nationale à la frontière. Peut-il le faire ?

Vite dit, oui. Le Président a déclaré qu’il pourrait utiliser ses pouvoirs exécutifs pour déclarer une urgence nationale à la frontière sud. Cela lui permettrait de faire financer la construction d’un mur sans avoir l’autorisation du Congrès.

William Brangham (PBS News Hour), a demandé à Elizabeth Goitein du Centre de justice Brennon à New York, comment se défini une urgence nationale et qu’elles en sont les autorités une fois qu’elle est déclarée. Elle a répondu que, selon la loi sur les urgences nationales de 1976, les Présidents ont tous les pouvoirs. Mais il y a quand même des contre-pouvoirs pour un Président qui prend cette décision. Selon cette loi, le Congrès peut mettre fin à une déclaration d’urgence par un vote de la Chambre et du Sénat. Une telle déclaration pourrait aussi être contestée devant les tribunaux, ajoute Mme Goitein : « Il y a un bon nombre de bons arguments légaux pour démontrer que le contenu de cette loi à laquelle le Président aurait recours, ne peut s’appliquer à la situation actuelle. Ce serait une bataille que ni l’un ni l’autre des deux camps ne peut gagner en un seul coup ».

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