Tiré du journal de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
LE MONDE OUVRIER N° 148 • AUTOMNE 2024 •
Presse-toi-à-gauche ! a trouvé important de reproduire cet important dossier sur la vie chère.
La vie chère
La forte inflation des dernières années recule enfin. La Banque du Canada a même commencé à réduire son taux directeur face à une économie qui tourne de plus en plus au ralenti. Malgré une hausse du chômage, la situation est loin d’être comparable à celle des années 1980 où le taux de chômage a déjà atteint 12 %. Même si les données sur l’économie et l’emploi semblent encourageantes à première vue, l’impression que les Québécoises et les Québécois se portent mal demeure persistante. Les signaux d’alarme sont devenus trop nombreux pour être ignorés.
L’insécurité alimentaire est en hausse et les banques alimentaires font état d’un nombre record de demandes parmi lesquelles de plus en plus de personnes qui occupent un emploi. En quelques années, la crise de l’habitation s’est exacerbée avec une forte augmentation du prix des loyers et un taux d’inoccupation extrêmement bas. Des Québécoises et des Québécois doivent faire des choix impossibles, comme celui de couper ses médicaments en deux ou de sauter des doses. Du côté des syndicats, les membres réclament avec raison que leurs salaires soient augmentés pour tenir compte de la hausse du coût de la vie.
« Pendant des années, la FTQ s’est battue pour augmenter le salaire minimum, relate la présidente de la FTQ, Magali Picard. Même si demain matin, le salaire minimum passait à 21$, on ne réglerait pas le problème. Pour plusieurs travailleuses et travailleurs, ce ne serait pas suffisant pour joindre les deux bouts ». Au cours des derniers mois, les deux dirigeants de la centrale ont parcouru plusieurs régions du Québec pour aller à la rencontre de personnes qui sont au front de la hausse du coût de la vie. Les hommes et les femmes qui s’occupent des moins nantis de la société québécoise ont confirmé la gravité de la situation.
Les Québécoises et les Québécois n’y arrivent plus et la souffrance humaine est plus visible que jamais, particulièrement dans les centres urbains.
Ce dossier spécial du Monde ouvrier s’intéresse à la vie chère et plus particulièrement à la crise de l’habitation. Cette question trône au sommet des préccupations du moment. Dans nos discussions avec les personnes ouvrant au sein des groupes communautaires, tout partait ou se rapportait au logement. Les dysfonctions actuelles du marché avec des prix indécents et une cruelle rareté ont un impact sur le bien-être collectif et individuel des Québécoises et des Québécois. Le logeme nt n’est pas le seul problème associé à la vie chère, mais il s’agit d’un des plus urgents à régler. Le Monde ouvrier a ainsi voulu explorer des pistes de solution pour régler cette crise intolérable dans une société aussi riche que le Québec.
Les mythes
MYTHE Nº. 1
La crise du logement, c’est une affaire de Montréal.
Pas vraiment. Le taux d’inoccupation dans le marché locatif est de 1,3 % dans tout le Québec en octobre 2023, de 1,5 % à Montréal, de 1,3 % au Saguenay et à Sherbrooke, de 1,1 % à Gatineau, de 0,9 % dans la ville de Québec, de 0,5 % à Drummondville et de 0,4 % à Trois-Rivières.
MYTHE Nº. 2
Il y a moins de logement qu’avant !
Faux. Selon l’IRIS, l’offre résidentielle a augmenté au même rythme que celle de la population, malgré une diminution de l’accès et de l’abordabilité au logement locatif principalement pour les ménages à faibles et modestes revenus .
MYTHE Nº. 3
Si c’est trop cher à loyer, les jeunes ont juste à s’acheter une maison.
Le prix médian d’une maison unifamiliale au Québec s’élève en août 2024 à 443 000 $ en hausse de 7 % par rapport à 2023. Les hausses de prix sont notamment attribuables à une demande plus forte que l’offre. De plus, avec la hausse des taux d’intérêt, la mise de fonds requise, il est reconnu que l’accès à la propriété est de plus en plus difficile pour les jeunes.
MYTHE Nº. 4
L’immigration est à la base du problème
La crise du logement est surtout liée au déficit de construction de logements sociaux, aux difficultés d’accès à la propriété, au nombre croissant de locations à court terme sur des plateformes comme Airbnb, à la facilité de conversion de logements en condos et aux évictions de plus en plus nombreuses. Les personnes immigrantes, quant à elles, constituent une faible portion de la nouvelle demande pour des logements.
MYTHE Nº. 5
Dans mon temps je pouvais me trouver un petit 4 ½ pas cher. Il faut juste chercher un peu.
Dans les grands centres au Québec, le loyer moyen pour un deux chambres à coucher s’élevait à 1 042 $ en octobre 2023 selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Cela dit, les prix des loyers sur le marché sont beaucoup plus élevés. D’après le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), le loyer moyen demandé sur Kijiji pour un 4 ½ était de 1504 $ en 2023. Sur le site Rentals.ca, le loyer moyen demandé en septembre 2024 pour un deux chambres à coucher au Québec était de 2 168 $ ! Et tout le reste n’est pas encore payé :téléphone, chauffage, épicerie.
MYTHE Nº. 6
Pour régler la crise, il suffit d’augmenter l’offre en facilitant la construction au privé.
Il faut construire plus d’habitations, oui, mais surtout des logements sociaux et à prix modique. Le privé n’a jamais pu fournir suffisamment de logements abordables et en bon état pour les personnes à faible revenu.
L’habitation ne se porte pas bien
Au moment d’écrire ces lignes, l’Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 2 % en août 2024 comparativement à août 2023. [1]
Même si cela peut sembler encourageant, les ménages locataires n’ont pas connu de répit face à l’inflation. En effet, les prix des loyers ont augmenté de 8,6 % sur la même période. Le taux d’inoccupation demeure très bas dans la plupart des villes du Québec, particulièrement pour les loyers abordables. Chaque année, le 1er juillet est de plus en plus difficile avec de nombreux ménages incapables de se trouver un logement. Les campements de personnes en situation d’itinérance se multiplient et certaines municipalités n’ont d’autre réponse que de les démanteler alors que ces personnes n’ont nulle part où aller.
Comme le constate Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), la crise du logement a progressivement pris des proportions de plus en plus alarmantes. « Avant même la crise des dernières années, il y avait déjà des milliers de ménages locataires qui vivaient une crise mois après mois, rappelle- t-elle. Ce n’est pas nouveau, mais ce qui est particulier c’est que, dans toutes les régions du Québec, il y a des pénuries. Cette rareté extrême vient mettre une pression importante et ça appauvrit des locataires qui se pensaient à l’abri. Compte tenu de l’absence d’un contrôle obligatoire des loyers, on voit le prix des loyers augmenter en flèche. On voit des ménages discriminés qui n’ont plus accès au logement et c’est sans compter les rénovictions qui se multiplient. »
Chantal Bertrand est conseillère régionale à la FTQ dans les régions de Lanaudière et des Laurentides. En l’espace de quelques années, elle a vu la situation se détériorer et l’itinérance exploser, particulièrement à Saint- Jérôme où se trouve le conseil régional FTQ.
« Les personnes qui perdent leur appartement n’ont plus beaucoup de possibilités pour se reloger, explique-t-elle. Les appartements en deçà de 1 500 $ par mois n’existent presque plus dans les Laurentides et le marché des maisons à vendre est devenu exorbitant. Dans le stationnement près de notre bureau, une mère a dû rester dans sa voiture avec ses deux enfants parce qu’elle n’arrivait pas à trouver un appartement à la hauteur de son budget. Cette crise de l’itinérance touche tout le monde, ce n’est plus juste ceux et celles qui ont des problèmes de consommation ou de santé mentale. »
Après avoir nié son existence, le gouvernement de la CAQ a finalement reconnu du bout des lèvres qu’il y avait bel et bien crise. Pourtant, cette reconnaissance tardive ne s’est pas traduite par des mesures structurantes.
Selon les personnes rencontrées par les dirigeants de la FTQ cet été, le dernier budget n’a pas sufisamment entraîné de hausses d’investissements pour le logement social et communautaire. On a même assisté à des reculs avec la fin du programme AccèsLogis qui visait la construction de logements sociaux ou la fin des cessions de bail avec l’adoption du projet de loi n o 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation.
« Le gouvernement doit se réveiller et comprendre, exhorte Alexandre Cadieux, coordonnateur du Comité logement Bas- Saint-Laurent. Ce n’est pas idéologique, c’est humain. Le monde, y’en peuvent plus. Chaque jour, je reçois un appel avec quelqu’un qui a des idées noires. Pas juste en détresse. Ces personnes ont des idées suicidaires et parlent que ça va finir là. »
Logement et emploi vont de pair
À une certaine époque, des dirigeants de la FTQ expliquaient que la centrale s’était donné trois priorités : l’emploi, l’emploi et l’emploi. Elle continue d’être obsédée par cette question. Dans un contexte de hausse du coût de la vie et de chômage relativement faible, la qualité des emplois devient aussi importante que leur quantité.
La crise de l’habitation, avec des prix élevés et la rareté de l’offre de logements à prix raisonnable, entraîne des conséque nces sur l’emploi, les deux marchés étant fortement liés. Pour certaines travailleuses et certains travailleurs, les difficultés à dénicher un logement abordable et décent viennent affecter leur capacité à occuper un emploi, même bien rémunéré. Avec les prix élevés des loyers, déménager devient plus risqué surtout si on dispose d’un logement qui correspond à la capacité de payer. Il est normal d’avoir certaines réticences à accepter un emploi dans des villes où le prix des appartements et des maisons est élevé, surtout si le taux d’inoccupation est faible. Celui-ci peut se rapprocher de 0 % dans certaines municipalités.
Plusieurs articles de journaux font état des difficultés des entreprises à recru- ter de la main-d’œuvre en raison du manque flagrant de logements.
Certaines d’entre elles doivent même se lancer en immobilier pour continuer d’opérer. En outre, les prix élevés font en sorte que les travailleuses et les travailleurs doivent parfois s’éloigner de leur milieu de travail, ce qui entraîne une augmentation des temps et des coûts de déplacement.
Cette situation pourrait entraîner d’autres conséquences extrêmement néfastes . Dans les villes américaines inabordables, comme San Francisco, les travailleuses et les travailleurs n’ont tout simplement plus les moyens d’habiter à proximité de leur lieu de travail. Si la crise de l’habitation se poursuit, on peut s’attendre à une pénurie de main-d’œuvre accrue pour les services publics [2].
Plusieurs régions, comme l’Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord, font actuellement face à de graves pénuries de personnel dans le réseau de la santé et des ser- vices sociaux, lesquelles mettent en péril les services auxquels ont droit les citoyennes et les citoyens.
Karine Cabana, conseillère au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), a été impliquée de près dans les négociations pour mettre sur pied des équipes volantes afin de limiter le recours aux agences privées de placement. « Jamais dans les négociations on a abordé la disponibilité de logements comme une des causes de la pénurie dans ces régions, explique-t-elle. Cela dit, ça ne prend pas de grandes analyses pour comprendre qu’il manque sérieusement de logements sur la Côte-Nord. On a beau vouloir faire venir des infirmières ou des préposées aux bénéficiaires, mais il va falloir trouver un endroit où les loger. C’est clair que la crise du logement est un frein dans la recherche d’une solution permanente. »
Une insécurité alimentaire inacceptable
En rencontre avec l’organisme Le Pignon bleu l’été dernier, le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc, s’est entretenu avec sa directrice générale Roseline Roussel. « On n’a jamais vu une situation comme on la vit en ce moment, confie-t-elle. La moitié des gens qui nous fréquente, ce sont des travailleuses et des travailleurs au salaire minimum alors qu’avant la pandémie c’était environ 10 %. Tu travailles 40 heures par semaine, pour finalement ne pas être capable de te loger et te nourrir. Ces gens-là travaillent très fort. Les familles font du mieux avec ce qu’elles ont, mais elles n’y arrivent pas. Une petite de 7 ans est venue nous voir avec son argent de poche parce que sa mère n’avait plus les moyens de payer le montant de 1,60 $ pour un dîner fourni par notre organisme. Ça n’a aucun sens qu’une enfant doive supporter ce poids-là. On en voit beaucoup d’histoires comme ça. C’est inacceptable que le gouvernement accepte ça. »
Les solutions à la crise de l’habitation
Malheureusement, il n’existe pas de solution unique pour régler rapidement et durablement la crise de l’habitation. Pour la FTQ, une véritable sortie de crise débute par une prise de conscience collective sur la reconnaissance du droit au logement.
Tant et aussi longtemps que les gouvernements continueront de privilégier les intérêts financiers et le droit à la propriété au lieu des besoins humains, cette crise ne se réglera pas.
Rapidement, les gouvernements doivent renforcer les droits des locataires. À cet égard, des mesures pourraient être rapidement mises sur pied. Un fort consensus existe concernant l’efficacité d’un registre des loyers pour limiter les hausses abusives. Un tel outil a déjà été développé par l’organisme Vivre en ville et pourrait être rapidement utilisé s’il y avait volonté politique de la part du gouvernement. Les dysfonctionnements du Tribunal administratif devraient aussi être corrigés afin d’assurer un véritable accès aux services et à la justice ainsi que de garantir un contrôle des loyers.
Face à l’ampleur de la crise, l’heure est peut-être venue de formaliser la défense des intérêts collectifs des locataires à l’instar de ce que font les syndicats.
Déjà, des groupes de locataires ont mené des luttes héroïques, mais extrêmement exigeantes, contre des tentatives d’évincement. Cela dit, il n’existe pas de mécanisme formel pour leur garantir un droit d’association incluant celui de négocier avec son propriétaire. Encore une fois, certains États américains progressistes pavent la voie à de telles solutions. En 2022, le gouvernement local de San Francisco a adopté une loi qui accorde un droit d’association aux locataires. [3]
Pour tout immeuble comprenant plus de cinq unités, les locataires peuvent former une association si la majorité des résidentes et des résidents y consentent. Cette association peut informer ses membres et organiser des assemblées.
Les propriétaires ont l’obligation de discuter de bonne foi avec l’association et doivent assister à une de leur rencontre au moins tous les trois mois. Le non-respect du droit d’association des locataires par le propriétaire peut même servir de motif à une réduction de loyer ! Une association de locataires s’est appuyée sur ce nouveau cadre légal pour faire la grève des loyers, ceux-ci étant versés en fiducie le temps des moyens de pression, afin de forcer le propriétaire à régler les problèmes d’insalubrité de l’immeuble [4] . Si les syndicats savent bien une chose, c’est que la force du nombre fait toute la différence devant un adversaire de taille.
Plusieurs appellent également à limiter la spéculation immobilière, à démarchandiser le logement et à considérer l’habitation comme un bien essentiel. Autrement dit, il faut cesser de considérer une maison ou un immeuble comme une façon de faire de l’argent ou d’accumuler de la richesse. En priorité, il apparaît fondamental de construire massivement des logements sociaux et communautaires, ce qui nécessite des investissements de la part des deux paliers de gouvernement.
À cet égard, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) propose de doubler la part de ce type de logement en 15 ans.
Le documentaire, Le dernier flip [5] relatait entre autres l’expérience de la ville de Burlington avec les fiducies foncières communautaires comme solution pour maintenir l’abordabilité en habitation. Il y aurait immobilier également lieu de serrer la vis aux plateformes comme Airbnb qui retirent des logements du marché locatif.
Ce ne sont pas les solutions qui manquent pour s’attaquer à la crise. Ce sont plutôt les embûches politiques qui risquent d’être fort nombreuses. Lorsque le Parti libéral du Canada a augmenté le taux d’inclusion du gain en capital dans son dernier budget, plusieurs propriétaires sont montés aux barricades pour dénoncer une mesure pourtant juste et équitable. En 2022, la proposition progressiste de Québec solidaire d’imposer davantage la richesse n’a pas été bien reçue par tout le monde.
La crise de l’habitation fait déjà des gagnants et beaucoup trop de perdants. Des débats de société devront avoir lieu sur les solutions à mettre de l’avant et surtout pour remettre en question les privilèges trop longtemps détenus par une minorité.
Chose certaine, toute stratégie sérieuse devra être ambitieuse et prévoir des investissements.
Dans tout ça, qui devra payer la facture ? Les ménages locataires qui font déjà les frais de cette crise ou tous les acteurs qui en ont tiré des bénéfices immenses ?
Les syndicats ont un rôle à jouer
Par l’action politique et des revendications pour de meilleures lois et des investissements massifs pour le logement social et communautaire, les syndicats jouent déjà un rôle pour régler la crise de l’habitation.
Cela dit, cet enjeu doit redevenir une priorité pour le mouvement syndical et des pressions politiques doivent s’exercer à Ottawa, à Québec ainsi que dans chaque municipalité. Bien qu’il revienne d’abord aux gouvernements de régler cette crise, les syndicats disposent de leviers d’action qu’ils peuvent mobiliser dès maintenant, particulièrement grâce à la négociation collective. Face aux difficultés de leurs membres, de plus en plus de syndicats aux États-Unis abordent la question du logement lors du renouvellement des conventions collectives.
Voici quelques exemples de ces innovations syndicales. Dans le secteur de l’éducation, certains syndicats exigent la conversion de bâtiments inutilisés pour loger leurs membres ou les familles d’élèves qui ne disposent pas d’un logement adéquat [6]. Dans d’autres cas, on demande la cession de certains terrains vacants pour y construire du logement social. De telles demandes s’inscrivent dans un courant où les négociations doivent simultanément viser l’amélioration directe des conditions de travail, mais aussi le bien-être de la communauté.
Le Culinar y Workers Union Local 226, qui représente des travailleuses et des travailleurs de casinos de la région de Las Vegas, a négocié un fonds pour le logement afin de favoriser l’accès à la propriété pour ses membres. Pour ce faire, le syndicat accorde un prêt sans intérêt pouvant atteindre jusqu’à 20 000$, ce qui donne un coup de pouce pour la mise de fonds ainsi que tous les frais afférents à l’achat d’une maison. Depuis son implantation en 2007, cette initiative a sou- tenu plus de 1 700 membres du syndicat. [7]
À Los Angeles, un syndicat de l’hôtellerie a proposé d’imposer une surtaxe de 7% sur les prix des chambres afin de construire du logement social et fournir des prêts à très faible intérêt aux membres qui ont de la difficulté à payer leur loyer [8].
En remontant plus loin dans le temps, on constate que les syndicats ont déjà été extrêmement ambitieux en matière de logement. Au Québec, la FTQ a proposé le projet Corvée Habitation afin de relancer la construction domiciliaire dans un contexte de ralentissement du secteur de la construction. Ce grand succès a pavé la voie au Fonds de solidarité FTQ, lequel collabore avec les acteurs du milieu pour favoriser la construction de logements communautaires et abordables. Aux États-Unis, des syndicats ont contribué à construire des immeubles afin de loger leurs membres et les populations les moins nanties. À New York, un syndicat de l’électricité a construit un complexe de 38 bâtiments (Electc hester) en 1949, lesquels abritent encore des membres syndiqués.
Partout dans le monde, les syndicats et les forces progressistes ont contribué à la construction de logements sociaux et communautaires afin que le profit n’entre plus dans l’équation. Face à l’ampleur des défis et au laxisme des gouvernements, peut-être est-il temps pour les syndicats de s’impliquer plus activement dans la mise en œuvre de solutions à la crise de l’habitation.
La vie chère vue par les syndicats affiliés
Anny Gilbert, conseillère au SCFP. Elle œuvre dans cinq secteurs (transport, municipal, santé, mixte, incendies) et dans plusieurs régions (Saguenay-Lac-Saint-Jean et Nord-du-Québec).
« Pendant de nombreuses années, on a obtenu du 2 % à 2,5 % par année d’augmentations salariales. Il n’y a pas eu d’enrichissement. Les membres ont donc des attentes élevées sur le plan monétaire et ils nous les manifestent. Mais pour obtenir de bonnes hausses salariales, il faut de la solidarité. Les membres l’ont bien compris et ça a donné des résultats grâce à la mobilisation des exécutifs et des membres. Ça a été positif pour la vie syndicale.
La dynamique de négociation a vraiment changé. On a des arguments qui sont justes parce que, comme tout le monde, on subit l’augmentation des prix quand on fait notre épicerie et qu’on paie notre hypothèque. Les employeurs sont conscients que des ententes sont rejetées malgré de bonnes augmentations et que c’est la réalité des milieux de travail. C’est sans compter que l’inflation est venue empirer les difficultés de rétention du personnel chez certains employeurs parce que les salaires ne sont pas attractifs. »
Marc-André Paré, représentant national au service au Bureau de Trois-Rivières pour Unifor
« Les membres sont déterminés à aller chercher des offres satisfaisantes. Je suis allé chercher plusieurs mandats de grève à 100 % ou proche de 100%. Quand l’employeur fait des offres salariales très basses, ils se disent que c’est ça qu’ils auraient eu s’ils n’étaient pas syndiqués. Ceux qui ne comprenaient pas à quoi servait un syndicat le comprennent un peu plus aujourd’hui.
Un de nos groupes est en grève depuis 16 semaines parce que les membres veulent un rattrapage salarial pour les trois grosses années d’inflation. Pendant le conflit, certains ont trouvé des jobines en attendant, mais d’autres se sont trouvé des emplois permanents. C’est un réel enjeu. »
Michel Thivierge, représentant syndical attitré à la négociation, Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500 (TUAC-500)
« Les prix augmentent de partout : le logement, l’essence, le panier d’épicerie et le transport. Je me promène beaucoup pour mon travail et c’est rendu une réalité à la grandeur du Québec. Se trouver un logement, c’est tout un défi. Et devenir propriétaire c’est devenu impensable avec les prix de l’immobilier.
On est dans le secteur alimentaire, mais aussi dans la transformation alimentaire, le secteur bancaire et l’hôtellerie. Peu importe le secteur, les gens sont inquiets de la perte du pouvoir d’achat. Même si l’inflation a commencé à descendre, ils ne voient pas la différence. Les salaires n’ont pas toujours suivi l’inflation des années de la pandémie et il y a une volonté pour un rattrapage salarial afin de maintenir le pouvoir d’achat. »
Appel à toutes et à tous
Est-ce que votre section locale ou votre syndicat a récemment négocié des clauses en lien avec le logement ? Si oui, contactez le service de la recherche de la FTQ qui s’intéresse de près à ces questions (recherche@ftq.qc.ca).
Des inégalités de patrimoine
Non seulement les ménages locataires doivent subir les aléas du marché du logement, mais plusieurs vivent dans la pauvreté, car le paiement du loyer occupe une place disproportionnée dans leurs dépenses. Ces inégalités sont aussi présentes pour la richesse. L’Observatoire des inégalités a également compilé des données qui montrent que les familles propriétaires disposaient en 2019 d’un patrimoine 20 fois plus élevé que celles qui sont locataires [9] . L’augmentation des prix de l’immobilier des dernières années combinée à la hausse du prix des loyers viendra inévitablement accentuer ces inégalités de patrimoine entre propriétaires et locataires.
Documentaire à venir
Les rencontres que nos dirigeants ont faites cet été seront bientôt disponibles dans un documentaire à visionner sur nos réseaux. Lors de ces échanges, les personnes qui travaillent dans les milieux communautaires ont eu l’occasion d’expliquer ce qu’elles observent sur le terrain depuis quelques mois. Le constat est inquiétant ; notre filet social se fragilise dangereusement. Si vous souhaitez en savoir plus sur la vie chère et ses impacts, suivez-nous sur nos différentes plateformes.
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