Édition du 10 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Incendies en Australie

Ecologie. En feu, cette fois-ci

Nous assistons aujourd’hui à ce qui semble être le début d’une révolution écologique, un nouveau moment historique sans précédent pour l’humanité [1]. Comme le suggère Naomi Klein dans son nouveau livre On Fire. The (Burning) Case for a Green New Deal (Simon&Schuster, september 2019) (La maison brûle, Lux éditeur, 2019, 312 p.) non seulement la planète brûle, mais, en réaction, un mouvement révolutionnaire en faveur du climat est en train de se mettre en place et s’enflamme maintenant [2].

Tiré de À l’encontre.

Voici une brève chronologie de cette dernière année, structurée sur les actions climatiques en Europe et en Amérique du Nord – même si l’on doit souligner que le monde entier est maintenant en feu (et de manière objective et subjective) cette fois [3] :

 Août 2018 : Greta Thunberg, 15 ans, entame sa grève scolaire devant le Parlement suédois.

 8 octobre 2018 : Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations Unies publie un rapport spécial sur le réchauffement de la planète de 1,5 °C qui souligne la nécessité de « transitions des systèmes…sans précédent en termes d’échelle » [4].

 17 octobre 2018 : Des militant·e·s de Extinction Rebellion occupent le quartier général de Greenpeace au Royaume-Uni, exigeant la mise en place d’une désobéissance civile de masse pour faire face à l’urgence climatique.

 6 novembre 2018 : Alexandria Ocasio-Cortez (démocrate) est élue représentante (députée) au Congrès sur un programme qui comprend un New Deal vert [5].

 13 novembre 2018 : Des membres du Sunrise Movement occupent le bureau du Congrès de la présidente de la Chambre des représentants (démocrate), Nancy Pelosi ; la représentante nouvellement élue, Alexandria Ocasio-Cortez, se joint à eux.

 17 novembre 2018 : Des militant·e·s de Extinction-Rebellion bloquent cinq ponts sur la Tamise à Londres.

 10 décembre 2018 : Les militants du Sunrise Movement envahissent les principaux bureaux du Congrès du Parti démocrate et exigent la création d’un comité spécial pour un New Deal vert (Nouvelle Donne verte).

 19 décembre 2018 : Les membres du Congrès en faveur d’un comité spécial pour un New Deal vert s’élèvent à quarante.

 25 janvier 2019 : G. Thunberg lors du Forum économique mondial (WEF) : « Notre maison est en feu… Je veux que vous agissiez comme si notre maison était en feu. Parce que c’est le cas » [6].

 7 février 2019 : La représentante A. Ocasio-Cortez et le sénateur Edward Markey présentent la résolution du Green New Deal au Congrès. [7]

 15 mars 2019 : Près de 2100 grèves climatiques dirigées par des jeunes ont lieu dans 125 pays avec 1,6 million de participant·e·s (100’000 à Milan, 40’000 à Paris, 150’000 à Montréal) [8].

 15-19 avril 2019 : Extinction-Rebellion bloque une grande partie du centre de Londres.

 23 avril 2019 : S’adressant aux deux chambres du Parlement à Westminster, G. Thunberg déclare : « Avez-vous entendu ce que je viens de dire ? Mon anglais est-il okay ? Le micro est-il allumé ? Parce que je commence à me le demander. » [9]

 25 avril 2019 : Les manifestants de Extinction-Rebellion bloquent la Bourse de Londres, faisant mur devant devant les entrées.

 1er mai 2019 : Le Parlement britannique déclare une urgence climatique peu après des déclarations similaires de l’Écosse et du Pays de Galles.

 22 août 2019 : Le sénateur et candidat à la présidence Bernie Sanders dévoile le plan de New Deal le plus complet à ce jour, proposant un investissement public de 16,3 billions de dollars sur dix ans [10].

 12 septembre 2019 : Le nombre de parrains membres du Congrès qui soutiennent la résolution portant sur le New Deal vert atteint 107 [11].

 20 septembre 2019 : Quatre millions de personnes se joignent à la grève mondiale du climat, organisant plus de 2 500 événements dans 150 pays. 1,4 million de protestations en Allemagne seulement [12].

 23 septembre 2019 : Thunberg déclare devant l’assemblée des Nations Unies : « Les gens souffrent. Des gens meurent. Des écosystèmes entiers s’effondrent. Nous sommes au début d’une extinction massive, et tout ce dont vous pouvez parler, c’est d’argent et de contes de fées ayant trait à la croissance économique éternelle. Comment osez-vous ! » [13].

 25 septembre 2019 : Publication du Rapport spécial du GIEC sur l’océan et la cryosphère qui indique que de nombreuses mégalopoles et petites îles de basse altitude, en particulier dans les régions tropicales, connaîtront chaque année d’ici 2050 des « événements extrêmes liés au niveau de la mer » [14].

***

L’élan de protestations contre les changements climatiques au cours de l’année écoulée s’est produit en grande partie comme une réponse au rapport d’octobre 2018 du GIEC qui déclare que les émissions de dioxyde de carbone doivent culminer en 2020, diminuer de 45% d’ici 2030 et atteindre zéro émission nette en 2050 pour que le monde ait une chance raisonnable d’éviter une augmentation catastrophique de 1,5º C de la température mondiale moyenne [15]. Un nombre incalculable de personnes ont soudain pris conscience que, pour s’éloigner du bord du précipice, il est nécessaire d’initier un changement socio-économique d’une ampleur proportionnelle à celle de la crise du système terrestre à laquelle l’humanité est confrontée. C’est ainsi que System Change. Not Climate Change, le nom du principal mouvement écosocialiste étatsunien est devenu le mantra de l’ensemble du mouvement climatique mondial à la base [16].

• La montée fulgurante de Greta Thunberg et du mouvement étudiant pour la grève du climat, du mouvement Sunrise, de Extinction-Rebellion et du Green New Deal, en l’espace d’un an, ainsi que les protestations et les grèves réelles de millions de militant·e·s face au changement climatique, en grande majorité des jeunes, ont entraîné une transformation massive du combat environnemental dans les pays capitalistes avancés. Pratiquement du jour au lendemain, la lutte s’est déplacée de son précédent cadre d’action plus générique sur la crise climatique en direction de la justice climatique plus radicale et vers les ailes écosocialistes du mouvement [17]. Le mouvement d’action climatique avait été largement réformiste, cherchant simplement à faire évoluer les choses, comme d’habitude, dans le sens d’une prise de conscience de la question climatique. La marche de 400’000 personnes pour le climat, à New York en 2014, organisée par le People’s Climate Movement, s’est rendue sur la 34e Rue et la 11e Avenue, une non-destination, plutôt qu’en direction des Nations Unies où se réunissaient les négociateurs sur le climat ; cela avec pour résultat qu’elle avait davantage le caractère d’un défilé que d’une manifestation [18].

• En revanche, les organisations de justice climatique telles que Extinction-Rebellion, le Sunrise Movement et la Climate Justice Alliance sont connues pour leur action directe. Le nouveau mouvement est plus jeune, plus audacieux, plus diversifié et plus révolutionnaire dans sa perspective [19]. Dans la lutte actuelle pour la planète, il est de plus en plus reconnu que les relations sociales et écologiques de production doivent être transformées. Seule une transformation révolutionnaire en termes d’échelle et de rythme peut sortir l’humanité du piège imposé par le capitalisme. Comme Greta Thunberg l’a déclaré à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques le 15 décembre 2018 : « Si les solutions au sein de ce système sont si impossibles à trouver, nous devrions peut-être changer le système lui-même ». [20]

Le Green New Deal : réforme ou révolution ?

Ce qui a fait de la lutte pour une révolution écologique une force apparemment irrésistible au cours de la dernière année, c’est la montée du Green New Deal, ou un programme qui représente la coalescence [la réunion de deux éléments voisins] du mouvement pour arrêter le changement climatique avec la lutte pour la justice économique et sociale, en se concentrant, en priorité, sur les effets sur les salarié·e·s et les populations. Cependant, le Green New Deal n’était pas à l’origine une stratégie de transformation radicale, mais plutôt une stratégie réformiste modérée. L’expression « Green New Deal » a pris racine en 2007 lors d’une rencontre entre Colin Hines, ancien directeur de l’unité d’économie internationale de Greenpeace, et Larry Elliott, rédacteur en chef du Guardian Economics. Confronté à des problèmes économiques et environnementaux croissants, M. Hines a suggéré une dose de dépenses keynésiennes vertes, la qualifiant de New Deal vert après le New Deal de Franklin Roosevelt pendant la Grande Dépression aux États-Unis. Elliott, Hines et d’autres, dont l’entrepreneur britannique Jeremy Leggett [à la tête de Solarcentury, énergie solaire, depuis 1997], ont lancé le Green New Deal Group au Royaume-Uni la même année [21].

L’idée a rapidement fait son chemin dans les milieux de la politique environnementale. Le chroniqueur pro-corporate du quotidien New York Times Thomas Friedman a commencé à promouvoir le terme aux Etats-Unis à peu près en même temps qu’une nouvelle stratégie écomoderniste capitaliste [22]. Barack Obama devait présenter une proposition de New Deal vert dans sa campagne de 2008. Toutefois, il a abandonné la terminologie du Green New Deal ainsi que ce qui restait de son contenu après les élections de mi-mandat en 2010 [23]. En septembre 2009, le Programme des Nations Unies pour l’environnement a publié un rapport intitulé Global Green New Deal, consistant en un plan de croissance durable [24]. Ce même mois, la Green European Foundation a publié A Green New Deal for Europe, une stratégie keynésienne capitaliste verte, aujourd’hui connue sous le nom de European Green New Deal [25].

Toutes ces propositions, présentées sous la couverture d’un New Deal vert étaient des combinaisons de keynésianisme vert, d’écomodernisme et de planification technocratique de grandes firmes intégrant un souci marginal de promouvoir l’emploi et d’éradiquer la pauvreté, tout en défendant un capitalisme vert légèrement réformiste. A cet égard, les propositions du premier New Deal vert avaient plus en commun avec le Premier New Deal de Franklin Roosevelt, de 1933 à 1935 aux Etats-Unis, qui avait un caractère marqué par les besoins de l’industrie et fortement pro-business, qu’avec le Second New Deal de 1935 à 1940, qui fut animé par la grande révolte des travailleurs de l’industrie [formation d’un syndicalisme de masse combatif] vers le milieu des années 1930 [26].

En forte opposition à ces premières propositions, la version radicale du Green New Deal qui a pris de l’ampleur l’année dernière aux Etats-Unis s’inspire historiquement de la grande révolte de la base salariée durant le Second New Deal. Une force clé dans cette métamorphose a été l’Alliance pour la justice climatique qui a vu le jour en 2013 grâce à la convergence de divers organismes de justice environnementale principalement. L’Alliance pour la justice climatique (Climate Justice Alliance) réunit actuellement soixante-huit organisations de premier plan, représentant des communautés à faible revenu et des communautés de couleur, engagées dans des luttes immédiates pour la justice environnementale et soutenant une transition juste [27].

Le concept critique d’une transition juste a vu le jour dans les années 1980, dans les efforts déployés par l’écosocialiste Tony Mazzocchi [1926-2002, il se radicalisa sur la thématique environnementale à partir de ses liens avec la biologiste Rachel Carson et sa prise de conscience des nombreux dangers pour la santé liés à la production industrielle] du Syndicat des travailleurs du pétrole, de la chimie et de l’énergie atomique pour construire un mouvement radical pour la justice sociale et environnementale. Cette approche a ensuite été reprise par les United Steel Workers [28]. Destinée à surmonter le gouffre entre lutte économique et écologique, une transition juste est maintenant reconnue comme le principe fondamental, au-delà de la sauvegarde du climat, dans la lutte pour un Green New Deal populaire.

Le Green New Deal s’est d’abord métamorphosé en une stratégie radicale de la base – ou un Green New Deal du peuple dans les termes de Science for the People [organisation de gauche issue du mouvement anti-guerre américain des années 1970, qui depuis 2014 critique la science mainstream et demande une jonction entre le travail scientifique et les luttes pour la justice sociale] – au cours des deux campagnes présidentielles successives du Parti vert représentée par la candidate médecin Jill Stein en 2012 et 2016 [29] : 1° une Charte des droits économiques, comprenant le droit à l’emploi, les droits des salarié·e·s, le droit aux soins de santé (Medicare for All) et le droit à une éducation supérieure gratuite financée par le gouvernement fédéral ; 2° une Transition verte, encourageant l’investissement dans les petites entreprises, la recherche verte et les emplois verts ; 3° une véritable réforme financière, comprenant l’allégement de la dette des petits propriétaires immobiliers endettés et des étudiants ; la démocratisation de la politique monétaire ; le démantèlement des sociétés financières ; la fin du renflouement des banques par le gouvernement et la réglementation des produits financiers dérivés ; et 4° une démocratie fonctionnelle, la révocation du statut de personne morale, l’incorporation d’une déclaration des droits de l’électeur, l’abrogation du Patriot Act [adopté par G. Bush en octobre 2001] et la réduction de 50% des dépenses militaires [30].

Il ne fait aucun doute que la nature radicale (et anti-impérialiste) de la plateforme originale du Green New Deal du Parti vert est bien réelle. La réduction de moitié des dépenses militaires américaines était la clé de son plan visant à augmenter les dépenses fédérales dans d’autres domaines. Au cœur du Green New Deal du Parti vert se trouvait donc une attaque contre la structure économique, financière et militaire de l’empire américain, tout en axant ses propositions de politique économique sur une transition verte qui fournirait jusqu’à vingt millions de nouveaux emplois verts [31]. L’innovation du Parti vert, cependant, consistait à lier un changement environnemental décisif à ce qu’il considérait comme un changement social tout aussi nécessaire.

Mais ce n’est que lorsque le Green New Deal radical a été présenté au Congrès en novembre 2018, sous l’impulsion de la représentante nouvellement élue au Congrès Alexandria Ocasio-Cortez à la suite des élections de mi-mandat aux États-Unis qu’il est soudain devenu un facteur majeur du paysage politique américain. A- Ocasio-Cortez avait décidé de se présenter aux élections après s’être jointe à la lutte acharnée menée par les Indiens pour bloquer le pipeline d’accès du Dakota à Standing Rock, dans le Dakota du Nord, en 2016-17. En faisant campagne dans le 14e district du Congrès de New York (qui représente le Bronx et une partie du centre-nord du Queens), elle a signé la promesse du Sunrise Movement de ne pas utiliser de combustibles fossiles. Cela a permis au Sunrise Movement de soutenir sa candidature, contribuant ainsi à sa victoire électorale surprise contre le représentant démocrate sortant, Joe Crowley, qui avait été réélu durant dix mandats [32]. Le sit-in du Sunrise Movement dans le bureau de Nancy Pelosi [speaker du Parti démocrate à la Chambre des représentants] en faveur d’un Green New Deal une semaine après les élections de mi-mandat a été immédiatement rejoint par Ocasio-Cortez, qui, avec le sénateur démocrate Ed Markey, devait présenter la résolution Green New Deal au Congrès.

La campagne d’Alexandria Ocasio-Cortez s’est largement inspirée de celle du socialiste démocratique autoproclamée de Bernie Sanders pour la présidence en 2016, qui a conduit à la renaissance des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), à laquelle Ocasio-Cortez a adhéré avant son élection. Dès le début, la résolution du New Deal vert du peuple a donc pris un caractère écosocialiste à bien des égards [33].

Dans la résolution de quatorze pages sur le New Deal vert présentée par Ocasio-Cortez et Markey en février 2019, la réalité de l’urgence climatique est exposée ainsi que l’étendue de la responsabilité des États-Unis. Cette urgence est juxtaposée à des « crises connexes » qui se manifestent par : le déclin de l’espérance de vie, la stagnation des salaires, la diminution de la mobilité sociale, la montée en flèche des inégalités, le fossé racial en matière de richesse et l’écart de revenus entre les sexes. La solution proposée est un Green New Deal qui permettrait d’atteindre des émissions nettes nulles des gaz à effet de serre grâce à une « transition juste », créant « des millions de bons emplois bien rémunérés » dans le cadre d’un processus visant à garantir un environnement durable. Il est conçu pour « promouvoir la justice et l’équité en mettant fin à l’oppression actuelle, en préservant l’avenir et en « réparant » l’oppression historique des peuples indigènes, des communautés de couleur, des communautés migrantes, des communautés des régions désindustrialisées, des communautés des régions rurales en voie de dépeuplement, des pauvres, des travailleurs à faible revenu, des femmes, des personnes âgées, des personnes sans logement, des handicapés et des jeunes (désignés dans cette résolution par « communautés en première ligne et vulnérables ») ».

La résolution du New Deal vert envisage une « mobilisation nationale de 10 ans ». Au cours de cette période, l’objectif est d’atteindre « 100% de la consommation d’électricité aux Etats-Unis grâce à des sources d’énergie propres, renouvelables et sans émissions ». D’autres mesures comprennent la lutte contre les « monopoles nationaux ou internationaux », le soutien à l’agriculture familiale, la construction d’un système alimentaire durable, la mise en place des conditions d’une production et de l’usage de véhicules à zéro émission, la promotion des transports publics, l’investissement dans le train à grande vitesse, l’échange international des technologies liées au climat, la création de partenariats avec les communautés de première ligne, avec les syndicats, avec les coopératives de travailleurs, la garantie des emplois, la formation, l’enseignement supérieur pour la population active et la protection des terres et eaux publiques, et la santé universelle pour la population américaine dans son ensemble [34].

Contrairement au New Deal du Parti vert, la résolution du New Deal du Parti démocrate, présentée par Ocasio-Cortez et Markey, ne s’oppose pas directement au capital financier ou aux dépenses des États-Unis pour l’armée et l’empire. Son caractère radical se limite plutôt à lier une mobilisation massive pour lutter contre les changements climatiques à une transition juste pour les communautés de première ligne, y compris des mesures économiques redistributives. Et pourtant, il n’y a aucun doute sur le caractère radical des revendications avancées, qui, si elles étaient pleinement mises en œuvre, nécessiteraient une mobilisation massive de l’ensemble de la société en vue d’une vaste transformation du capitalisme américain et l’expropriation de l’industrie des combustibles fossiles.

Le plan de trente-quatre pages du New Deal vert de Sanders va encore plus loin [35]. Il exige 100% d’énergie renouvelable pour l’électricité et le transport d’ici à 2030 (soit une réduction de 71% des émissions de carbone aux Etats-Unis) et une décarbonisation complète d’ici à 2050 au plus tard. Il vise à accomplir tout cela en consacrant 16,3 billions de dollars d’investissements publics à la mobilisation massive de ressources pour remplacer les combustibles fossiles, en insistant sur une transition juste pour les travailleurs et travailleuses et ainsi que les collectivités de première ligne, en déclarant une urgence nationale en matière de changements climatiques, en autorisant de nouveau le Corps civil de protection de l’environnement (Civilian Conservation Corps, créé sous Franklin Delano Roosevelt en 1933 pour donner du travail aux jeunes chômeurs dans les domaines de l’érosion, des inondations, du reboisement ; il est dissous en 1942) du New Deal et en interdisant le forage en mer, la fracturation hydraulique et l’exploitation du charbon à ciel ouvert. Il allouerait 200 milliards de dollars au Fonds vert pour le climat afin de soutenir les transformations nécessaires dans les pays pauvres dans le but d’aider à réduire les émissions de carbone dans les pays moins industrialisés de 36% d’ici à 2030.

Afin d’assurer une transition juste pour les travailleurs, Sanders propose « jusqu’à cinq ans de garantie de salaire, d’aide au placement, d’aide à la réinsertion et à la relocalisation des emplois, de soins de santé et de retraite fondée sur leur salaire antérieur », ainsi qu’une aide au logement, à tous les travailleurs déplacés en raison du remplacement des énergies fossiles. Les travailleurs et travailleuses recevront une formation pour modifier leur carrière professionnelle, y compris des études universitaires de quatre ans entièrement rémunérées. Le coût des soins de santé serait couvert par l’assurance-maladie pour tous. Les principes de justice environnementale seront respectés afin de protéger les communautés de première ligne. Un financement sera fourni aux communautés de première ligne touchées, y compris les indigènes. La souveraineté des tribus sera respectée, car le plan Sanders prévoit 1,12 milliard de dollars pour l’accès aux terres communautaires et des programmes d’extension. De plus, le gouvernement « mettra de côté 41 milliards de dollars pour aider les grandes exploitations d’élevage animal confinées » à se convertir en « pratiques de régénération écologique », qui seront couplées à un soutien aux fermes familiales.

Le financement proviendrait d’un certain nombre de sources, notamment : 1° « augmenter massivement les impôts sur les profits et la richesse des entreprises polluantes et des investisseurs dans le domaine des combustibles fossiles » ainsi qu’« augmenter les pénalités sur la pollution due à la production d’énergie fossile » par les firmes ; 2° éliminer les subventions à l’industrie de combustibles fossiles ; 3° « générer des revenus à partir de la vente en gros de l’énergie produite par les autorités régionales chargées de distribuer l’énergie » – les revenus supplémentaires étant utilisés pour soutenir le Green New Deal jusqu’en 2035, après quoi l’électricité serait fournie pratiquement gratuitement aux clients, en dehors des coûts de fonctionnement et de maintenance ; 4° réduire les dépenses militaires destinées à garantir l’approvisionnement mondial en pétrole ; 5° percevoir des revenus fiscaux supplémentaires résultant de la hausse du nombre d’emplois ; 6° faire payer leur « juste part aux firmes et aux riches » [36].

Le Green New Deal de Sanders se distingue ainsi de la résolution présentée par Ocasio-Cortez et Markey au Congrès sur les points suivants : 1° fixer un calendrier précis de réduction des émissions de gaz à effet de serre (beaucoup plus ambitieux pour les Etats-Unis, en raison de leurs responsabilités particulières, que ce qui est exigé par le monde en moyenne dans le cadre du budget carbone mondial) ; 2° son affrontement direct avec le capital fossile ; 3° fonder explicitement sa juste transition sur les besoins des masses laborieuses dans son ensemble, en mettant l’accent sur les communautés en première ligne ; 4° préciser, comme la proposition précédente du Parti Vert, la création de vingt millions de nouveaux emplois ; 5° interdire le forage en mer, la fracturation hydraulique et l’extraction du charbon à ciel ouvert ; 6° mettre en question le rôle de l’armée dans la sauvegarde de l’économie mondiale des combustibles fossiles ; 7° prévoir 16,3 billions de dollars en dépenses par le gouvernement fédéral pour le Green New Deal, sur une période de dix ans ; et 8° compter sur les impôts sur les firmes polluantes afin d’aider à financer le Green New Deal lui-même [37]. Le plan Sanders, cependant, recule par rapport à la proposition audacieuse du Parti vert de réduire de moitié les dépenses militaires.

Les stratégies du New Deal Vert des peuples qui sont actuellement avancées constituent ce que la théorie socialiste appelle des réformes révolutionnaires, c’est-à-dire des réformes qui envisagent une restructuration fondamentale du pouvoir dans les domaines économique, politique et écologique, et qui indiquent la transition du capitalisme au socialisme plutôt que de l’abandonner. L’ampleur des changements envisagés est beaucoup plus grande, représentant une menace plus redoutable pour le pouvoir du capital, que ceux posés par le Second New Deal de la fin des années 1930. Le désinvestissement total dans les énergies fossiles, y compris dans les réserves, constitue une sorte d’abolitionnisme motivé par la seule nécessité qui trouve son analogie la plus proche, en termes de ses effets économiques globaux, dans l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis. On estime qu’en 1860, les esclaves constituaient « le plus grand actif financier de toute l’économie américaine, qui valait plus que tout le secteur manufacturier et les chemins de fer réunis » [38]. Aujourd’hui, s’attaquer à l’industrie des énergies fossiles et aux industries et infrastructures connexes, y compris toute la structure financière, soulève des conflits analogues en termes de richesse et de pouvoir, en termes de l’enjeu, et ne peut qu’être considéré comme un élément de transformation écologique et sociale d’ensemble. Ainsi, la Banque interaméricaine de développement a déclaré en 2016 que les compagnies énergétiques risquaient de perdre 28 billions de dollars en raison de la nécessité de maintenir les combustibles fossiles dans le sol [39].

Comme le capital l’a compris dès le départ, ces changements menaceraient l’ensemble de l’ordre politico-économique, car une fois la population mobilisée pour le changement, tout le métabolisme de la production capitaliste serait remis en cause [40]. Pour que le mouvement pour la justice climatique s’attaque ainsi au capital fossile et au système capitaliste régnant dans son ensemble, il faut une mobilisation sociale et une lutte des classes à grande échelle, les transformations majeures de la production-énergie devant être introduites en quelques années seulement.

Certes, aucune des propositions du New Deal vert n’est sur le point de concevoir l’immensité de la tâche que l’urgence planétaire actuelle exige, et encore moins de s’y attaquer. Mais elles sont suffisamment ancrées dans la nécessité pour pouvoir déclencher une lutte révolutionnaire mondiale pour la liberté et la durabilité, car les changements envisagés vont à l’encontre de la logique même du capital et ne peuvent être réalisés sans une mobilisation de la population dans son ensemble sur une base d’urgence.

Les stratégies radicales du New Deal lui-même, liées à l’importance qu’elles accordent à la croissance économique et à l’accumulation de capital, présentent encore des contradictions. Les contraintes imposées par la nécessité de stabiliser le climat sont sévères et nécessitent des changements dans la structure sous-jacente de la production. Néanmoins, toutes les propositions actuelles du Green New Deal évitent en grande partie de mentionner la conservation immédiate des ressources ou la réduction de la consommation globale – et encore moins les mesures d’urgence comme le rationnement en tant que moyen équitable non lié au prix de réaffecter les ressources rares de la société (une mesure assez populaire aux Etats-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale) [42]. Aucune ne considère le volume complet de gaspillage intégré au système actuel d’accumulation du capital et comment cela pourrait être mis au profit d’un plan écologique. Au lieu de cela, tous les plans sont basés sur la notion de promotion d’une croissance économique rapide et exponentielle ou d’une accumulation de capital – malgré le fait que cela aggraverait l’urgence planétaire, et bien que les véritables succès du Second New Deal [fin des années 1930] avaient beaucoup moins à voir avec la croissance qu’avec la redistribution économique et sociale [43]. Comme Naomi Klein le souligne, un plan de Green New Deal serait voué à l’échec, tant pour protéger la planète que pour effectuer une transition juste, s’il devait prendre le chemin d’une « orientation keynésienne » (climate Keynesianism) [44].

Le GIEC et les stratégies d’atténuation

Rien de tout cela ne consiste à nier qu’un changement tectonique semble être en cours. Les stratégies radicales du New Deal vert que l’on préconise aujourd’hui menacent de faire sauter le processus scientifique et politique mené par le GIEC en ce qui concerne ce qui peut et doit être fait pour lutter contre le changement climatique, qui a jusqu’à présent interdit toute perspective sociale de gauche. Contrairement à son traitement scientifique minutieux des causes et des conséquences du changement climatique, qui ont été relativement exemptes d’intervention politique, l’approche du GIEC en matière d’actions sociales nécessaires pour atténuer l’urgence climatique a été dictée en grande partie par l’hégémonie politique et économique actuelle.

Les stratégies d’atténuation visant à réduire les émissions de dioxyde de carbone dans le monde ont jusqu’à présent été fortement affectées par la domination quasi totale des rapports capitalistes d’accumulation et de l’hégémonie de l’économie néoclassique. Les lignes directrices intégrées à de tels scénarios d’atténuation restreignent fortement les paramètres du changement à l’étude au moyen de mécanismes tels que les modèles d’évaluation intégrée (MEI, grands modèles informatiques qui intègrent les marchés de l’énergie et l’utilisation des terres pour les évaluations des gaz à effet de serre) et les parcours socioéconomiques partagés (SSP, composés de cinq trajectoires différentes de type business-as-usual fondées essentiellement sur des structures technologiques, une croissance économique substantielle et l’absence de politique climatique officiellement intégrée dans tous les modèles).

Le résultat de ces modèles délibérément conservateurs, qui annulent toutes les solutions de rechange au statu quo, est la prolifération d’évaluations irréalistes de ce qui peut être fait et de ce qui doit être fait [45]. En général, les scénarios d’atténuation intégrés dans les procédures du GIEC sont : 1° supposer implicitement la nécessité de perpétuer l’hégémonie politico-économique actuelle ; 2° minimiser les changements dans les rapports sociaux en faveur d’un changement technocratique, en grande partie basé sur des technologies qui n’existent pas ou qui sont irréalisables ; 3° insister sur l’offre, principalement des facteurs technologiques ou liés aux prix, plutôt que sur la demande, ou sur les réductions écologique directes de consommation afin de diminuer les émissions ; 4° s’appuyer sur des émissions dites négatives (capter le dioxyde de carbone de l’atmosphère et le séquestrer d’une manière ou d’une autre) afin de permettre le dépassement des objectifs d’émission ; 5° ne pas tenir compte de la masse de la population, en supposant que le changement sera géré par les élites chargées de la gestion avec une participation publique minimale ; et 6° postuler des réponses lentes, laissant de côté la possibilité (voire la nécessité) d’une révolution écologique [46].

Ainsi, si l’ampleur du changement climatique et ses impacts socio-écologiques sont bien appréhendés par les modèles et projections du GIEC, l’ampleur du changement social nécessaire pour relever ce défi est systématiquement déclassée dans les centaines de modèles d’atténuation utilisés par le GIEC. On a plutôt recours à des solutions miracles liées à des interventions de mécanismes [prix] du marché (comme l’échange de droits d’émission de carbone) et de technologies futuristes impliquant des inventions qui ne sont pas réalisables à l’échelle nécessaire et qui reposent sur des émissions négatives [47]. De tels modèles indiquent des résultats catastrophiques pour lesquels les seules défenses sont présumées être l’efficacité commerciale et une technologie baroque non existante ou non rationnelle puisque ces approches permettent à la société de poursuivre sa production actuelle, sans modification importante.

Ainsi, la plupart des modèles d’atténuation du changement climatique intègrent la bioénergie à la technologie de capture et de stockage du carbone (BECCS, Bio-Energy with Carbon Capture and Storage), qui favorise la croissance massive de plantes (principalement des arbres) destinées à être brûlées pour produire de l’énergie, tout en capturant simultanément le dioxyde de carbone libéré dans l’atmosphère et en le séquestrant ou en le stockant, comme dans les processus géologique et océanologique de stockage. S’il était mis en œuvre, cela nécessiterait une quantité de terres égale à une ou deux Indes et une quantité d’eau douce se rapprochant de celle qui est actuellement utilisée par l’agriculture mondiale malgré les pénuries d’eau à l’échelle internationale [48]. La promotion accentuée de telles approches purement mécaniques n’est pas non plus un accident. Elle est profondément ancrée dans la manière dont ces rapports sont construits et dans l’ordre capitaliste sous-jacent qu’ils servent.

Comme l’a dit Kevin Anderson, éminent climatologue du Tyndall Centre for Climate Change Research, au Royaume-Uni :

« Le problème est que le respect de l’engagement de 1,5 à 2°C exige des réductions d’émissions de plus de 10% par an pour les pays riches, ce qui dépasse de loin les taux généralement considérés comme possibles dans le système économique actuel. C’est en semblant remédier à cette impasse que les IAM (Integrated assessment modelling-Modèle d’évaluation intégrée-MEI) ont un rôle important et dangereux. Derrière une apparence d’objectivité, l’utilisation de ces modèles informatiques de Leviathan a professionnalisé l’analyse de l’atténuation du changement climatique en remplaçant les politiques désordonnées et contextuelles par un formalisme mathématique non contextuelisé. A l’intérieur de ces limites professionnelles, les IAM synthétisent des modèles climatiques simples, avec une croyance dans la façon dont la finance fonctionne et dont les technologies changent, renforcée par une interprétation économique [orthodoxe] du comportement humain…

 »Généralement, les IAM utilisent des modèles basés sur des axiomes du marché libre. Les algorithmes intégrés dans ces modèles supposent des changements marginaux proches de l’équilibre économique et sont fortement tributaires de faibles variations de la demande qui résultent de changements marginaux des prix. L’accord de Paris sur le climat, en revanche, pose un défi d’atténuation très éloigné de l’équilibre de l’économie de marché actuelle, qui exige un changement immédiat et radical dans toutes les facettes de la société. » [49]

La réalité, souligne Kevin Anderson, est que la modélisation et les projections actuelles des scénarios climatiques fournies par le GIEC et incorporées dans les plans nationaux reposent sur des hypothèses tirées de l’analyse de l’équilibre général de l’économie néoclassique, intégrant des notions de changements gradualistes, basées sur les exigences du système de profit. De telles stipulations dans les scénarios d’atténuation n’ont pas de sens dans le contexte de l’urgence climatique actuelle et sont dangereuses dans la mesure où elles empêchent les mesures nécessaires, de sorte qu’une technologie, de fait non existante, est considérée comme le seul sauveur. Parmi les nombreux modèles examinés par le GIEC dans son rapport de 2018, tous exigent une réduction des émissions de dioxyde de carbone (CDR) ou des émissions dites négatives principalement par des moyens technologiques mais aussi par le boisement [50]. La vérité est que l’approche d’atténuation globale au sein du GIEC, explique Anderson, a été un « échec accéléré », guidant un processus qui est en opposition totale avec ses projections, ce qui fait que les émissions annuelles de CO2 ont augmenté de 70% environ depuis 1990. Comme les effets de ces émissions sont cumulatifs et non linéaires, avec toutes sortes de rétroactions positives, « l’échec continu de l’atténuation des émissions a poussé l’enjeu d’un changement modéré dans le système économique à une modification révolutionnaire du système. Il ne s’agit pas d’une position idéologique, elle découle directement d’une interprétation scientifique et mathématique de l’accord de Paris sur le climat » [51].

Reconnaissant l’accélération de l’urgence climatique, le GIEC, dans son rapport de 2018, s’est écarté de ses rapports précédents en encourageant légèrement le développement d’approches d’atténuation du changement climatique qui incluent des considérations liées à la demande. Cela signifie qu’il faut trouver des moyens de réduire la consommation, généralement en augmentant l’efficacité des ressources employées (bien que l’on minimise généralement le fameux paradoxe de William Stanley [1835-1882] Jevons, où l’accroissement de l’efficacité sous le capitalisme entraîne une accumulation et une consommation accrues) [52]. Un certain nombre de scénarios d’atténuation ont été présentés qui démontrent que les interventions sur la demande sont le moyen le plus rapide de faire face au changement climatique et même, dans un modèle, est suggéré que l’objectif inférieur à 1,5ºC peut être atteint avec un léger dépassement seulement et sans dépendre de technologies dites d’émissions négatives, mais plutôt de pratiques agricoles et forestières améliorées (considérées comme une forme non technologique de réduction du dioxyde de carbone) [53].

Ces résultats sont en outre atteints dans le cadre des hypothèses extrêmement restrictives des modèles d’atténuation du GIEC, qui intègrent formellement (via les IMA et les SSP) une croissance économique rapide et significative tout en excluant formellement toute intervention gouvernementale (ou politique) climatique. Certains critiques radicaux, comme Jason Hickel et Giorgos Kallis, ont donc laissé entendre qu’une approche sociopolitique axée sur la demande, qui met l’accent sur l’abondance et les politiques de redistribution, tout en limitant les profits et la croissance (qui profitent aujourd’hui principalement au 0,1 %), est de loin supérieure en termes de réduction et constitue la seule solution réaliste [54].

L’une des principales vertus de la montée des stratégies radicales ou du New Deal vert populaire est donc qu’elles ouvrent le champ de ce qui est possible en accord avec la nécessité réelle, soulevant la question du changement transformateur comme seul fondement de la survie humaine-civilisationnelle : la liberté de la nécessité [55]. L’auto-mobilisation de la population prendra d’abord une forme écodémocratique, mettant l’accent sur la construction d’alternatives énergétiques combinées à une transition juste, mais dans un contexte généralement dépourvu de toute critique systématique de la production ou de la consommation. A terme, cependant, la pression du changement climatique et la lutte pour la justice sociale et écologique, stimulée par la mobilisation de diverses communautés, devraient conduire à une vision écorévolutionnaire plus globale, déchirant ainsi le voile de l’idéologie reçue.

Il n’en reste pas moins que la tentative de construire un New Deal vert radical dans un monde encore dominé par le capital monopolistique et financier sera constamment menacée par une tendance au retour au keynésianisme vert, où la promesse d’emplois illimités, d’une croissance économique rapide et d’une consommation accrue milite contre toute solution à la crise écologique planétaire. Comme Naomi Klein le remarque dans On Fire :

« Tout New Deal vert crédible a besoin d’un plan concret pour s’assurer que les salaires de tous les bons emplois verts qu’il crée ne sont pas immédiatement transférés dans des modes de vie à forte consommation qui finissent par augmenter les émissions – un scénario où chacun a un bon emploi et beaucoup de revenu disponible et tout cela est dépensé en conneries… Ce dont nous avons besoin sont des transitions qui prennent en compte les limitations difficiles concernant l’extraction d’énergie fossile et qui créent simultanément des nouvelles opportunités pour les gens d’améliorer la qualité de vie et de se faire plaisir en dehors du cycle de consommation sans fin. » [57]

La voie vers la liberté écologique et sociale exige l’abandon d’un mode de production enraciné dans l’exploitation du travail humain et l’expropriation de la nature et des peuples, conduisant à des crises économiques et écologiques toujours plus fréquentes et graves. La suraccumulation du capital sous le régime du capital monopolistique et financier a fait du gaspillage à tous les niveaux une partie intégrante de la préservation du système, créant une société dans laquelle ce qui est rationnel pour le capital est irrationnel pour les peuples du monde et pour la terre [58]. Cela a conduit au gaspillage de vies humaines en travail inutile consacré à produire des marchandises inutiles, nécessitant le gaspillage des ressources naturelles et matérielles de la planète. Inversement, l’ampleur de ce vaste gaspillage de la production et de la richesse humaines, et de la terre elle-même, est une mesure de l’énorme potentiel qui existe aujourd’hui pour étendre la liberté humaine et satisfaire les besoins individuels et collectifs tout en assurant un environnement durable [59].

Dans la crise climatique actuelle, ce sont les pays impérialistes au centre du système qui ont produit la majeure partie des émissions de dioxyde de carbone actuellement concentrées dans l’environnement. Ce sont ces pays qui ont encore les émissions par habitant les plus élevées. De plus, ces mêmes Etats monopolisent la richesse et la technologie nécessaires pour réduire considérablement les émissions mondiales de carbone. Il est donc essentiel que les pays riches assument la plus grande part du fardeau de la stabilisation du climat mondial, en réduisant leurs émissions de dioxyde de carbone à un taux de 10% ou plus par an [60]. C’est la reconnaissance de cette responsabilité de la part des pays riches, ainsi que la nécessité mondiale sous-jacente, qui a conduit à l’émergence soudaine de mouvements transformateurs comme Extinction Rebellion.

A plus long terme, cependant, l’impulsion principale de la transformation écologique mondiale viendra du Sud, où la crise planétaire a ses effets les plus durs, en plus des effets d’un système mondial déjà impérialiste et d’un fossé grandissant entre les pays riches et pauvres dans leur ensemble. C’est à la périphérie du monde capitaliste que l’héritage de la révolution est le plus fort – et les conceptions les plus profondes sur la manière de réaliser ces changements nécessaires persistent. C’est particulièrement évident dans des pays comme Cuba, le Venezuela et la Bolivie, qui ont cherché à révolutionner leurs sociétés malgré les dures attaques du système impérialiste mondial et malgré leur dépendance historique (dans les cas du Venezuela et de la Bolivie) – elle-même imposée par les structures hégémoniques de l’économie mondiale – à l’extraction énergétique. [L’exemple du Venezuela fait ici l’économie de la politique désastreuse de la néobourgeoisie bolivarienne sous Maduro – Réd.] En général, on peut s’attendre à ce que le Sud global soit le lieu de la croissance la plus rapide d’un prolétariat produit de la crise environnementale, résultant de la dégradation des conditions matérielles de la population d’une manière aussi bien écologique qu’économique [61].

Le rôle de la Chine dans tout cela reste crucial et contradictoire. C’est l’un des pays les plus pollués et les plus gourmands en ressources du monde, alors que ses émissions de carbone sont si massives qu’elles constituent en elles-mêmes un problème de dimension mondiale. Néanmoins, la Chine a fait plus que tout autre pays jusqu’à présent pour développer des technologies énergétiques alternatives axées sur la création de ce que l’on appelle officiellement une civilisation écologique. Il est remarquable qu’il reste largement autosuffisant sur le plan alimentaire en raison de son système d’agriculture, dans lequel la terre est un bien social et la production agricole dépend principalement de petits producteurs avec des restes de responsabilité collective et communautaire. [La définition officielle en Chine de l’autosuffisance alimentaire repose sur un nombre de produit définis comme stratégiques, desquels le soja a été écarté lorsque le pays a dû en importer massivement – Réd.] Ce qui est clair, c’est que les choix présents et futurs de l’Etat chinois, et encore plus du peuple chinois, en ce qui concerne la création d’une civilisation écologique sont susceptibles d’être déterminants pour le sort à long terme de la terre [62].

La révolution écologique fait face à l’inimitié de tout le système capitaliste. Au minimum, cela signifie aller à l’encontre de la logique du capital. Dans son plein développement, cela signifie transcender le système. Dans ces conditions, la réaction réactionnaire de la classe capitaliste soutenue par son arrière-garde d’extrême droite sera régressive, destructrice et sans retenue. Cela se voit déjà dans les nombreuses tentatives de l’administration de Donald Trump de supprimer la possibilité même d’effectuer les changements nécessaires pour lutter contre le changement climatique (apparemment pour brûler les navires du monde derrière lui), à commencer par son retrait de l’Accord de Paris sur le climat et son accélération de l’extraction de combustibles fossiles. La barbarie écologique ou l’écofascisme sont des menaces palpables dans le contexte politique mondial actuel et font partie de la réalité à laquelle toute révolte écologique de masse devra faire face [63]. Seule une véritable lutte révolutionnaire, et non réformiste, pourra se propulser dans ces circonstances.

Une ère de changement « transformationnel »

Il est courant dans la littérature des sciences sociales, représentant l’idéologie libérale régnante, de considérer la société comme simplement constituée par les actions des individus qui la composent. D’autres penseurs, plus critiques, présentent parfois le point de vue opposé selon lequel les individus sont le produit de la structure sociale globale. Un troisième modèle générique considère les individus comme affectant la société et la société affectant les individus dans une sorte de mouvement de va-et-vient, considéré comme une synthèse de la structure et de l’action [64].

Contrairement à toutes ces approches dominantes, surtout libérales, qui laissent peu de place à une véritable transformation sociale, la théorie marxienne, avec son approche historique-dialectique, s’appuie sur ce que le philosophe réaliste critique Roy Bhaskar a appelé un « modèle transformationnel d’activité sociale » dans lequel les individus sont historiquement nés dans une société donnée (mode de production) et sont socialisés dans celle-ci, qui définit les premiers paramètres de leur existence [65]. Cependant, ces conditions et ces relations productives changent de façon imprévisible et contingente au cours de leur vie, entraînant des conséquences imprévues, des contradictions et des crises.

Pris dans des situations historiques qu’ils n’ont pas choisies, les êtres humains, agissant à la fois spontanément et à travers des mouvements sociaux organisés, reflétant les identités de classe et autres identités individuelles et collectives, cherchent à modifier les structures existantes de reproduction sociale et de transformation sociale, donnant lieu à des moments historiques critiques constitués de ruptures et de révolutions radicales, et de nouvelles réalités émergentes. Comme l’écrivait Karl Marx : « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. » [66]

Un tel modèle transformationnel de l’activité sociale appuie une théorie de l’auto-émancipation humaine dans l’histoire. Les relations sociales existantes deviennent des entraves au développement humain général ; mais elles donnent aussi lieu à des contradictions fondamentales dans le processus de travail et de production – ou ce que Marx appelait le métabolisme social de l’humanité et de la nature – menant à une période de crise et de transformation qui menace le renversement révolutionnaire des relations sociales de production ou des relations de classe, de propriété et de pouvoir [67]. On nous présente aujourd’hui des contradictions aussi graves dans le métabolisme de la nature et de la société, dans les rapports sociau de production mais sans véritable précédent dans l’histoire.

Dans l’Anthropocène, l’urgence écologique planétaire se superpose à la suraccumulation du capital et à l’intensification de l’expropriation impérialiste, créant une crise économique et écologique historique [68]. C’est la suraccumulation du capital qui accélère la crise écologique mondiale en poussant le capital à trouver de nouveaux moyens de stimuler la consommation pour que les profits continuent à circuler. Il en résulte un état d’Armageddon planétaire qui menace non seulement la stabilité socio-économique, mais aussi la survie de la civilisation humaine et de l’espèce humaine elle-même.

Pour Naomi Klein, l’explication de base est simple : notant que « Marx a écrit sur le « clivage irréparable » du capitalisme avec « les lois naturelles de la vie elle-même », elle poursuit en soulignant que « beaucoup à gauche ont soutenu qu’un système économique construit sur la libération des appétits voraces du capital écraserait les systèmes naturels dont la vie dépend ». Et c’est exactement ce qui s’est produit depuis la Seconde Guerre mondiale, à travers la grande accélération de l’activité économique, la surconsommation des riches et la destruction écologique qui en résulte.

La société capitaliste a longtemps glorifié la domination de la nature. William James, le grand philosophe pragmatiste, l’appelait en 1906 « l’équivalent moral de la guerre ». Bien qu’il soit rarement mentionné, l’équivalent moral de William James était une guerre sur la terre, dans laquelle il proposait de « former pendant un certain nombre d’années une partie de l’armée de conscrits pour contrôler et dominer la terre, la nature » [70]. Aujourd’hui, nous devons inverser cela et créer un nouvel équivalent moral de guerre plus révolutionnaire, qui ne vise pas à l’engagement d’une armée pour conquérir la terre mais à l’auto-mobilisation de la population pour la rendre vivante. Cela ne peut se faire qu’à travers une lutte pour la durabilité écologique et l’égalité matérielle visant à ressusciter les biens communs mondiaux. Comme l’a dit Greta Thunberg devant les Nations Unies le 23 septembre 2019 : « C’est ici et maintenant que nous traçons la ligne. Le monde se réveille. Et le changement arrive, que vous le vouliez ou non. » Le monde est en feu cette fois.

Article publié dans la Monthly Review, novembre 2019 ; traduction rédaction A l’Encontre.

Notes

1- Ici, la révolution est considérée comme un processus historique complexe, englobant de nombreux acteurs et phases, tantôt naissant, tantôt développé, englobant un défi fondamental de l’État, ainsi que la structure de propriété, de production et de classe de la société. Elle peut impliquer des acteurs dont les intentions ne sont pas révolutionnaires mais qui font objectivement partie du développement d’une situation révolutionnaire. Pour un analogue historique, voir George Lefebvre, La Révolution française (1930). On the concept of ecological revolution itself, see John Bellamy Foster, The Ecological Revolution (New York : Monthly Review Press, 2009), 11–35.

2- Naomi Klein, On Fire : The (Burning) Case for a Green New Deal (New York : Simon and Schuster, 2019).

3- James Baldwin, The Fire Next Time (New York : Dial, 1963).

4- IPCC, Global Warming of 1.5ºC (Geneva : IPCC, 2018).

5- John Haltiwanger, “This Is the Platform That Launched Alexandria Ocasio-Cortez, a 29-Year-Old Democratic Socialist, to Become the Youngest Woman Ever Elected to Congress,” Business Insider, January 4, 2019.

6- Greta Thunberg, No One Is Too Small to Make a Difference (London : Penguin, 2019), 19–24.

7- Representative Alexandria Ocasio-Cortez, 116th Congress, 1st Session, House Resolution 109, “Recognizing the Duty of the Federal Government to Create a Green New Deal” (subsequently referred to as Green New Deal Resolution), February 7, 2019, available at http://ocasio-cortez.house.gov.

8- Klein, On Fire, 1–7.

9- Thunberg, No One Is Too Small to Make a Difference, 61.

10- Bernie Sanders, “The Green New Deal”, April 22, 2019, available at http://berniesanders.com.

11- 109, “Recognizing the Duty of the Federal Government to Create a Green New Deal,” list of cosponsors available at http://congress.gov ; S. Res. 59, “Recognizing the Duty of the Federal Government to Create a Green New Deal,” list of cosponsors available at http://congress.gov.

12- Eliza Barclay and Brian Resnick, “How Big Was the Global Climate Strike ? 4 Million People Activists Estimate,” Vox, September 20, 2019.

13- “Transcript : Greta Thunberg’s Speech to UN Climate Action Summit,” NPR, September 23, 2019.

14- IPCC, Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate, Summary for Policymakers (Geneva : IPCC, 2019), 22–24, 33.

15- Nicholas Stern, “We Must Reduce Greenhous Gas Emissions to Net Zero or Face More Floods,” Guardian, October 7, 2018 ; Le discours de Greta Thunberg au sommet de l’ONU sur l’action climatique affirmait : « Habituellement, on suppose que le monde doit rester en dessous de 2ºC afin d’éviter un point de non-retour en ce qui concerne la relation humaine avec la planète. Mais de plus en plus la science indique 1,5ºC comme point de repère. La plupart des programmes d’atténuation du climat reconnus par le GIEC aujourd’hui supposent un dépassement temporaire de la limite de 1,5ºC (ou bien de la limite de 2ºC) avec des émissions négatives, puis l’élimination du carbone de l’atmosphère avant que les pires effets ne se produisent. Mais une telle stratégie, on le reconnaît de plus en plus, est pire que la roulette russe en termes de chances statistiques – et de plus remplie d’illusions. »

16- http://systemchangenotclimatechange.org. See also Martin Empson, ed., System Change Not Climate Change (London : Bookmarks, 2019).

17- On the distinction between climate action and climate justice, see Klein, On Fire, 27–28.

18- The climate march was followed a few days later by the Flood Wall Street action, in which protestors engaged in civil disobedience but lacked the force of numbers.

19- Klein, On Fire, 27–28.

20- Thunberg, No One Is Too Small to Make a Difference, 16.

21- Green Party US, Green New Deal Timeline, available at http://gp.org ; Green New Deal Policy Group, A Green New Deal (London : New Economics Foundation, 2008) ; Larry Elliott, “Climate Change Cannot Be Bargained With,” Guardian, October 29, 2007.

22- Thomas Friedman, “A Warning from the Garden,” New York Times, January 19, 2007.

23- Alexander C. Kaufman, “What’s the ‘Green New Deal’ ?” Grist, June 30, 2018.

24- UNEP, Global Green New Deal (Geneva : UNEP, 2009).

25- Green European Foundation, A Green New Deal for Europe (Brussels : Green European Foundation, 2009).

26- David Milton, The Politics of U.S. Labor (New York : Monthly Review Press, 1982).

27- Climate Justice Alliance, “History of the Climate Justice Alliance.

28- John Bellamy Foster, “Ecosocialism and a Just Transition,” MROnline, June 22, 2019 ; Climate Justice Alliance, “Just Transition : A Framework for Change.”

29- Science for the People has been a leading defender of a Peoples’ Green New Deal, incorporating a just transition for workers and frontline communities as opposed to attempts to fold the Green New Deal into its previous corporatist form. See Science for the People, “Peoples’ Green New Deal.”

30- Jill Stein, “Solutions for a Country in Trouble : The Four Pillars of the Green New Deal,” Green Pages, September 25, 2012.

31- Green Party, “We Can Build a Better Tomorrow Today, It’s Time for a Green New Deal.”

32- Tessa Stuart, “Sunrise Movement, the Force Behind the Green New Deal Ramps Up Plans for 2020,” Rolling Stone, May 1, 2019. The founding Sunrise Movement activists had cut their teeth on the fossil-fuel disinvestment movement particularly in universities, which as of December 2018 claims to have succeeded in facilitating $8 trillion in disinvestments. However, activists realized that the next step was to try to tackle the state itself and to change the system through a Green New Deal. Klein, On Fire, 22.

33- The Green Party has moved explicitly in the direction of ecosocialism and sponsored an ecosocialism conference in Chicago on September 28, 2019. See Anita Rios, “Green Party Gears Up for Ecosocialism Conference,” Black Agenda Report, September 10, 2019.

34- 109, “Recognizing the Duty of the Federal Government to Create a Green New Deal.”

35- Bernie Sanders est le seul candidat démocrate à promouvoir un véritable Green New Deal lors des élections de 2020. Le « Plan pour une révolution de l’énergie propre et la justice environnementale » de Joe Biden, présenté en juin 2019, évite complètement l’insistance du GIEC qui demande que les émissions de gaz carbonique soient réduites de près de 50% d’ici à 2030 pour rester en dessous de 1,5ºC et promet simplement de promouvoir des politiques qui permettront d’atteindre des émissions nettes nulles d’ici à 2050, proposant de consacrer 1,7 billion de dollars à la lutte contre les changements climatiques sur dix ans. Elizabeth Warren a signé la résolution du nouveau doyen vert, mais dans son « Plan d’énergie propre », présenté en septembre 2019, elle ne va pas au-delà de dire qu’elle soutient une mobilisation sur dix ans, jusqu’en 2030, dans le but d’atteindre « dès que possible » des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles. Elle propose un investissement de 3 billions de dollars sur dix ans. Son plan exclut toute mention d’une transition juste pour les travailleurs ou les collectivités de première ligne.

36- Sanders, “The Green New Deal.”

37- While the Green New Deal Resolution introduced by Ocasio-Cortez and Markey does not address how it would be financed, the emphasis has been on the creation of public banks, green quantitative easing, and deficit financing under current low capacity utilization—a view supported by modern monetary theory. It deliberately swerves away from funding by taxes on corporations. Ellen Brown, “The Secret to Funding a Green New Deal,” Truthdig, March 19, 2019.

38- Historian David Blight, quoted in Ta-Nehisi Coates, “Slavery Made America,” Atlantic, June 24, 2014.

39- Ben Caldecott et al., Stranded Assets : A Climate Risk Challenge (Washington DC : Inter-American Development Bank, 2016) : x.

40- Naomi Klein, This Changes Everything : Capitalism vs. the Climate (New York : Simon and Schuster, 2014), 31–63.

41- Klein, On Fire, 261 ; J. F. Mercure et al., “Macroeconomic Impact of Stranded Fossil Fuel Assets,” Nature Climate Change 8 (2018) : 588–93.

42- Klein, This Changes Everything, 115–16.

43- Nancy E. Rose, Put to Work (New York : Monthly Review Press, 2009).

44- Klein, On Fire, 264.

45- Kevin Anderson, “Debating the Bedrock of Climate-Change Mitigation Scenarios,” Nature, September 16, 2019 ; Zeke Hausfather, “Explainer : How ‘Shared Socioeconomic Pathways’ Explore Future Climate Change,” Carbon Brief, April 19, 2018.

46- These shortcomings are built directly into the SSPs and even into the IAMs. See Oliver Fricko et al., “The Marker Quantification of the Shared Socioeconomic Pathway 2 : A Middle-of-the-Road Scenario for the 21st Century,” Global Environmental Change 42 (2017) : 251–67. For a general critical evaluation, see Jason Hickel and Giorgos Kallis, “Is Green Growth Possible ?” New Political Economy, April 17, 2019.

47- Kevin Anderson and Glen Peters, “The Trouble with Negative Emissions,” Science 354, no. 6309 (2016) : 182–83 ; European Academies Science Advisory Council, Negative Emission Technologies : What Role in Meeting Paris Agreement Targets, EASAC Policy Report 35 (Halle, Germany : German National Academy of Sciences, 2018).

48- See John Bellamy Foster, “Making War on the Planet,” Monthly Review 70, no. 4 (September 2018) : 4–6.

49- Anderson, “Debating the Bedrock of Climate-Change Mitigation Scenarios.”

50- IPCC, Global Warming of 1.5ºC, 16, 96.

51- Anderson “Debating the Bedrock of Climate-Change Mitigation Scenarios.”

52- See John Bellamy Foster, Brett Clark, and Richard York, The Ecological Rift (New York : Monthly Review Press, 2010), 169–82.

53- IPCC, Global Warming of 1.5ºC, 15–16, 97 ; Jason Hickel, “The Hope at the Heart of the Apocalyptic Climate Change Report,”Foreign Policy, October 18, 2018. See also Arnulf Grubler, “A Low Energy Demand Scenario for Meeting the 1.5ºC Target and Sustainable Development Goals Without Negative Emission Technologies,” Nature Energy 3, no. 6 (2018) : 512–27 ; Joeri Rogelj et al., “Scenarios Towards Limiting Global Mean Temperature Increase Below 1.5ºC,” Nature Climate Change 8 (2018) : 325–32 ; Christopher Bertram et al. “Targeted Policies Can Compensate Most of the Increased Sustainability Risks in 1.5ºC Mitigation Scenarios,” Environmental Research Letters 13, no. 6 (2018).

54- Hickel and Kallis, “Is Green Growth Possible ?”

55- Bernal, The Freedom of Necessity (London : Routledge and Kegan Paul, 1949).

56- See John Bellamy Foster, “Ecology,” in The Marx Revival, ed. Marcelo Musto (Cambridge : Cambridge University Press, 2000), 193.

57- Klein, On Fire, 264.

58- See Paul A. Baran and Paul M. Sweezy, Monopoly Capital (New York : Monthly Review Press, 1966).

59- John Bellamy Foster, “The Ecology of Marxian Political Economy,” Monthly Review 63, no. 4 (September 2011) : 1–16 ; Fred Magdoff and John Bellamy Foster, What Every Environmentalist Needs to Know About Capitalism (New York : Monthly Review Press, 2011), 123–44 ; William Morris, News from Nowhere and Selected Writings and Designs (London : Penguin, 1962) : 121–22.

60- Kevin Anderson and Alice Bows, “Beyond ‘Dangerous’ Climate Change : Emission Scenarios for a New World,” Philosophical Transactions of the Royal Society 369 (2011) : 20–44.

61- For a discussion of the current ecological situation in the Global South and its relation to imperialism, see John Bellamy Foster, Hannah Holleman, and Brett Clark, “Imperialism in the Anthropocene,” Monthly Review 71, no. 3 (July–August 2019) : 70–88. On the concept of the environmental proletariat, see Bellamy Foster, Clark, and York, The Ecological Rift, 440–41.

62- The issue of China and ecology is complex. See John B. Cobb (in conversation with Andre Vltchek), China and Ecological Civilization (Jakarta : Badak Merah, 2019) ; David Schwartzman, “China and the Prospects for a Global Ecological Civilization,”Climate and Capitalism, September 17, 2019 ; Lau Kin Chi, “A Subaltern Perspective on China’s Ecological Crisis,” Monthly Review 70, no. 5 (October 2018) : 45–57. On the concept of ecological civilization and its relation to China, see John Bellamy Foster, “The Earth-System Crisis and Ecological Civilization,” International Critical Thought 7, no. 4 (2017) : 439–58.

63- Naomi Klein, “Only a Green New Deal Can Douse the Fires of Ecofascism,” Intercept, September 16, 2019.

64- Roy Bhaskar, Reclaiming Reality (London : Routledge, 2011), 74–76.

65- Bhaskar, Reclaiming Reality, 76–77, 92–94.

66- Karl Marx, Eighteenth Brumaire of Louis Bonaparte (1852 ; repr., New York : International Publishers, 1963) : 15.

67- Karl Marx, Capital, vol. 1 (London : Penguin, 1976), 283.

68- See Ian Angus, Facing the Anthropocene (New York : Monthly Review Press, 2016), 175–91.

69- Klein, On Fire, 90–91 ; Karl Marx, Capital, vol. 3 (London : Penguin, 1981), 949.

70- William James, “Proposing the Moral Equivalent of War” (speech, Stanford University, 1906), available at Lapham’s Quarterly online.

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