Édition du 16 avril 2024

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Forum social mondial 2016 à Montréal

FSM 2016 à Montréal : Pour mobiliser les mouvements sociaux, il faut définir un projet politique

novembre 2015 | tiré du Journal des Alternatives

En mars dernier, le Conseil international (CI) du Forum social mondial (FSM) a adopté l’idée que le prochain FSM se tienne à Montréal du 9 au 14 août 2016. Alternatives a par la suite adopté une recommandation qui l’engage à travailler avec ses partenaires nationaux et internationaux au développement d’activités dans le cadre du FSM 2016. Nous croyons cependant qu’un coup de barre important doit être effectué afin de permettre une réelle contribution des mouvements sociaux et ainsi assurer le succès de l’événement.

Le séminaire international tenu les 1er et 2 octobre sur l’événement a permis de définir les grandes thématiques du rassemblement. En soi, cet exercice, plus sémantique que politique, a été respectueux des points de vue exprimés lors de la rencontre et met en place un cadre opérationnel pour permettre l’expression des différents points de vue. Toutefois, le souci est ailleurs. Le fait de couvrir la diversité des préoccupations est insuffisante et exige une clarification politique tant sur le plan de la méthode que sur les objectifs politiques du processus.

Les obstacles concernant la participation demeurent énormes. Il y a le coût des séjours et l’ampleur des sommes à réunir pour soutenir toutes les personnes en provenance du Sud, entre autres. L’obtention de visas demeure aussi un enjeu, malgré l’élection du nouveau gouvernement, étant donné la décentralisation des pouvoirs vers des agences privées. Il y a aussi la contrainte des dates, en plein milieu des vacances du mois d’août, étant donné que les espaces dans les universités ne pouvaient être disponibles plus tard. C’est sans compter les distances prises par plusieurs mouvements parmi les plus importants et les enjeux financiers qui ne pourront se résoudre par le seul socio-financement.

Définir un projet politique pour l’événement centré sur le contenu et non sur le nombre

Ils sont peu nombreux celles et ceux qui persistent à croire que le FSM de Montréal sera au même niveau de participation que les précédents. Un objectif de participation de 50 000, voire de 25 000, ne doit plus constituer une perspective mise de l’avant si on veut proposer un projet crédible.

Par ailleurs, la diffusion web ne pourra pas changer la réalité du rayonnement d’un FSM 2.0, même si elle peut contribuer à améliorer la participation. La diffusion web a déjà été tentée avec plus ou moins de succès et on ne pourra contrer le reflux attendu au niveau du rayonnement avec le seul outil numérique.

Est-ce que le fait de tenir l’événement au Nord constitue en soi une avancée si, du même coup, on peine à réunir les sommes pour soutenir la participation du Sud ? Pour proposer un projet qui témoigne pleinement de sa pertinence, définir les objectifs politiques demeure essentiel.

Au-delà du nombre, l’objectif premier du FSM à Montréal doit d’abord répondre à la question portant sur les enjeux : à quoi va servir ce rassemblement et à quoi invitons-nous les mouvements sociaux lors de l’événement ?

Les forums sociaux et les exigences de l’action politique des mouvements

François Saillant, du FRAPRU, lors de l’assemblée publique qu’Alternatives a organisé le 24 octobre dernier en lien avec les résultats électoraux, a partagé sa double déception concernant la mobilisation en vue du scrutin électoral : une faible réponse des organisations sociales à la manifestation unitaire avant les élections et aussi le peu d’impact du Forum social des peuples (FSP) de 2014 sur la mobilisation contre Harper. Il reprenait, en ce sens, la critique qu’il a lui-même formulé auparavant et que plusieurs ont fait du phénomène des forums sociaux : les grands happenings altermondialistes n’auraient que peu d’impact sur l’action concrète.

Si la coordination pancanadienne de la lutte contre Harper et de ses politiques néolibérales lors de la campagne électorale a été faible, on doit admettre que nombre de mouvements et organisations, qui participaient au FSP en 2014, ont décrié le gouvernement conservateur partout au Canada. En quelque sorte, la tenue du FSP a été un appel à la mobilisation et un exercice de ralliement, même s’il n’a pas engendré une instance de concertation pancanadienne. Les réalités structurelles au Canada sont notamment à prendre en compte dans ce contexte, tout autant que la conjoncture sociale au Québec qui a largement mobilisé les mouvements québécois contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard.

Par ailleurs, les limites des conceptions du FSM centré sur le processus et sur la seule mise en place d’espaces de débats, sans parti pris politique, sont aussi très critiquées partout dans le monde, y compris lors du dernier Conseil international du FSM (CI), qui s’est tenu à Salvador de Bahia au Brésil, les 29, 30 et 31 octobre derniers. L’avenir des FSM, y compris celui de Montréal, passe par l’accroissement de l’impact politique de ces rassemblements, tout en protégeant la liberté de ces « espaces de paroles » ayant comme plate-forme l’idée de bâtir un autre monde.

Un appel à politiser le FSM à Montréal

Lors de la rencontre du CI du FSM au Brésil à la fin du mois d’octobre, des appels ont été lancés aux personnes représentantes du Collectif pour un FSM 2016 à Montréal, présents pour témoigner des préparatifs, pour politiser le projet d’événement. Inquiets, des membres du CI ont demandé que des prises des positions politiques plus fermes soient adoptées, afin d’attirer entre autres les mouvements sociaux et les organisations. La démarche actuellement engagée n’est pas centrée sur ce genre de méthode.

En effet, à ce jour, les énergies ont été principalement investies dans la formulation d’un processus et à la mise en place d’espaces. Les préoccupations des organisations sociales sont relayées à des idées intéressantes, au même titre que tout atelier suggéré par quiconque participe sur ses propres bases aux assemblées et au même titre que tout individu investi un tant soit peu dans l’organisation.. Néanmoins, il est encore temps de donner un coup de barre et de permettre aux organisations d’obtenir un statut susceptible de rendre justice à la centralité de l’espace qu’elles doivent occuper dans un tel événement.

Pour politiser le FSM 2016, une déclaration politique claire sur la centralité des enjeux et des liens entourant la lutte à l’austérité et celle concernant le climat doit être adoptée. Les questions politiques centrales mobilisant présentement les mouvements doivent revenir au cœur des préoccupations de la démarche préparatoire. Déjà, une sensibilité s’est exprimée concernant les questions migratoires et militaires. Elles doivent maintenant faire du FSM un moment fort dans l’accueil des réfugiés et dans la lutte contre la guerre.

Faire une place réelle aux organisations de la société civile

La notion de mobilisation doit notamment revenir au centre des préoccupations dans la préparation du FSM 2016. Le séminaire du mois d’octobre s’est égaré sur la verticalité du concept de mobilisation. La réalité des mouvements et des organisations qui doivent être gagnées pour cet événement exige de reconnaître pleinement leur contribution.

De plus, les organisations doivent pouvoir se concerter indépendamment des assemblées générales et constituer une instance aussi centrale que les assemblées générales larges et participatives. Le comité organisateur doit reconnaître la légitimité et l’autonomie des organisations sur ce plan au bénéfice de chercher à rejoindre leurs préoccupations dans la préparation de l’événement.
Tout ça ne règlera ni les objectifs de participation, ni les ressources mobilisées pour tenir le FSM, ce sont toutefois des essentiels en vue d’arriver à réunir les conditions du succès politique de l’événement.

Alternatives en marche vers le FSM 2016 à Montréal

Le conseil d’administration d’Alternatives a donné mandat à la direction générale de préparer des activités suivant trois priorités :
le développement et le renforcement de la lutte pour la justice climatique, dans la perspective d’une lutte plus large sur les causes systémiques des changements climatiques et donc pour combattre les politiques néolibérales ;
· le soutien à la résistance aux politiques d’austérité ;
· le soutien à la lutte au racisme et à l’islamophobie, notamment au lendemain des attentats à Beyrouth et Paris, et en considération de l’importance politique d’accueillir au moins les 25 000 réfugiés, tel que promis par Justin Trudeau.
Nous souhaitons contribuer au développement du FSM en organisant, avec nos partenaires nationaux et internationaux, des espaces rassembleurs dans le cadre des activités autogérées. Aussi, l’organisation se propose de participer aux instances délibérantes du FSM sur la base de la présente approche.

Pour une concertation unifiée des mouvements sociaux mondiaux et locaux
Le succès du FSM 2016 de Montréal dépendra de sa capacité à attirer les organisations sociales du Québec, du Canada, des Premières nations et les principaux mouvements sociaux mondiaux. L’objectif organisationnel ne doit pas tenir à un nombre de personnes participantes, mais plutôt se définir comme la mise en place d’un cadre de concertation intersectorielle des mouvements sociaux. L’importance de mobiliser les organisations et les réseaux sur la base d’une reconnaissance de leur contribution constitue aussi un des principes en vue d’actualiser le rôle du CI et du FSM.

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