Édition du 16 avril 2024

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Europe

Grèce - Une vieille dette nazie qui fait tache

Une dette contractée de force par l’Allemagne nazie auprès de la banque nationale grecque et jamais honorée avive la rancœur des Grecs vis-à-vis de l’Allemagne.

À l’heure où la faim est redevenue une préoccupation importante pour certains Grecs, le nouveau plan d’austérité qui leur est imposé provoque la haine. Athènes s’embrase. Haine envers le gouvernement, qui semble prêt à tout accepter pour préserver sa crédibilité face à l’Europe "des puissants" et des "technocrates". Haine vis-à-vis de l’étranger, et en particulier de l’attitude du couple franco-allemand. Une attitude qui, aux yeux des Grecs, ressemble de plus en plus à du mépris. Et dans ce pays de "club med", comme on le murmure sournoisement à Berlin, certains voient dans cette situation une occasion de ressortir les vieux dossiers.

Et, d’un plan d’austérité à l’autre, le discours de certains militants, qui refont aujourd’hui les comptes, trouve un écho de plus en plus important dans la société grecque. Manolis Glezos fait partie de ceux-là. Ce héros national, 89 ans, figure mythique de la résistance grecque à l’occupation allemande – c’est lui qui, âgé de 19 ans, avait décroché le drapeau nazi de l’acropole – fût l’un des premiers à soulever un sujet potentiellement explosif : celui d’une dette. Une dette vieille de 71 ans, de l’époque ou l’Allemagne nazie occupait la Grèce et s’était servie dans la caisse sans penser un jour devoir rembourser.

Une dette jamais honorée

La Grèce fût incontestablement l’un des pays les plus touchés par la Seconde Guerre Mondiale. En avril 1941, le pays qui résiste à l’envahisseur italien, est mis à genoux par la Wehrmacht. Commence alors une occupation particulièrement violente. A cause des privations que l’armée allemande impose, on estime aujourd’hui à 300.000 le nombre de personnes mortes uniquement de la faim. Hitler oblige le pays à participer à "l’effort de guerre" allemand, et emprunte de force à la banque centrale grecque la somme de 476 millions de reichsmarks.

Le traité de Londres, signé en 1953, établit à 41 milliards de dollars le montant des réparations que l’Allemagne fédérale doit verser à la Grèce pour les dommages matériels et les pertes humaines. Mais le remboursement de "l’emprunt" de 1941 n’a lui jamais été effectué.

81 milliards d’euros

Les 476 millions de reichsmarks empruntés à la Banque de Grèce correspondent environ à 10 milliards d’euros. Avec un taux d’intérêt de 3% sur 71 ans, le montant de la dette allemande pourrait aujourd’hui s’élever à un peu plus de 81 milliards d’euros, soit un sixième de la dette publique grecque. Pas suffisant donc pour sortir le pays de toutes ses difficultés. Mais cela pourrait contribuer à améliorer sérieusement les finances du pays, à rassurer les marchés financiers et surtout, la rue.

Rien n’indique que l’Allemagne décide de rembourser sa dette. Mais cette nouvelle polémique, portée par les manifestants, risque de détériorer les relations entre Berlin et Athènes.

Article tiré du Nouvel Observateur du 14 février 2012

Pascal Piedbois-Lévy

Nouvel Observateur

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