Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Harcèlement : le silence profite à l’agresseur

Interview de Catherine Le Magueresse par Francine Sporenda

Catherine Le Magueresse est docteure en droit, chercheuse associée à l’Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne et a été présidente de l’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail) de 1998 à 2008. Elle élabore au fil de ses publications une critique féministe du droit pénal et a notamment publié « Les pièges du consentement, pour une redéfinition pénale du consentement sexuel » (éditions iXe, 2021) et « Harcèlement, ça commence quand ? » (Alt).

tiré de Entre les lignes et les mots

FS : Etre réputée « fille facile » qui « ne se respecte pas » a des conséquences pour celles à qui on colle cette étiquette au lycée. Pouvez-vous en parler ?

CL : Déjà cette étiquette – et ça me parait important – elle est collée par les garçons et par les filles, c’est un collectif qui va considérer qu’une jeune femme ne se comporte pas bien, selon des normes qui sont propres à ce collectif-là. En gros, ce ne sont pas des normes juridiques, cette fille exerce juste sa liberté sexuelle, voire elle ne l’exerce pas mais elle a seulement un comportement ou un habillement qui ne correspondent pas à la norme collective et va se voir affubler de cette étiquette. Ca veut dire que c’est très variable, ça dépend même de l’établissement scolaire, et les conséquences sont que ça peut se transformer en une sorte de harcèlement scolaire dans le cadre du collège ou du lycée, qui peut même s’étendre à toutes les sphères de la vie, y compris dans la vie privée, car ça ne s’arrête pas à l’établissement scolaire, ça continue sous forme de cyberharcèlement sur tous les réseaux sociaux que les jeunes utilisent. Si bien que, pour la jeune fille, ça devient tout simplement invivable : on est attaquée parce qu’on n’est pas dans la norme, on est jugée pour tout ce qu’on peut dire ou faire, alors que quand on est jeune, on est encore en construction, et c’est très difficile d’être exclu du collectif sur des fondements qu’on ne maîtrise pas. Et c’est très injuste évidemment.

FS : Le harcèlement sexuel au travail, bien qu’il soit théoriquement puni par une loi, n’est toujours pas considéré comme un délit par de nombreuses personnes et minimisé comme « blagues de potaches », « gauloiseries » etc. et ceux qui s’y livrent simplement qualifiés de « mecs lourds ». Vos commentaires sur cette minimisation sociale du harcèlement sexuel et cette tolérance pour ceux qui s’y livrent ?

CL : Il n’est pas théoriquement puni, il est puni. C’est ça qui est intéressant…

FS : Par théoriquement, je voulais dire que c’est puni sur le papier, dans la loi, mais que les conséquences concrètes de ces dispositions légales ne sont pas énormes…

CL : C’est important de rappeler que, depuis 1992, depuis environ 30 ans, le harcèlement sexuel est répréhensible et réprimé. Et pour la condamnation sociale, il y quand même du changement : oui, il y a toujours des personnes qui considèrent que ce n’est pas si grave par méconnaissance de la loi. Comment on fait pour que cette loi soit prise au sérieux ? Il faut que les entreprises affichent beaucoup plus clairement et fréquemment leur détermination à lutter contre le harcèlement sexuel, et pour ça, il faut que les instances de pouvoir, par exemple les syndicats, disent : « on n’a pas mené de campagne de prévention, on va le faire, on va lancer des alertes ». Il y a un manque d’actions proactives je dirais, pour bien faire passer le message auprès de tous les salariés et des femmes que ce comportement-là ne sera pas accepté au sein de notre entreprise ou de notre administration. Et ensuite, quand il y a des dévoilements de violence au sein d’un collectif de travail, il faut que ça soit suivi d’enquête et de sanctions. A partir du moment où le coût d’exercer un harcèlement est identifié comme assez élevé, qu’on sait qu’il va y avoir des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement, je pense que ce type de considération « c’est pas grave, c’est juste des blagues… » cesseront. C’est une lutte à mener bien sûr, dans ce sens qu’on connait les réactions que cela suscite : « on va vers une société à l’américaine, on peut plus rien faire, on peut plus rien dire, etc. ».

Faudra bien – parce que c’est la loi. Effectivement, vous ne pouvez pas faire ce que vous appelez des blagues, parce qu’en droit, ça ne s’appelle plus des blagues, c’est du harcèlement. Il y a une affiche suisse qui dit « pour vous, ce sont juste des paroles, pour la loi, c’est juste un délit ». Je trouve ça assez fort. Parce ce qu’à chaque fois, il faut remettre le repère, et le repère, c’est la loi.

Que dit la loi ? En droit, c’est un délit et ça peut être éventuellement un outrage sexiste, donc une contravention ou un délit. Il faut revenir au droit tout le temps, et je le vois dans les animations que je fais dans les amphis, dans les débats qui ont lieu, quand on me dit « mais ça madame, c’est pas grave », je dis « prenons le repère de la loi, que dit la loi ? » Et je remets le texte et je dis, « voyez, vous, vous pensez que c’est une blague mais en droit, c’est interdit ». En gros, ce que vous pensez, peu importe, là on est dans l’ordre de l’opinion, et l’opinion ne fait pas le droit, l’opinion, c’est du registre des affaires privées. Dans le collectif, on est en droit, c’est ce que la société a décidé à travers le législateur et vous pouvez être poursuivi. Alors évidemment, ça ne leur plait pas, mais on a tout de même ce repère et ce rempart contre ceux qui pensent que ce n’est pas grave.

FS : Les pratiques sociales sont vraiment très longues à s’aligner sur le droit…

CL : Ce qui est intéressant, c’est que, quand on outille sur le droit, on outille les victimes, puisqu’elles-mêmes ne sont pas nécessairement au courant sur le droit. C’est pour ça qu’on a un travail très important d’éducation au droit pour que les victimes sachent qu’elles peuvent s’appuyer sur cet outil-là. Je ne dis pas que c’est simple : quand elles s’outillent, quand elles s’appuient sur cet outil-là, elles font face à des répercussions de diffamation, de dénonciation calomnieuse etc. – on le voit très bien avec les procédures en cours. Et par ailleurs, on voit aussi qu’un certain nombre de magistrats ou magistrates ont du mal à appliquer ce droit-là correctement, et ça rejoint ce qu’on avait déjà évoqué dans un autre entretien : il faut aussi que, derrière, les cours de justice, quel que soit le niveau – première instance, cours d’appel ou cour de cassation – sanctionnent très précisément ces violations. Il y a aussi le défenseur des Droits qui rend des décisions très intéressantes où il va justement rappeler que ça, c’est du sexisme. On peut aussi s’appuyer sur la Cour européenne des Droits de l’homme…

FS : Oui, j’ai vu ça, il y a eu un arrêt récemment…

CL : Absolument, c’est très intéressant, et la France est condamnée. On a 8 affaires en cours devant la Cour européenne des Droits de l’homme, et il y en a plusieurs qui vont être jugées en 2024 [1]. On peut espérer que ça va être ce qu’on appelle un arrêt-pilote, c’est-à-dire qu’il y a 8 affaires qui portent plus ou moins sur le viol ou sur des affaires qui relèvent de la culture du viol que les magistrats français n’ont pas retenues et on espère que la Cour européenne des Droits de l’homme va rassembler ces affaires, prendre tous leurs points communs et dire à la France : « vous n’appliquez pas le droit lié à la Convention des Droits de l’homme et à la Convention d’Istanbul (puisque le DH s’appuie sur la Convention d’Istanbul). Et va produire une belle condamnation de la France. Pour le moment, on est dans les allers-retours entre le gouvernement français et les plaignantes mais ces recours convergents à la Cour européenne des Droits de l’homme sont très intéressants.

FS : On aurait un peu un effet jurisprudence, avec un tel arrêt ?

CL : Absolument. Si l’on arrive à avoir cet arrêt-pilote, il y aura forcément des condamnations. Dans ces affaires, il y a l’affaire du Quai d’Orsay, il y a l’affaire de Julie, et il y en a d’autres qui n’ont pas été médiatisées, il y a deux affaires qui sont suivies par l’AVFT, qui sont graves, qui sont importantes. Je ne peux pas imaginer que la France ne soit pas condamnée sur au moins la moitié de ces affaires. Et si la France et condamnée, le ministère pourra faire quelque chose derrière.

Pour revenir plus précisément à votre question sur ces représentations sociales qui ne bougent pas, on a eu récemment le rapport du HCE sur le sexisme en France qui note une régression, et c’est normal qu’il y ait une régression quand on ne se donne pas les moyens – et quand je dis on, c’est l’Etat – de lutter contre ça. Et si on ne se donne pas les moyens de lutter, alors qu’on sait que le mouvement masculiniste s’est organisé, que les jeunes ont de plus en plus accès à la pornographie, de plus en plus jeune, ce qui a un effet absolument dramatique sur les représentations sociales, sur les relations filles-garçons – on le voit avec l’affaire French bukake, avec l’affaire Jackie et Michel et avec les deux rapports qu’il y a eu sur la pornographie. On sait que ça a un impact dramatique, délétère sur les représentations sociales, et on continue de faire comme s’il n’y avait pas une urgence, comme si le bateau n’était pas en train de couler. Et là, il y a une responsabilité de l’Etat français qui ne fait rien et qui je l’espère va être pointée aussi au niveau national, par le GREVIO ou le comité CEDEF par exemple.

FS : Les situations de harcèlement sexuel prolongées, outre le stress chronique qu’elles produisent, et les maladies psychosomatiques qu’elles entraînent, sont aussi préjudiciables à l’emploi et à la carrière des femmes harcelées : soit elles démissionnent, soit elles sont mutées ou placardisées si elles dénoncent. Vos commentaires ?

CL : D’abord il faut souligner que les conséquences sur la santé existent indépendamment des réactions de l’entreprise. Ces conséquences sont les mêmes que celles des autres violences masculines sur les femmes, des violences sexuelles en particulier. Il y a aussi les conséquences sociales qui sont aussi similaires à celles des violences sexuelles, et il y a les conséquences plus spécifiques dans le domaine du travail. Pour l’instant – c’est quand même un peu en train de changer, ça s’améliore – parce que là, les entreprises ont été sanctionnées. Et elles savent que si elles mettent au placard, licencient ou contraignent à la démission avec des procédures de rupture conventionnelle, elles vont être condamnées par le Conseil des prud’hommes, par la Cour d’appel, et puis ensuite par la chambre sociale de la Cour de cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation rend des décisions meilleures que la chambre criminelle de la Cour de cassation, c’est le volet droit du travail versus le volet droit pénal.

Le droit du travail, c’est celui qui condamne l’entreprise qui n’a pas fait ce qui fallait. Il y a encore des entreprises qui continuent à faire porter le coût du dévoilement des violences par la victime, et non pas sur l’auteur des violences, c’est-à-dire que ce n’est pas l’auteur qui va être licencié parce que, comme c’est souvent l’agresseur qui est en position de supériorité hiérarchique, ça coûte plus cher de licencier l’agresseur, le harceleur, que la salariée qui est dans une position hiérarchiquement inférieure. C’est une question de coût économique : on va regarder ce qui coûte le plus cher, et évidemment c’est celui qui a le plus d’ancienneté et un poste plus élevé parce que les indemnités coûtent plus cher. Donc l’entreprise va faire un calcul très cynique de coût du licenciement mais derrière, l’entreprise peut être condamnée en raison du choix qu’elle a fait. Le problème c’est que Monsieur Macron a limité le montant des indemnités, normalement pas pour le harcèlement ou la discrimination liée au harcèlement mais on est quand même dans une culture de « c’est une affaire d’honneur, la salariée ne peut pas demander de l’argent pour ça ». On a ces limites sur la reconnaissance des conséquences qu’elle a subies. Or ces conséquences sont très élevées, et quand on met bout à bout tout ce que le harcèlement sexuel lui coûte – pour ne rester qu’au niveau du harcèlement, parce que souvent il y a agression sexuelle – si l’on considère tout ce que ça coûte–parce que souvent, après une agression, il y a le coût d’un suivi psychologique, et c’est très cher si l’on a recours à des professionnels qui sont formés sur ces questions-là : c’est au minimum 50 Euros la séance à raison d’une séance par semaine. Et pour des professionnels vraiment compétents formés spécifiquement – et à juste titre, ce n’est pas une critique –, le coût des séances est beaucoup plus élevé, et ce n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale sauf si c’est un psychiatre.

Ce qui serait normal – c’est une revendication à envisager – c’est que les séances psys soient prises en charge par la Sécu et soient remboursées par l’entreprise quand elle est déclarée responsable. Normalement, c’est la réparation intégrale du préjudice subi. Si c’est la Sécu qui prend en charge, derrière on sait que l’entreprise peut prendre en charge le coût Sécu. On le fait déjà pour les accidents du travail, donc ça devrait être pris en compte aussi en la matière. Le problème, c’est qu’on ne s’est pas encore donné les moyens de le faire parce que ça serait un coût énorme pour les entreprises, et que les intérêts des entreprises sont encore assez protégés par le gouvernement. Donc ces coûts, c’est comme pour la prévention ; si ils étaient véritablement portés par les personnes, par les institutions qui sont censées les porter – les entreprises et les administrations – celles-ci se diraient : « ça coûte si cher que ça de n’avoir rien fait, ou d’avoir soutenu l’agresseur, ou de ne pas avoir permis à la victime d’être prise en charge tout de suite », et elles mèneraient des politiques différentes, les salarié.es victimes seraient mieux pris.es en charge, et le coût serait moindre. A chaque fois, il faut se demander : « comment est-ce qu’on pourrait faire différemment, pour que le coût ne soit pas porté par la victime mais par l’agresseur et les institutions ? » Quand on pose la question comme ça, quand on change de regard, on se rend compte qu’on ne s’est pas du tout donné les moyens pour que le coût ne soit pas porté par les femmes.

FS : Le contrôle coercitif des femmes dans le couple (espionner les mouvements de la femme, son téléphone, la suivre, sélectionner et restreindre ses contacts, etc.) est encore souvent interprété comme une preuve d’amour. Vos commentaires ?

CL : Le contrôle coercitif est une notion nouvelle qui n’était pas utilisée jusqu’à ces trois dernières années, qui vient des Etats-Unis et d’Angleterre, et qui est très intéressante pour montrer la diversité des formes du contrôle des hommes violents sur leur compagne, mariées ou pas mariées, quelle que soit la forme de conjugalité. Dans le violentomètre, qui est un outil très intéressant pour intervenir auprès des jeunes (je crois que c’est un outil qui a été créé par le Planning familial, en rapport avec la brochure « Les relations amoureuses, parlons-en », vieille brochure que je continue d’utiliser dans mes interventions avec les jeunes), il y a une question : « il regarde dans ton téléphone pour voir qui t’appelle ». Et on invite les jeunes à discuter : « est-ce que c’est normal, etc. » Et c’est vrai qu’il y a beaucoup de jeunes qui disent : « mais c’est parce qu’il m/t’aime ! » C’est aussi une question d’éducation – normalement, il y a trois séances par an, du primaire à la terminale, d’éducation à la vie affective et sexuelle et à la prévention des violences, selon la loi de 2001, et il y avait eu un rapport du HCE qui montrait bien qu’il n’y avait qu’une minorité d’établissements scolaires qui respectaient la loi. Quand je demande à un amphi de 200 élèves post-bac : « parmi vous, qui a reçu trois heures par an de cette éducation ? », j’ai une main qui se lève… On ne le fait pas, or ce sont ces séances-là qui vont permettre de déconstruire, de distinguer ce qui relève d’une relation amoureuse équilibrée, égalitaire respectueuse de l’autre, de ce qui relève des violences. Tout notre environnement social est dans la confusion et dans le mélange de ce qui relève d’une relation amoureuse ou sexuelle équilibrée, égalitaire de ce qui relève d’une situation de contrôle inacceptable. On est dans la confusion permanente, on regarde la télé-réalité, c’est l’horreur, on y fait passer pour de l’amour des relations qui relèvent en fait de la violence, les jeunes femmes y arrivent parce qu’elles sont vénales, parce que c’est une situation de compétition où il n’y a que de la trahison, aucune sororité, aucune solidarité. Sur les réseaux sociaux, c’est du même acabit, les rapports y sont effrayants.

Je reviens à la pornographie, « c’est normal que les femmes subissent ça, c’est une vraie femme », tous ces stéréotypes sur la féminité. Il y a très peu d’endroits où les jeunes, les jeunes filles, dès le plus jeune âge sont alerté.es sur le fait que ça, ce n’est pas de l’amour, c’est du contrôle. Et donc forcément, ils les véhiculent, parce que ce n’est pas à la maison qu’on en parle, parce que à la maison, iels peuvent témoins de situations de contrôle qui sont banalisées, et là encore ça rejoint ce que je disais plus haut : si on ne se donne pas les moyens, si l’on ne donne pas les moyens aux professionnels de déconstruire tout ça, on a une société où c’est normal pour les filles et c’est normal pour les garçons. Les garçons se conduisent comme des coqs, des petits rois, et ils n’entendent jamais « non ». Et c’est non seulement interdit par la loi mais ça ne permet pas une société d’égalité pour les filles et les garçons.

Et ça a un coût aussi pour les garçons qui voudraient ne pas se comporter comme ça : ils vont faire aussi l’objet de harcèlement scolaire parce qu’ils ne collent pas aux stéréotypes de la virilité dominante. Ils vont être des canards, ils vont être qualifiés dans les cours de récré, ils vont être accusés d’être des homosexuels, pas des vrais mecs, etc. Et certains le disent : j’ai fait une intervention devant des référents harcèlement entre la 6ème et la terminale, j’avais tous les âges, entre 11 ans et 17 ans, et je leur demandais : « pourquoi vous avez choisi d’être référent ? » Et c’était très touchant, il y avait à peu près la même proportion de filles et de garçons, et la moitié avait été victime de harcèlement. Les plus petits garçons n’arrivaient pas à dire exactement pourquoi ils avaient été victimes mais les grands le disaient très clairement : « moi j’étais de ces jeunes hommes qui refusaient de se battre, refusaient d’être violents avec les filles, et du coup j’étais identifié comme n’étant pas un mec normal » : la normalité est identifiée à la masculinité violente. Il y a une urgence à déconstruire tout ça, c’est au-delà d’une urgence en fait, c’est irresponsable, c’est criminel, délinquant de la part de l’Etat de ne pas le faire. On se prépare une génération qui va être extrêmement dangereuse pour les femmes, car biberonnés à la pornographie, c’est-à-dire à l’apprentissage de la normalité d’une sexualité violente. Et donc les jeunes femmes sont en danger.

Par ailleurs, les jeunes femmes aussi regardent la pornographie. Le plus souvent contraintes, et elles ne vont rencontrer que des jeunes hommes qui vont leur faire des demandes pornographiques, auxquelles elles ne savent pas qu’elles peuvent dire non puisque « tout le monde le fait ». Une majorité de jeunes considèrent que c’est normal et ils le disent aux jeunes filles. Je le vois dans les demandes que me font les jeunes filles : « madame, est-ce que c’est normal qu’on me demande ça ? » dans les interventions que je fais en milieu scolaire. Et je leur dis : « quand quelque chose te gêne, tu n’es jamais obligée de dire oui ». Et elles me disent « oui mais il va partir ». Et je leur dis « mais peut-être qu’il ne te mérite pas, peut-être que c’est toi qui peux le quitter parce que ce qu’il te demande là est tellement peu respectueux de qui tu es, donc ça n’est pas mal que tu le quittes ». Là, on est déjà dans une situation extrêmement inquiétante, et évidemment que ce n’est pas une preuve d’amour.

C’est à l’Etat de donner les moyens et d’outiller tous les professeurs pour traiter ce sujet-là, quotidiennement et à travers toutes les matières et de reprendre tous les propos sexistes entendus dans les cours de récré, en classe, en permanence. Qu’il y ait une circulaire qui soit envoyée à tous les professionnels de l’Education nationale, disant d’observer tous les comportements et d’alerter, avec des formations obligatoires pour tous les professionnels de l’Education nationale, avec des modules en ligne. Je suis en général peu favorable aux modules en ligne, je pense que ça devrait être une formation obligatoire en début d’année mais c’est bien d’être aussi être outillée avec des modules en ligne pour que, si jamais je suis confrontée à ces situations-là, je puisse me former en ligne. Sur le harcèlement, l’Education nationale a fait plutôt pas mal, avec le programme FAR, ils ont mis les moyens. Mais la loi date de 2022, c’est quand même dingue qu’on ait attendu jusque-là. Ca date d’un an et demi, alors que le harcèlement scolaire, on le connait depuis quinze ans au moins. Il faut que toute l’Education nationale se mette en ordre de bataille pour lutter contre ces réalités-là.

FS : Le caractère destructeur des violences conjugales physiques commence à être reconnu, mais l’impact destructeur des violences psychologiques est souvent ignoré ou minimisé. Quelles sont les différentes formes de ces violences psychologiques, et quel est leur impact sur les victimes ? Vous venez de parler du contrôle coercitif, mais est-ce qu’il y en a d’autres ?

CL : Le contrôle coercitif, ça regroupe toutes les formes de violence, pour moi c’est une infraction-chapeau des violences psychologiques dans toute leur diversité. Et pas seulement psychologiques…

FS : Les violences financières par exemple, est-ce que ça fait partie du contrôle coercitif ?

CL : Oui absolument. Pour moi l’éventail des violences psychologiques, il est infini parce que ça dépend de l’agresseur. Il y a celles qui sont bien identifiées dans la stratégie des agresseurs : il isole sa victime, il la nie, il la dénigre, etc., ça c’est connu depuis longtemps. On sait qu’il peut y avoir malheureusement une forme de raffinement, par exemple l’usage de la pornographie dans les relations, c’est aussi une forme de violence psychologique, c’est dénier l’intégrité de la personne. Je dis que l’éventail est infini parce qu’il peut y avoir des demandes ou des comportements qui dérivent de l’infini de l’imagination de l’agresseur. Et pour ce qui est de l’impact sur la victime, il s’agit d’une opération de destruction massive, qu’il s’agisse de violences psychologiques ou physiques. Les violences physiques, ça détruit mais ça laisse des traces, donc sur le plan de la preuve, c’est davantage reconnu quand les gendarmeries traitent ces violences, c’est clair pour elles : « oui, là il y a vraiment quelque chose ».

Alors que les violences psychologiques, ça demande une méthodologie un peu différente pour les caractériser, même si on sait les caractériser sur la base du faisceau de preuves. Mais c’est une méthodologie différente, et ça prend du temps parce qu’il faut laisser la femme parler parce que parfois les femmes elles-mêmes ne les ont pas forcément identifiées comme relevant de violences psychologiques. Parce que ça fait tellement longtemps qu’elles le vivent, ça prend du temps car il faut aller dans le détail de la vie intime : c’est « concrètement, décrivez-moi votre quotidien ». Et il faut accompagner les femmes dans le repérage et l’identification de ces violences, être capable de leur signaler que tel comportement n’est pas normal, que ça relève aussi d’une forme de violence.

Et derrière, il faut un accompagnement psychologique parce que, au fur et à mesure, les femmes vont découvrir que ça se passe partout, tout le temps… Certaines en sont parfaitement conscientes, mais parfois c’est une prise de conscience. Et parfois ça prend du temps d’accompagner cette prise de conscience. Et c’est pour ça que c’est important que la femme ne soit pas seule, qu’il y ait un suivi, un cercle de soutien et de solidarité autour d’elle. Où chacun a un rôle à jouer—la police et la gendarmerie ont un rôle à jouer. Les associations – c’est super-important qu’elles soient accompagnées par des associations solidaires, par des bons psys, par un bon médecin traitant, par un entourage familial et amical soutenant, et c’est quand la victime a tout ça qu’elle va pouvoir se reconstruire plus rapidement. Parce là, c’est la société qui dit : « tu as bien fait de dénoncer » et qui va rompre la solitude organisée par l’agresseur. Et ce cercle de soutien, malheureusement, on a encore du mal à le mettre en place. Parce que la victime a été tellement bien isolée qu’elle n’a plus de cercle de soutien, en général la famille lui a tourné le dos – là je parle plus particulièrement des violences conjugales.

En général, elle n’a plus de boulot parce que son mari lui as dit « ma chérie, occupe-toi des enfants, je serais ravi de m’occuper de toi blablabla ». Et donc elle a perdu un cercle de soutien précieux, celui des collègues de travail. Tout ça est à reconstruire, et c’est tellement difficile de demander de l’aide quand on pense qu’on ne vaut rien – c’est ce que lui a mis en tête son mari. Et c’est humiliant aussi. Le discours de l’agresseur étant très bien intégré, l’impact de ces paroles est destructeur pour les victimes. Cet impact est omniprésent, il touche tous les aspects de la vie de la femme, et il est difficile à déconstruire. Ca peut se faire mais ça demande une bonne méthodologie et une bonne organisation sociale. Ca demande aussi — et j’y reviens dans toutes mes formations — que nous réalisions que, en tant que citoyens et citoyennes, on a le pouvoir d’être à l’écoute et de soutenir les personnes qui sont victimes. A la fin de ces formations, je demande souvent : « de quel côté vous êtes ? Est-ce que vous êtes du côté des agresseurs et du côté des institutions qui n’entendent pas ? Ou est-ce que vous allez être du côté de la solidarité avec la victime ? » Maintenant, vous avez les outils, maintenant vous avez les lunettes qui permettent de repérer les personnes qui sont victimes, pour pouvoir être en soutien, en solidarité avec ces personnes-là.

FS : L’impact du cyberharcèlement est aussi souvent minimisé. Quelle est la définition légale du harcèlement, quelles sont ses principales formes, comment réagissent les victimes et quel est son impact sur elles ? Et aussi qui sont les personnes qui cyberharcèlent – qui sont majoritairement des hommes–et quelles sont leurs motivations ?

CL : Le harcèlement, c’est partout, c’est sur les réseaux sociaux…

FS : Mais spécifiquement, le cyberharcèlement…

CL : Sur les réseaux sociaux, c’est une forme essentielle de cyberharcèlement. Ce qui est intéressant, c’est que le droit s’est adapté pour le prendre en compte, par exemple pour le harcèlement de meute qui a fait l’objet d’un changement de la législation (je crois en 2018). Comme la définition légale du harcèlement implique la répétition, dans le cas du harcèlement en ligne, il y avait des harceleurs qui disaient : « ah mais pour qu’il y ait harcèlement, il faut qu’il y ait répétition, mais moi je ne l’ai fait qu’une seule fois, j’ai mis un seul message sur un site donc je ne peux pas être poursuivi ». Le législateur a pris en compte cette forme de délinquance, donc maintenant peu importe, il y a deux éléments qui ont été rajoutés, et si cette personne a déjà été fait l’objet de harcèlement, ça suffira a constituer le délit de harcèlement. Donc à partir du moment où il y a concertation, et même si on ne l’a fait qu’une seule fois mais que plusieurs l’ont fait, ça sera aussi du cyberharcèlement. Ca veut dire que, en fait, le harcèlement est constitué assez rapidement en droit. Simplement, il faut qu’il y ait une plainte et puis derrière une enquête—et ça on l’a vu avec des affaires en cours où il y a eu une condamnation, mais pour une condamnation, il y a des milliers d’autres affaires qui n’aboutissent pas parce que la police ne fait pas les recherches, ne remonte pas sur les sites.

Le cyberharcèlement, c’est tellement massif qu’il faudrait multiplier par 100 le nombre des policiers qui s’en occupent. Quant à l’impact sur les victimes… Dans mon livre, à la fin, je mets un lien vers des streameuses qui ont poursuivi [2]. On voit l’impact que ça a sur elles, et on voit à quel point c’est difficile de dénoncer. Ca peut prendre des formes extrêmement graves, ce sont des menaces de mort, des menaces de viol. Pour certaines victimes, même en s’étant coupées de tous les réseaux sociaux, en arrêtant complètement d’y intervenir, ça continue quand même ; pour l’une d’elle, c’est l’adresse de l’école de son fils qui a été outée en ligne. Là aussi, ce sont des méthodes terroristes, on livre des informations privées à la vindicte sur les réseaux sociaux, et on peut tomber sur des gens qui, avec ces informations, peuvent passer à l’acte, sur des déséquilibrés, c’est une irresponsabilité incroyable de laisser faire ça. Qu’est-ce qu’on attend ? Qu’un déséquilibré passe à l’acte ? On a vu des incels qui sont passés à l’acte, notamment au Canada et ça a conduit à des morts. Si l’on prend la mesure de la gravité de ces agissements, est-ce que l’Etat s’est donné les moyens pour agir face à ça ? L’impact sur les victimes est énorme. On sait qu’on n’est pas à l’abri d’un homme extrêmement dangereux. Et ce n’est pas forcément un déséquilibré, ça peut être un masculiniste très convaincu qui considère qu’il faut remettre les femmes à leur place…

FS : C’est dangereux en particulier dans la mesure où il y a outing, c’est à dire que toutes sortes de détails personnels sont divulgués en ligne : votre adresse, votre lieu de travail etc.

CL : Absolument. Quand cela se produit, j’estime que l’Etat devrait se donner les moyens de façon à ce qu’il y ait poursuite immédiate. Quand on pense à Marc Lépine, l’auteur du massacre de l’Ecole polytechnique à Montréal, on considère qu’il était fou. Non, il n’était pas fou du tout. Il était juste politiquement très dangereux, et malheureusement, ça s’est vérifié. On devrait prendre au sérieux ces menaces-là. C’est comme pour les féminicides et les violences conjugales, souvent les auteurs ont dit qu’ils allaient la tuer…

FS : Généralement, oui…

CL : Et ça se vérifie. Le nombre de féminicides où il y a eu des menaces de mort qui ont été proférées et où ça n’a pas été pris au sérieux, ou insuffisamment. Si ça avait été pris en compte, ces femmes seraient encore vivantes.

FS : Bien sûr.

CL : Donc là, ce sont des actions pour responsabiliser l’Etat qu’il faut mener, et évidemment, on ne va pas le demander aux femmes concernées, elles ont déjà leur sécurité à assurer mais ça pourrait être mené par des collectifs féministes, par des associations. Quand on voit des procédures qui durent 5 ans, 6 ans, 7 ans, alors qu’on a toutes les preuves, ce n’est pas acceptable. Pendant tout ce temps-là, c’est la femme qui doit vivre avec cette procédure en permanence, dans un coin de sa tête, donc qui ne vit pas en fait, qui ne vit pas bien.

FS : La loi sur le harcèlement stipule qu’il faut qu’il y ait « répétition » pour que le fait de harcèlement soit établi. Qu’est-ce que ça implique concrètement pour la victime ?

CL : Sur la répétition, la circulaire d’application de la loi de 2012 dit bien qu’il suffit de deux fois, même espacées d’une seconde, donc le magistrat a été instruit par l’Etat avec cette circulaire, sur le fait qu’il faut la reconnaître très rapidement. Par exemple, un propos sexiste qui est répété deux fois dans la journée, ça suffit. En fait, cette exigence de répétition est constituée très rapidement, contrairement à ce que pourraient penser un certain nombre de harceleurs.

FS : Ok, c’est intéressant à savoir, je pensais que c’était plus difficile à constituer.

CL : Oui, c’est important. Par exemple, le gars qui va faire un premier commentaire, il va prendre un « non » de la part de la victime, et il va insister : « hein, tu veux bien, hein tu veux bien ». Ca y est, la répétition est constituée. Il a refait son commentaire une deuxième fois. Là où il y a un vrai problème, c’est que c’est toujours le discours des agresseurs et de leurs avocats qui prédomine. Et ils disent évidemment « mais non, là, ce n’est pas répété ». En fait, quand on regarde du côté des victimes et de leurs avocats, c’est évident que c’est répété mais ce n’est pas ça qui est entendu. Il y a toute une culture à avoir, il faut qu’on se passe des trucs entre nous. Parce qu’on a obtenu quand même des bonnes décisions mais ce n’est pas ça qui est connu, c’est le discours de l’agresseur qui continue d’être véhiculé. Il faudrait peut-être faire des vignettes pour que les victimes sachent et pour outiller les avocat.es des victimes.

FS : Que répondez-vous à celleux qui disent aux personnes harcelées : « moi à ta place, j’aurais fait… » et quel comportement les victimes de harcèlement devraient-elles adopter pour s’en sortir le mieux possible ?

CL : Le « moi à ta place… », c’est souvent véhiculé par des femmes. Les hommes ne se mettent pas à la place, et ils se doutent bien que c’est plus compliqué que ça. Souvent, ils sont dans l’expectative, ils restent cois. Pourquoi est-ce que les femmes disent ça ? Je pense que c’est un mécanisme de protection, elles se rassurent en disant que si ça leur arrivait, en fait ça ne leur arriverait pas parce qu’elles sauraient réagir. Comment on éduque les femmes à la solidarité plutôt qu’à la désolidarisation des femmes victimes ? On sait – il y a eu des études scientifiques sur ce sujet – que dans l’immense majorité des cas, les personnes victimes de violences sexuelles sont plongées dans un état de sidération qui les rend incapables de réagir. Donc comment on rend ces études accessibles au grand public ? C’est intéressant de voir l’évolution des campagnes publiques. Il y a eu une campagne publique sur les violences conjugales qui disait : « réagissez, parlez, brisez le silence ! » C’est facile à faire, les injonctions mais elles sont très difficilement audibles pour les victimes.

Et si on faisait une campagne : « vous avez été victime, vous n’avez pas pu réagir, c’est normal ». Tout d’un coup, on casserait ce stéréotype de « c’est à la victime de réagir ». Sauf que, si on cassait ce stéréotype, on casserait aussi toutes les questions des policiers, des gendarmes et des magistrats : « mais pourquoi vous n’avez pas crié ? » On a encore ces questions-là dans les procédures. La question de la réaction, il faudrait la poser très différemment : « comment est-ce que vous avez pu réagir à ce moment-là ? » « Je n’ai pas pu madame, je n’ai pas pu crier, j’étais tétanisée ». Et à ce moment-là, on peut dire : « mais madame, c’est normal ». Et on peut déconstruire ce stéréotype des victimes qui n’ont pas réagi. Par ailleurs, quand on entend ça et qu’on pose la question : « comment est-ce que vous avez pu réagir ? », il y en a beaucoup qui n’ont pas pu réagir mais il y a aussi toutes les stratégies d’évitement qui vont être valorisées : « j’ai changé mes horaires de travail, etc. » En fait, elles font plein de choses. Dans mon livre, je commence par dire que les femmes disent non et qu’en fait, elles réagissent. Simplement, l’agresseur, il n’en a strictement rien à faire. Face au « moi à ta place… », je dirais qu’on n’est jamais à la place des victimes, on ne sait jamais comment on va réagir. Quel comportement la victime devrait adopter pour s’en sortir le mieux possible ? Ce qu’elles font, c’est déjà énorme et elles le font très bien.

FS : Ne pas rester seules, chercher de l’aide autant que possible ? C’est aussi une injonction, j’en suis consciente…

CL : Etre convaincue que le silence profite à l’agresseur, et ensuite s’adresser aux associations, tout de suite, ne pas attendre. Et faire confiance à leur intuition. C’est particulièrement vrai dans le milieu du travail, où il y a une dégradation, où ça devient de plus en plus violent. Et les femmes ne font pas confiance à leur intuition. Parce que d’emblée, elles ne sont pas à l’aise, parce qu’il y a toute une injonction sociale qui va leur dire « mais ce n’est pas si grave, c’est une blague, allez, c’est juste quelqu’un de fruste etc. » Et c’est quand ça s’aggrave qu’elles vont se dire, « là, ça ne va pas ». Alors que si on fait confiance à ses intuitions et si d’emblée on dit que ce n’est pas normal et que d’emblée on ne reste pas seule face à ça : tout de suite il faut en parler en interne à des collègues de travail, en parler aux syndicats et aux représentants du personnel, en parler au médecin du travail, en parler en externe à l’Inspection du travail, en parler aux associations. Déjà, on va dé-serrer l’étau que l’agresseur commence à installer. On va prendre de la force pour aller voir l’agresseur et lui dire : « tu m’as dit ça, je ne suis pas d’accord avec ça, et je te préviens, je te demande de ne pas en reparler, et je te dis tout de suite que j’en ai parlé à l’extérieur donc sache je suis maintenant sous le radar ». Et là l’agresseur, je mets ma main au feu qu’il va s’arrêter de harceler. Ca peut prendre une autre forme – harcèlement moral, mise au placard etc. – s’il a le pouvoir mais à ce moment-là, on pourra faire le lien, il y aura un lien de causalité, on pourra voir que jusqu’à présent tout allait très bien, et comme par hasard, quelques jours après le jour où on a dénoncé les faits, ça va se transformer en harcèlement, ou la femme n’aura pas sa formation, ou elle aura un changement de ses horaires de travail etc. Et ça ne pourra pas passer.

Le conseil, c’est de ne pas rester seule, faire confiance à ses intuitions. Et d’emblée, tout de suite, dire au harceleur ou à l’agresseur : « attention, je t’ai à l’œil » et puis après en parler à son entourage le plus possible. Et tenir un cahier, un récit écrit de ce qui se passe. Tout de suite. Et éventuellement déposer plainte tout de suite.

FS : Parce qu’il y a évidemment la question de la prescription qui est un gros problème.

CL : Oui, c’est un gros problème. Je milite pour l’imprescribilité des infractions contre les personnes, contre les biens je m’en fiche un peu mais pour les personnes majeures ou mineures, pour moi, la prescription, c’est un non-sens. Il faut continuer la lutte pour abolir cette prescription. Le fait qu’elle ait été rallongée à 6 ans pour les délits, ça permet quand même de couvrir davantage de plaintes, on a quand même doublé la prescription mais avant, 3 ans, c’était lamentable : on le voyait dans les affaires sur le lieu de travail : tant qu’elle était au travail, elle ne pouvait pas dénoncer de peur de perdre son travail – il y a peu de personnes qui peuvent se permettre de perdre leur travail. Après, elles dénonçaient quand elles avaient quitté leur travail et en avaient retrouvé un autre, mais le temps qu’elles se reconstruisent dans un autre travail, c’était 2 ans ou 3 ans, ça passait très rapidement, et il y avait prescription. Au bout de 6 ans, c’est tout de même un peu mieux, mais quand bien même ça va un peu mieux, c’est une question de principe, et c’est inacceptable.

[1] https://www.mediapart.fr/journal/international/030324/traitement-judiciaire-du-viol-huit-femmes-veulent-voir-la-france-condamnee-par-la-cedh#:~:text=En%202022%20et%202023%2C%20la,est%20d’une%20ampleur%20in%C3%A9dite.
[2] https://www.radiofrance.fr/franceinter/cyber-harcelement-des-streameuses-comment-les-joueuses-contre-attaquent-2391568

https://revolutionfeministe.wordpress.com/2024/03/31/harcelement-le-silence-profite-a-lagresseur/

De l’autrice
VIOL ET JUSTICE : des victimes présumées consentantes. Interview de Catherine Le Magueresse par Francine Sporenda
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/02/05/viol-et-justice-des-victimes-presumees-consentantes/
Note de lecture : Les pièges du consentement : Briser l’infamant carcan de la présomption de consentement qui pèse sur les victimes
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2021/11/24/briser-linfamant-carcan-de-la-presomption-de-consentement-qui-pese-sur-les-victimes/

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Francine Sporenda

Américaine qui anime le site Révolution féministe.

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