Édition du 26 mars 2024

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Santé

L’âne, le boeuf, le petit Jésus…et les vieux

C’est Noël, c’est le temps d’écouter le disque de Noël de l’Accueil Bonneau, de se mettre dans l’atmosphère des fêtes. Mais malheureusement l’actualité nous rattrape ; rumeurs d’élections, commission Charbonneau et coupures de lits dans les CHSLD alors qu’on avance l’idée d’une caisse autonomie.

Que veulent les vieux (les vieux parce que les vieilles n’ont pas encore droit à dire) ? Bien sûr rester à la maison, ne pas être une charge pour l’État, ne pas se lamenter et voter aux quatre ans pour les vieux partis. Mais est-ce ce que les personnes âgées veulent réellement ou est-ce que c’est ce que veut offrir l’État aux ainé-e-s ?

Oui il y a vieillissement de la population.

« Le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus était estimé au 1er juillet (2011) à 4 973 400 ou 14,4 % de la population canadienne. Il s’agit d’une hausse de 0,3 point de pourcentage par rapport à la même date l’année dernière.

L’étude révèle également que cette tendance va se poursuivre puisque les premières générations des baby-boomers arrivent à l’âge de 65 ans. La proportion des personnes âgées s’accroîtra donc plus rapidement au cours des prochaines années.

Le Québec a une population plus âgée que celle de l’ensemble du pays. Selon l’agence fédérale, l’âge médian de la population du Québec au 1er juillet était estimé à 41,4 ans. La proportion de personnes âgées de 65 ans et plus se situait à 15,7 %. Pour la première fois, la population âgée de 65 ans et plus (1 253 600) dépassait celle des moins de 15 ans (1 241 700) dans la province » [1]

« De fait, selon les perspectives de l’Institut de la statistique du Québec, les personnes âgées de 65 ans et plus au Québec devraient voir leur poids démographique doubler, passant de 14 % en 2006 à 28 % en 2056. De plus, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus devrait passer de 1 253 550 en 2011 à 2 262 639 en 2031, soit une augmentation de 80 %, alors que la population totale ne s’accroîtra que de 10 %. Pendant cette même période, le nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans et de 85 ans et plus, augmentera encore plus rapidement et sera multiplié par deux. Pour sa part, le nombre de personnes de 20 à 64 ans devrait fluctuer faiblement pour retrouver, en 2056, l’effectif de 2006, soit 4,8 millions. Ce groupe d’âge compterait alors pour 52,5 % de la population – comparativement aux 63,4 % qu’il représentait en 2006. » [2]

Mais est-ce réellement un problème de vieillir ? Certains pensent que oui :

« Les préoccupations qui émergent de ce nouveau contexte sociodémographique sont multiples qu’il s’agisse, à titre d’exemple, de l’augmentation des maladies chroniques et des incapacités, de la nécessité d’assurer une certaine équité intergénérationnelle, de l’impact sur le financement des régimes de retraite et des services de santé et de services sociaux, de l’apport des transformations techniques et technologiques, de l’impact sur la famille et les réseaux sociaux, des formes de maintien de la productivité ou des défis de la participation sociale de tous, etc. On peut aussi aborder la question sous l’angle des collaborations et des formes de solidarités intergénérationnelles à instaurer ou à encourager pour diminuer les impacts non voulus sur les personnes et leur milieu, ou pour mieux soutenir les familles ou les proches dans l’exercice de leurs rôles auprès de leurs parents âgés. De plus, certaines de ces préoccupations pourront bénéficier d’innovation et de transformations techniques, technologiques et médicales au bénéfice des populations vieillissantes. La nature de ces innovations reste encore à cerner et la mesure de leurs impacts devra nécessairement faire l’objet de recherches. » [3]

« Mais le rapport souligne aussi des lacunes dans la situation des aînés au Canada. On indique ainsi que le taux de pauvreté a été en baisse dans de nombreux pays de l’OCDE entre 2007 et 2010, il a gonflé d’environ deux points de pourcentage au Canada.

Le rapport note aussi que les prestations versées par le gouvernement représentent moins de 39 % du revenu brut des aînés canadiens, comparativement à 59 % en moyenne au sein de l’OCDE. Les Canadiens sont donc plus nombreux à dépendre des régimes de retraite au travail pour combler cet écart. » [4]

Ces préoccupations relèvent plus de visions bureaucratiques que si elles étaient basées sur les besoins des personnes âgées. Nous répondons oui c’est un problème de vieillir si la vieillesse se fait dans la pauvreté, l’isolement et la maladie ; le premier étant bien souvent la source des deux autres.
« Les aînés représentent 14,3 % de la population de la province, ou un Québécois sur sept. Le nombre de personnes âgées a plus que quadruplé au Québec depuis 50 ans.

Pour l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP), le vieillissement accéléré de la population québécoise rend d’autant plus inquiétant le triste record de pauvreté chez les personnes aînées que détient le Québec.

En effet, selon le portrait détaillé des personnes aînées dévoilé plus tôt cette année par Statistique Canada, la province de Québec présente, à égalité avec la Colombie-Britannique, la plus forte fréquence de personnes âgées à faible revenu au Canada. Ce taux est de 19,5 % avant impôt et de 10,3 % après impôt.De plus, le revenu médian après impôt des couples mariés âgés du Québec est le 8e sur 10 provinces au Canada, près de 5 000 $ sous la donnée canadienne et près de 10 000 $ sous les couples de l’Ontario, soit 31 700 $. Le revenu médian après impôt des femmes âgées seules du Québec est le 7e sur 10 provinces au Canada, à 16 500 $. Le revenu médian après impôt des hommes âgés seuls du Québec est enfin le 6e sur 10 provinces au Canada, à 19 400 $. » [5]

« L’influence de la pauvreté sur l’état de santé des personnes âgées, comme sur celui de tous les groupes d’âge, n’est plus à démontrer. L’insuffisance de ressources matérielles, l’accès limité à l’information et à la culture, l’exclusion sociale et l’exposition à des environnements néfastes, entre autres, sont autant de facteurs liés à la pauvreté qui créent d’importantes inégalités dont il faut réduire l’existence ou amenuiser les conséquences sur la santé. » [6]

Avec les politiques néolibérales des derniers gouvernements libéraux et péquiste, la situation des personnes âgées a été loin de s’améliorer. Les racines de ces politiques ne sont-elles pas que chacun chacune s’occupe de son affaire et organise à sa façon ses vieux jours ? Ce discours néolibéral ouvre aussi la porte à une remise en question du panier de services. Notre système de santé va s’écrouler sous le poids financier du vieillissement de la population.

« Contrairement à l’idée très répandue voulant que le système public de santé québécois s’effondrera sous le poids du vieillissement massif de la population, il semble que nous faisons et ferons plutôt face à un phénomène de modifications démographiques graduelles. Le Québec pourrait très bien être en mesure de s’adapter à ce changement par une redéfinition du schème organisationnel de son système de santé de façon à optimiser le continuum de soins aux patients. Bref, les diverses voies d’amélioration proposées nous rappellent que le système de santé est aussi viable que nous voulons qu’il le soit. Avant de conclure, il serait également important de mettre de côté le stéréotype relevant de l’âgisme qui dépeint toujours les personnes âgées comme dépendantes, pauvres et en perte d’autonomie. La réalité révèle plutôt des personnes autonomes, actives, financièrement indépendantes et en bonne santé. Au Québec, seulement 20% des personnes âgées nécessitent des services pour leurs incapacités. Une étude mondiale montrait d’ailleurs que l’apport des personnes âgées à notre société est très vaste : revenu, support familial, forte implication bénévole, apport culturel et autres activités sociales de toutes sortes. » [7]

Mais des mesures peuvent être mises en place pour maintenir les services à l’ensemble de la population et en particulier aux personnes âgées sans mettre en péril le système de santé. Il faut arrêter de tout mettre sur le dos du vieillissement et de culpabiliser les aîné-e-s. Il faut arrêter d’en faire une excuse facile pour couper dans les services. La population va vieillir mais graduellement et la fécondité, l’immigration et les bons résultats de l’économie doivent être pris en compte.

« Le vieillissement de la population apparaît inévitable, mais l’immigration peut le ralentir. L’âge médian de 2006 au Québec étant de 40,5 ans, le scénario de référence indique un vieillissement à 46,4 ans en 2056, et le scénario de migration nulle, un âge médian de 49,3 ans39. Bien que l’immigration ne soit pas une solution miracle, il faut reconnaître son apport qui, couplé à celui de la fécondité, vient atténuer le débalancement de la structure des âges et la décroissance de la population en âge de travailler. Conclure que le Québec n’a pas besoin d’immigration parce que celle-ci n’a qu’un impact marginal sur la pyramide des âges et même prétendre qu’elle serait potentiellement néfaste pour les finances publiques est donc un raccourci dangereux. » [8]

Mais "liberté 55" n’est pas à la portée de chacun et chacune. Sur l’aide sociale ou au salaire minimum, il faut plutôt penser à survivre au lendemain et pas à préparer la retraite.

Tout le débat sur les régimes de retraite remet de l’avant la nécessité de collectivement préparer cette période de vie. Il est clair que face aux petit nombre de travailleurs et travailleuses avec un bon fonds de pension, il faut établir un fonds de pension collectif en bonifiant le régime des rentes du Québec. Les deux régimes fédéral et provincial ne couvrent que 40 % des revenus alors que pour une retraite décente il faut avoir 70 % des revenus gagnés. Et monsieur Labeaume de décrier les employé-e-s municipaux pour leur fonds de retraite. Mais lui, parle-t-il de son fonds de retraite avantageux ? Au lieu de rabaisser les fonds de retraite décents, bonifions les plus bas. Il faut aussi rendre ce régime de retraite plus juste pour les femmes particulièrement celles qui ont travaillé à la maison.

« En 2008, les femmes représentent plus de la moitié (52,1 %) des travailleurs atypiques, les deux tiers (66,6 %) des employés à temps partiel, plus de la moitié des travailleurs temporaires (51,6 %) et un tiers des travailleurs autonomes (36,9 %). Elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel. Elles sont syndiquées dans une proportion de 38,8 % en 2011. Suivant les années, les femmes occupent entre 60 % et 70 % des emplois au salaire minimum alors qu’elles occupent 46 % des emplois en général. Plusieurs femmes gagnent des salaires à peine plus élevés que le salaire minimum. Encore aujourd’hui, les femmes ont 73,7 % des revenus totaux moyens des hommes.

Le taux d’emploi des femmes issues de minorités visibles et des femmes immigrantes est plus bas que le taux d’emploi de l’ensemble des femmes. Le taux de chômage de femmes immigrantes est de 11,3 % alors qu’il se situe à 6,2 % pour l’ensemble des femmes. En, 2005 elles gagnent 88 % des revenus des femmes non immigrées, une baisse par rapport à l’an 2021. À cause du racisme et du manque de reconnaissance des expériences et des diplômes obtenus à l’étranger, ces femmes sont doublement discriminées sur le marché du travail. De nombreuses femmes aînées et à la retraite vivent une grande pauvreté, notamment due au fait qu’elles n’ont pas été assez longtemps sur le marché du travail pour cotiser suffisamment à la Régie des rentes du Québec. Pour plusieurs femmes, leur rente ne leur permet pas de sortir de la pauvreté et de vivre dignement. » [9]

Et arrive le quatrième âge où souvent la maladie prend le dessus et rend l’autonomie plus difficile. Les besoins essentiels tournent souvent autour de la sécurité et de briser l’isolement. Les coupures dans les institutions publiques pour ouvrir davantage de places en résidences intermédiaires en privé ne garantissent nullement la satisfaction de ces besoins. Les soins à domicile sont essentiels à assurer et surtout à financer mais en fin de vie, q’est-ce ce qu’une personne âgée a besoin ?

Les personnes âgées vivent de la pauvreté mais ce qui se vivait caché dans les petites chambres et à l’hôpital devient phénomène public. Les femmes sont plus touchées parce qu’elles vivent plus vieilles que les hommes mais aussi parce qu’elles ont moins été sur le marché du travail ou travaillé à bas salaire et à temps partiel. Il faut en finir avec cette injustice flagrante. Il faut commencer par en parler et par écouter ce que les personnes âgées ont à dire.

Chloé Matte Gagné

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