Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

La Cour suprême bloque les règlements du président Obama sur le climat ; tout est perdu ?

Tout reposera sur les épaules du prochain président (ou de la prochaine présidente)
Zoë Carpenter, The Nation, 10 février 2016,

Traduction, Alexandra Cyr,

Ets-ce que la partie centrale du plan (de lutte contre les gaz à effet de serre GES) du Président Obama est évacuée ? Mardi, (9-02-16) la Cour suprême a ordonné la suspension de ce plan pour des centrales électriques propres [1]. C’est l’instrument décisif qui obligera celles qui fonctionnent au charbon à diminuer leurs émissions de GES. C’est un élément clé dans les engagements pris par les États-Unis lors de la conférence de Paris sur le climat. Il devait contribuer à faire diminuer les émissions globales du pays de 26% sous les valeurs de 2005, d’ici 2025. Maintenant son application est suspendue tant qu’il ne passera pas l’épreuve des tribunaux que les poursuivants, des États conservateurs et des groupes industriels, auront gagné. C’est une mauvaise nouvelle.

Même si les juges n’ont pas expliqué leur décision, que quatre sur cinq d’entre eux la prennent signifie qu’ils pensent que les poursuivants ont de chances de gagner. Cette suspension, qui va durer tout au long de la bataille judiciaire, va causer des dommages irréparables aux États et aux entreprises de service public qui résistent à passer du charbon à des sources d’énergie plus propres. Le plan qui vise à faire diminuer l’ensemble des GES de 32% d’ici 2030, en partant des niveaux de 2005, donne beaucoup de flexibilité aux États sur la manière d’y arriver et leur donne une plage de trois à sept ans pour développer leurs propres plans et les appliquer. Les poursuivants invoquent que tel qu’il se présente, le plan fédéral « outrepasse les droits souverains des États », et que même si les délais sont à long terme ils seraient obligés de commencer immédiatement à faire des changements à leurs infrastructures.

Il est à noter, que la Cour suprême en imposant ce moratoire, décide de se prononcer avant même que les tribunaux de première instance n’aient pu examiner la cause. Un porte parole officiel de la Maison Blanche a déclaré mardi : « Accorder une suspension dans ces circonstances est extraordinaire ». Il y a à peine quelques semaines, une cour fédérale d’appel a refusé de bloquer le plan. Cette décision a été interprétée comme une victoire pour l’administration Obama. Cette cour va entendre les plaidoyers au début de juin même s’il est probable que ce sera la Cour suprême qui décidera du sort du plan en dernier ressort. Tant que ce jugement de la Cour suprême ne sera pas prononcé les États n’ont aucune obligation de se conformer à ses règles.

On peut se consoler en constatant qu’il est trop tôt pour dire comment le moratoire va affecter Le Plan pour des centrales électriques propres. La Cour suprême pourrait le rejeter. Ce serait réaffirmer l’autorité de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) qui règlemente les émissions de GES sous la loi pour l’atmosphère propre [2]. Elle l’a fait dans plusieurs cas depuis que l’arrêt Massachussetts vs EPA en 2007, a créé un précédent. Le moratoire pourrait modifier le calendrier prévu des interventions ; les États devaient présenter leurs propres plans en septembre, il y a peu de risques que le litige soit résolu à ce moment là. Les coupes dans les émissions ne doivent prendre effet qu’en 2020 ; elles ne seront donc pas très affectées. Dans un communiqué, la Maison blanche a déclaré avoir confiance dans les aspects légaux et techniques de son plan et que l’EPA va travailler avec les États qui choisirons de développer leur plan dès maintenant et qu’elle préparera les outils dont ils auront besoin au cours de cette période.

L’industrie du charbon a reçu ce geste de la Cour avec joie. Mais elle considère, malgré tout qu’il s’agit d’une mesure symbolique. Le Plan pour des centrales électriques propres doit s’appliquer assez vite pour transformer le secteur de la production de l’électricité et répondre rapidement aux graves menaces que sont les changements climatiques. Il faut aussi encourager les autres pays à poursuivre leurs propres objectifs de réduction de GES.

Ces politiques ne sont pas le seul facteur qui joue contre la grande industrie du charbon. Ce sont des facteurs économiques complexes qui la menacent ; la régulation n’est qu’un élément parmi ceux –là. M. David Doniger du Natural Resources Defense Council, estime que : « le secteur de la production d’électricité est inéluctablement en voie de passer de sa production hautement polluante à base d’énergie sale à une production plus sure, plus propre et que cette tendance ne peut être renversée par le moratoire ».

Au-delà de la Cour suprême, c’est le prochain président ou la prochaine présidente qui devra déterminer le succès ou l’échec du Plan pour des centrales électriques propres. S’il jamais il était maintenu, qui que ce soit qui occupera la Maison blanche, pourra soit le renforcer sérieusement ou le miner. S’il est renversé, la prochaine administration pourra trouver d’autres moyens et passer par la Loi sur l’atmosphère propre pour réguler les émissions de dioxyde de carbone. Il se peut aussi que les juges ne rejettent que certaines parties de la loi laissant ainsi à la Maison blanche la décision d’aller de l’avant ou de s’en débarrasser complètement.

On ne doute pas que bon nombre de candidats (à la présidence) serait trop heureux de démarrer leur mandat en dansant sur la tombe de la signature du Président Obama qui visait les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.


[1Clean Power Plan n.d.t.

[2Clean Air Act n.d.t.

Zoë Carpenter

Journaliste à The Nation (États-Unis).

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