Édition du 23 avril 2024

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La révolution arabe

La crise syrienne, une crise soutenue dans la région et par les grandes puissances

JEAN SHAOUL [1]

COUNTER CURRENTS.ORG, PREMIER DÉCEMBRE 2001,

Traduction : Alexadra Cyr

L’annonce d’un nouveau train de sanctions contre la Syrie par la Ligue arabe est un pas de plus dans l’escalade de cette crise soutenue par les pouvoirs régionaux et par les grandes puissances. L’offensive menace maintenant toute la région.

Il est clair que l’objectif n’est pas d’empêcher une intervention étrangère dans le pays comme le prétend la Ligue arabe. Les plans d’intervention militaire sont avancés ; la Turquie et la France y jouent le rôle de promoteurs.

Comme ils l’ont fait pour la Lybie, les grandes puissances se servent des 22 membres de la Ligue pour légitimer leur plan. Pourtant on sait que cette organisation est composée de pouvoirs féodaux et de la junte militaire égyptienne qui combat les manifestants jusqu’à la mort dans son propre pays.

La Ligue exige du pouvoir de Damas qu’il cesse ses attaques contre les manifestantEs, retire ses tanks des rues et engage un dialogue avec l’opposition. Elle ne demande rien de semblable aux opposantEs qui sont soutenuEs par la Turquie et les pays du Golfe persique.

Cet ultimatum a été libellé pour provoquer un refus de la part de la Syrie. Les sanctions sont un premier pas vers une intervention militaire. Elles visent à installer un pouvoir plus complaisant et collaborant avec les pays occidentaux pour en finalement isoler et éventuellement renverser le pouvoir iranien qui est l’allié privilégié de la Syrie en ce moment.
D’ailleurs, la Turquie, qui n’est pas membre de la Ligue arabe, était présente, à titre d’observatrice, à la réunion de la Ligue, où ces sanctions ont été adoptées. Son ministre des Affaires extérieures, M. Ahmet Davutolu, a déclaré que le gouvernement du Président Assad « est en bout de course ».

Ankara joue un rôle majeur dans l’organisation de la pression sur Damas. La Turquie donne asile à des militaires syriens qui font sécession ; elle a organisé l’Armée libre de Syrie qui lance des attaques contre le pays. Cette armée, avec la direction des Frères musulmans en exil, réclame l’établissement d’une zone interdite de vols, de corridors humanitaires et l’intervention de l’armée turque pour venir à bout du gouvernement syrien.

La Turquie a aussi supporté le Conseil national syrien composé d’anciens partisans du régime complètement discrédités, de correspondants de la CIA, d’Islamistes et de divers autres comme groupe d’opposition capable former un futur gouvernement.

Le ministre turc des Affaires étrangères a admis que son pays a élaboré des plans pour pouvoir éventuellement établir une zone interdite de vols, des zones « tampons », des « refuges », des corridors humanitaires, qui impliquent le déploiement de troupes de son pays sur le sol syrien.

Comme cela s’est passé en Lybie, la zone d’interdiction de vols permettrait le lancement des attaques militaires depuis et les zones « tampons » sans la menace de riposte aérienne syrienne. Le président turc, M. Abdullah Gul, a aussi prévenu Damas que toute attaque kurde contre son pays, lancée depuis le territoire syrien, justifierait des interventions militaires. La France travaille main dans la main avec la Turquie pour installer des têtes de ponts aux frontières de la Syrie comme à celles du Liban et de la Jordanie.

Après des discussions avec le gouvernement turc récemment, le ministre des Affaires étrangères français, M. Alain Juppé, a déclaré que « la situation n’était plus supportable » et que les Nations Unies devaient permettre l’installation de refuges pour les SyrienNEs qui s’enfuient de leur pays. Il a ajouté : « Nous avons agit ainsi dans le passé et c’est la seule façon, à court terme, de soulager cette population ». Le ministre Davutoglu a acquiescé à cet appel et souligné que le temps jouait contre le régime Assad : « C’est clair, ses jours sont comptés. Il est totalement isolé maintenant ».

Dans son discours, B. Al Assad parlant de la Turquie, son allié dans le passé, a déclaré : « Le rêve Ottoman demeure vivant dans certains esprits. Même s’ils savent qu’il ne s’agit que d’un rêve, ils tentent d’utiliser leurs partis politiques qui lancent des slogans religieux pour mousser leur influence dans le monde arabe ».

Comme leur marge de manœuvre est bloquée au Conseil de sécurité de l’ONU par la Chine et la Russie qui détiennent un droit de véto, les grandes puissances cherchent d’autres voies pour arriver à leurs fins. Vendredi le 25 novembre, alors que le ministre français M. A. Juppé rencontrait le président truc, M. Davutoglu, à Paris, le gouvernement français recevait des délégations officielles des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d’Allemagne, de Turquie, de l’Arabie Saoudite, du Qatar, du Koweit, d’Égypte et de la Jordanie. Ils y discutaient des plans pour établir les zones « tampons » dans le sud et le nord syrien.

De son côté, la Commission des droits humains de l’ONU a commandé une enquête à des délégués américains, brésiliens et trucs sur la situation à ce sujet, sur le territoire syrien, Elle vient de publier un rapport qui fait état de « (que des) crimes contre l’humanité ont été perpétrés » par le régime Assad, dont des meurtres délibérés d’enfants. Pourtant les auteurs disent qu’ils n’en n’ont pas de preuves directes. Leurs conclusions s’appuient sur « des sources fiables ». Aucun enquêteur indépendant n’est admis dans le pays. Ce rapport est un instrument pour la construction d’une possible justification d’une intervention militaire.

En Iran, on voit les attaques contre la Syrie comme l’application d’une pièce d’un plan plus large de la part des puissances occidentales qui vise son isolement.

La semaine dernière, les Etats-Unis, l’Union européenne et le Canada on annoncé un nouveau train de mesures contre l’Iran en se justifiant avec la publication du dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie. Sur la base de preuves anciennes et discréditées ce rapport prétend que l’Iran travaille à développer la bombe nucléaire. Ces sanctions financières s’ajoutent aux quatre autres vagues antérieures imposées par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

La Grande Bretagne est allée un peu plus loin en imposant des sanctions financières supplémentaires et en restreignant les contacts avec la banque centrale iranienne. Le parlement iranien a riposté en votant dimanche l’expulsion de l’ambassadeur britannique et en limitant ses relations diplomatiques avec ce pays.

Deux jours plus tard une manifestation anti britannique violente à eu lieu. Des étudiantsi [2]manifestants ont attaqué l’ambassade, ont saccagé ses bureaux, brûlé le drapeau, défoncé les fenêtres, pendant que d’autres pénétraient, un peu plus loin, dans la résidence de l’ambassadeur. Que le gouvernement iranien n’ait pas empêché la manifestation et les attaques en dit long sur l’importance qu’il accorde à la montée de la crise en Syrie.

De son côté, la Russie défend de plus en plus le régime syrien. Elle évalue qu’il est dans ses intérêts géostratégiques fondamentaux de protéger cette région riche en pétrole. Elle estime qu’ils sont sous menace en ce moment et que cela atteint le bassin de la mer Caspienne. Elle s’est opposée aux sanctions décrétées par la Ligue arabe et a constamment accusé les pouvoirs américains et les européens de mettre de l’huile sur le feu syrien. C’est avec colère, qu’elle a répondu à leur déclaration conjointe demandant l’arrêt des violences du régime syrien contre les manifestants. Sergi Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a déclaré : « Le plus important en ce moment, est de cesser d’émettre des ultimatums et de travailler au dialogue politique ». Moscou est de plus en plus convaincu qu’une intervention militaire contre la Syrie est probable. Il s’agit de son allié le plus important dans la région. Il est prévu que sa seule escadre de porte-avions arrive dans le port syrien de Tarsus le printemps prochain. Il s’agirait d’une opération d’entrainement dans sa seule base navale en Méditerranée, le printemps prochain.

L’amiral V. Kravchenko, ancien amiral en chef, déclare qu’il ne s’agit là que d’une coïncidence. Mais il admet du même souffle que la présence d’une autre force militaire que celle de l’OTAN en Méditerranée, empêchera « (…) qu’un conflit armé n’éclate ». L’installation d’un gouvernement pro-américain en Syrie signifierait la fermeture de la base navale russe de Tarsus.

Ce déploiement de forces navales russes est une réponse à l’arrivée du porte avions nucléaire américain, le USS George HW Bush, en Méditerranée près de la Syrie, et à l’annonce de l’accord de la Lybie à l’installation d’une importante base navale de l’OTAN en Cyrénaïque.

La décision du Président Obama d’assurer la prédominance américaine au Proche-Orient, place toute la région et le monde dans une dangereuse course à la confrontation armée et ultimement à la guerre.


[1Je n’ai malheureusement pas trouvé de références fiables sur cette auteure. NDT

[2Depuis, il a été confirmé que ces étudiants étaient des membres de milices au service du pouvoir. NDT

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