Édition du 23 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

Le couteau de cuisine – l'arme du désespoir

"Troisieme Intifada" ? s’interrogent les éditorialistes. La question me semble sans grande importance : ce qui est certain par contre, c’est que nous sommes témoins de la fin d’une longue période de calme relatif en Cisjordanie occupée, en particulier à Jerusalem et dans sa grande banlieue. Un calme relatif lié à l’attente d’un éventuel débouché des initiatives diplomatiques menées par Mahmoud Abbas sous les conseils-pressions des Etats-Unis et des pays de l’Union Européenne. Tout semble indiquer que le long sursis donne au Président palestinien par sa propre population touche à sa fin. Abou Mazen n’a rien obtenu, ne serait-ce que dans le domaine du symbolique. Au contraire, il s’est attrapé des gifles humiliantes de la part d’un gouvernement israélien qui se refuse même à faire semblant de jouer dans la pièce tragico-grotesque que l’on nomme "processus de paix".

Les dernières provocations israéliennes se sont passées sur l’Esplanade des Mosquées, le site le plus sensible pour les Palestiniens (et pour un milliard et demi de musulmans à travers le monde) sous la forme de parades musclées de la part de plusieurs ministres et deputés de la droite au pouvoir, et la profanation d’el Aqsa par les forces de police israéliennes.

Si l’on s’obstine à appeler les événements actuels "Intifada", il est vraisemblable qu’on la nommera l’"Intifada des couteaux", c’est-à-dire une longue série d’initiatives individuelles ou des hommes et des femmes, jeunes pour la plupart, s’en prennent à des soldats ou à des civils israéliens avec un couteau, un cutter ou même un tournevis. Ils savent qu’ils risquent leur vie, d’autant que Netanyahou et ses sbires ont appelé la population a s’armer et à tirer sur ceux qui attaquent des Juifs, "tirer pour tuer" ont-ils insisté. Comme l’indique Gideon Levi dans le Haaretz du 11 Octobre, il s’agit là d’éxécutions sommaires de quiconque lève la main sur un Juif. Cette pratique sauvage s’étant confirmée au cours des derniers jours, toute agression palestinienne d’un israélien, civil ou militaire, devient en fait une opération suicide.

Il est important de souligner que ces actes suicides ne sont pas le fait de militants organisés, et ne sont pas commandités par tel ou tel mouvement national palestinien ; c’est d’ailleurs ce qui explique l’incapacité des services de renseignements à prévenir ces attaques : une jeune femme se lève un matin, prend un tournevis et attaque un israélien, en uniforme ou non, en sachant qu’elle a toutes les chances, ou presque, d’y laisser sa vie. C’est dire l’état de désespoir d’une population palestinienne qui a perdu toute forme d’illusion sur le "processus de paix".

C’est dire aussi l’isolement grandissant de Mahmoud Abbas part rapport à son peuple, continuant ses gesticulations diplomatiques stériles alors qu’il n’a aucun partenaire, ou plutôt, qu’en face de lui se trouve un gouvernement dont l’intransigeance et le comportement provocateur le tournent en ridicule.
Quand à la dite communauté internationale, elle appelle scandaleusement à "la fin de la violence des deux côtés", et se garde bien d’utiliser les moyens dont elle dispose pour imposer à l’Etat colonial israélien la mise en œuvre de résolutions qu’elle adopte régulièrement tout en continuant à traiter Israël comme un allié fiable et un partenaire avec lequel il est bon de faire des affaires.

Michel Warschawski

Journaliste et militant de gauche israélien, il est cofondateur et président de l’Alternative Information Center (AIC). Dernier ouvrage paru (avec Dominique Vidal) : Un autre Israël est possible, les éditions de l’Atelier, 2012.

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