Édition du 16 avril 2024

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Israël

Les Palestiniens.nes ont le droit de briser les chaines qui les maintiennent dans Gaza, une prison invivable

Introduction, D.N. : Ce printemps, des manifestations non violentes sont survenues à Gaza alors que les conditions des droits humains dans cette « prison en plein air » se sont encore détériorées. L’an dernier, les Nations unies ont publié un rapport qui mettait en garde contre la situation devenue « invivable » à Gaza.

Norman Finkelstein, democracynow.org, 17 mai 2018
Traduction et organisation du texte : Alexandra Cyr

La majeure partie de l’eau est contaminée et l’électricité n’est assurée que quelques heures par jour. Les enfants constituent environ la moitié de la population et la majorité de la population est formée de réfigiés.es (de l’exode de 1948 lors de la création d’Israël n.d.t.) qu’on empêche de véritablement vivre dans la minuscule bande de Gaza, un des espaces les plus densément peuplés au monde. Pour mieux comprendre et, également, en apprendre plus, nous recevons Norman Finkelstein, auteur et universitaire dont le livre le plus récent s’intitule « Gaza : An Inquest into its Martyrdom ».

Juan Gonzalez, DN : Maintenant, écoutons la porte-parole du Département d’État, Mme Heather Nauert qui s’exprimait mardi : « Tournons-nous vers quelque chose dont j’ai largement parlé ici, soit l’épouvantable situation humanitaire à Gaza. Il y a des Gazaouis.es qui ont souffert du manque de soins médicaux, de l’interruption constante de l’électricité, du manque de nourriture, du chômage, qui n’ont pu accéder à suffisamment de soins médicaux, et de bien d’autres choses. La misère qui afflige ces gens est le résultat (de la politique) du Hamas, nous reviendrons sur cela. Beaucoup de personnes blâment Israël pour toute cette situation et pour ce qui se passe depuis quelques semaines. Regardons la terrible situation de la population de Gaza et reconnaissons que c’est le résultat du gouvernement du Hamas ».

(…) Norman, les gens oublient que le blocus, que les origines de ce blocus de Gaza, est le résultat de la réaction d’Israël à l’élection démocratique qui a eu lieu dans les Territoires palestiniens (en 2006). Pouvez-vous nous rappeler ce qui s’est passé et qui est responsable de la crise humanitaire à Gaza ?

Norman Finkelstein : D’accord. Premièrement, comme Amira Hass, la journaliste respectée de Haaretz le souligne aujourd’hui dans son journal, le blocus de Gaza, dans sa forme limitée quoique sévère, a été installé il y a 27 ans. Il a commencé en 1991 au cours de la première Intifada, pour se durcir sérieusement après que le Hamas eut gagné les élections. Jimmy Carter qui y était observateur, les a qualifiées de complètement honnêtes et justes en janvier 2006. La réaction immédiate d’Israël, suivie par les États-Unis et plus tard par l’Union européenne, a été d’imposer ce blocus brutal à Gaza. À certains moments, l’entrée à Gaza de croustilles, de poussins et de chocolat a été interdite. Après (ces élections), en 2007, le Hamas craignait un coup d’État (contre lui) orchestré par les États-Unis, Israël et certains éléments de l’Autorité palestinienne ; Israël à renforcé le blocus.

Maintenant, qui est responsable de la crise actuelle à Gaza ? (…) D’abord, laissez-moi commencer par « qui est responsable » ? Comme vous n’êtes pas sans le savoir, il y a eu une multitude de rapports, de la Banque mondiale, de diverses agences de l’ONU, de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement et du Fonds monétaire international. Ces instances présentent rapports sur rapports et on y trouve un consensus absolu à l’effet que la cause immédiate de l’horreur à Gaza est causée par le blocus israélien et non par le Hamas. Il se peut qu’il y ait une part de responsabilité, mais c’est marginal, si minimal en comparaison du blocus.

Je dois être clair, je ne veux pas tomber dans le drame ni devenir émotif à ce propos, mais je dois être clair en ce qui concerne le blocus. Premièrement, il s’agit d’une violation flagrante du droit international parce qu’il constitue une punition collective. Deuxièmement, depuis 2012, aux Nations unies, où l’on trouve de sérieux.ses fonctionnaires conservateurs qui ne font pas dans la poésie, qui commencent en utilisant l’interrogation : « Est-ce que Gaza sera viable en 2020 » ? En 2015, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement a aussi publié un rapport. Cette fois c’est le ton déclaratoire qui est utilisé. Il y est dit qu’à l’allure actuelle, Gaza ne sera plus viable en 2020. Gardons à l’esprit qu’il s’agit littéralement d’une incapacité à y vivre et que ce sont les rapports des économistes professionnels.les des Nations unies. En 2017, Robert Piper, coordonnateur adjoint spécial des Nations unies pour le processus de paix au Proche Orient, disait : « Nous étions trop optimistes. Gaza a déjà dépassé le seuil de la viabilité. Au moment où nous nous parlons, c’est déjà invivable ».

Mais qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? 97 % de l’eau potable est contaminée à Gaza. Rappelez-vous que 2 millions de personnes y vivent et qu’un million ou plus, soit environ 51 %, sont des enfants. Donc, un million ou plus sont des enfants. Dans ses dernières recherches, Sara Roy, du Havard Center for Middle Eastern Studies, une des autorités mondiales sur l’économie de Gaza, écrit : « des gens innocents, la plupart des jeunes, sont lentement empoisonnés.es par l’eau qu’ils consomment ». Elle est une économiste, une économiste politique respectée et prudente comme elle le dit. Donc, « des gens innocents, la plupart des jeunes, sont lentement empoisonnés.es » C’est ça Gaza aujourd’hui.

Mais, revenons à Mme Nikki Haleyi qui a dit : « Quel pays dans le monde ferait autrement pour protéger leur frontière ? » Soyons clairs, il n’y a pas là de frontière et même pas une clôture frontière. Baruch Kimmerling, sociologiste de l’Université hébraïque, à dit que Gaza était le plus grand « camp de concentration » qui ait jamais existé. David Cameron, l’ancien Premier ministre britannique, a qualifié Gaza de « prison en plein air ». Haaretz, le journal le plus respecté d’Israël, parle du « ghetto palestinien ». Les tireurs d’élite israéliens ne sont pas postés à une frontière, ils sont postés près du périmètre de ce que vous pouvez appeler camp de concentration, ghetto ou prison en plein air.

C’est une situation inusitée dans le monde d’aujourd’hui. Comme l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine le souligne, Gaza est différent de toutes les autres crises humanitaires. Pourquoi ? S’il y a un désastre, par exemple une sécheresse, les gens se déplacent, s’il y a un désastre provoqué par des humains comme en Syrie, les gens se déplacent. Gaza est le seul territoire sur terre où c’est invivable, mais dont la population ne peut pas bouger, se déplacer. Elle ne peut pas partir. Elle est piégée.

Cela soulève la question fondamentale. Même les ONG défendant les droits humains, la plupart irréprochables, réfèrent à l’usage d’une force excessive de la part d’Israël. (…), laissant entendre qu’Israël aurait le droit d’utiliser une force plus modérée. Laissons de côté les légalités et les technicités pour ne regarder que le tableau tel qu’il se présente. Israël n’a pas le droit d’employer quelque force que ce soit. 2 millions de personnes, dont la moitié est formée d’enfants, sont piégées, enfermées dans un espace invivable où, dans les termes de Sara Roy, ils sont « lentement empoisonnés ». Sauf si vous croyez qu’Israël à le droit d’empoisonner un million d’enfants, (vous devez admettre) qu’il n’a pas le droit d’employer aucune force contre la population de Gaza et elle a le droit de se libérer de cette cage qu’Israël lui a créée.

Amy Goodman : Donc Norman, (…) pensez-vous qu’il y a une solution ?

N.F. : He ! bien il n’y a pas de solution. Il y a beaucoup de discussions, une foule de discussions à propos de grandes solutions. Je pense que ce que nous devons faire en ce moment, c’est de rassembler une équipe internationale de juristes respectés. J’y inclurais John Dugardii, Alfred de Zayasiii, James Crawfordiv. Ce sont les juristes les plus réputés qui connaissent les lois internationales. Ils devraient présenter un plan pour mettre fin au blocus illégal de Gaza.

Aujourd’hui, Israël exige que cessent les manifestations. Le peuple de Gaza a tous les droits de mener des protestations non violentes. Israël n’a pas le droit d’imposer de blocus. Par considération pour les Palestiniens.nes de Gaza, entrons dans un quid pro quo : les Gazaouis pourront manifester, mais (Israël) lèvera son blocus.

Je pense qu’un plan doit être présenté par des juristes respectés, mais il devra être adopté et soutenu par les dirigeants.es de Gaza. Je pense que c’est possible et que, par la suite, les Nations unies y adhéreront. En d’autres mots, plus d’investigations, nous en avons eu suffisamment et nous devons passer à l’action. Et l’action signifie d’abord et avant tout que ce blocus illégal, inhumain et immoral contre Gaza se termine.

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