D.N. : Amy Goodman : L’organisation de lutte contre la pauvreté, Jubilee USA a déclaré que ce jugement aurait « un effet dévastateur » que « ces fonds à risques ont les moyens de forcer les économies en difficulté à se soumettre (à leurs exigences).
Pour en discuter, nous invitons M. Éric LeCompte, directeur exécutif de Jubilee USA Network à se joindre à nous. Éric, soyez le bienvenu à Democracy Now ! Qu’elle est selon vous la signification de ce jugement ?
Éric LeCompte : C’est probablement la décision la plus significative de la Cour jusqu’ici. D’un point de vue légal, ce cas qui a été jugé sur le territoire américain, va avoir des impacts étendus sur la pauvreté extrême partout dans le monde et de notre vivant.
Pour ce qui est de sa signification ; vous savez sans doute que cette situation remonte à la faillite de l’Argentine en 2001. Comme vous l’avez dit la majorité des créditeurs ont accepté de restructurer cette dette. Mais un petit groupe de fonds, familièrement appelé « fonds vautours » qui n’avaient jamais investit en Argentine ont sauté sur l’occasion et ont racheté une partie de la dette pour une poignée de dollars. Comme cette dette a été contractée sous la loi de l’État de New-York, depuis une dizaine d’années ces créditeurs ont bataillé pour que l’Argentine paye sa dette en entier alors que les autres créditeurs en ont accepté la restructuration.
Ce jugement a une telle importance qu’il s’est développé un rare consensus entre le gouvernement américain, les Nations Unies, le Fond monétaire international, la Banque Mondiale et des groupes religieux de lutte contre la pauvreté comme Jubilee USA. Tous sont convaincus que ce comportement est si extrême qu’il établit un précédent qui va toucher essentiellement les pays les plus pauvres dans le monde qui pourraient se trouver pris au piège de la pauvreté. C’est un mauvais jugement pour le monde des investissements, pour le monde des affaires. C’est un mauvais jugement pour les restructurations des dettes dans le monde. Et il nous touche, nous contribuables américainEs car l’argent qui constitue les caisses de ces fonds qui mènent ces guerres légales, provient d’efforts pour diminuer ce genre de dettes avec nos impôts.
J.G. : Mais les montants en cause ici, si on les compare à la dette originale de l’Argentine, sont relativement petits. Quel pouvoir ont les États-Unis pour faire exécuter ce jugement ?
É.L. : L’enjeu, c’est effectivement cette exécution. Le contrat a été signé aux États-Unis sous la loi des États-Unis, la loi de l’État de New-York. Les deux parties sont sensées l’honorer. Mais l’exécution de ce jugement pose une question sur sa signification. Et c’est là que la Maison Blanche, le Département de la justice (américaine), le Fond monétaire international et Jubilee USA s’entendent : l’exécution de ce jugement devrait vouloir dire que ces fonds vautours devraient être payés au même niveau que tous les autres créditeurs qui ont consentit à une réduction de leur dette. Nous devons donc comprendre dès maintenant que dans toutes les juridictions du monde, il est connu que celle de New-York est la préférée des fonds vautours comme le disent les Nations Unies. Donc, ces contrats internationaux sont maintenant déférés à Londres, Paris et Frankfurt dans ces pays où les États ont adopté des législations pour contrer ces prédateurs, ces comportements d’exploitation.
A.G. : … Le fond à risques NML Capital a publié une déclaration : « Il est temps maintenant que l’Argentine honore ses engagements envers ses créditeurs. Cela bénéficiera à l’économie argentine et à son statut international ». Éric LeCompte qu’en dites-vous ?
É.L. : Eh ! bien, l’ironie c’est que l’Argentine a essentiellement honoré ses engagements. Pour l’essentiel cela a été réglé par le club de Paris. Plus de 92% de ses créditeurs ont signé cette entente. C’est la partie des dettes détenues par ces fonds vautours qui ne l’est pas. Ils essaient de récupérer plus que ce qui leur est dû en poursuivant leurs comportements de prédateurs. Quand on étudie l’histoire des faillites (de pays), ont retrouve toujours ces fonds qui poursuivent les pays pauvres ou très faibles économiquement. Ce jugement devient un outil qui les aide à forcer des pays pauvres comme la Côte d’Ivoire, la Zambie à se rendre, à se soumettre. C’est donc un puissant précédent qui va avoir un impact sur un pays extrêmement pauvre sur cinq dans le monde.
J.G. : Donc, la façon dont l’Argentine a géré sa faillite à l’époque est un exemple de ce qu’il na faut pas faire quand un pays veut être capable de faire face à ce genre de créditeurs en pleine crise économique ?
É.L. : Sous plusieurs aspects, oui. Il est clair que la façon dont l’Argentine a pu restructurer ses dettes a mené à un resserrement de son économie. Et la manière dont elle a été capable de confronter ces comportements de prédation l’a essentiellement conduite au championnat des économies pauvres dans le monde et dans le G-20 bien sûr.
A.G. : Pouvez-vous, brièvement (…) nous parler de Paul Singer qui est le dirigeant de la compagnie mère de NML Capital ?
ÉL. : Essentiellement c’est celui qui a élaboré ces comportements de prédation : chercher dans les pays pauvres les actifs qui appartiennent à des communautés vulnérables. C’est lui qui dirige plusieurs des ces compagnies prédatrices, des fonds à risque qui s’engagent dans ces pratiques d’exploitation, de comportements (financiers) extrêmes. Il a contribué à populariser ce genre d’investissements partout dans le monde. La Banque mondiale note qu’il existe une centaine de ces compagnies qui adoptent ces pratiques d’investissements sous le leadership de Paul Singer.
A.G. : Qu’est-ce que cela implique ici sur nos politiques nationales (…) ?
É.L. : Eh ! bien, il est le premier contributeur au parti d’opposition, (le Parti républicain).
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