Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Lancement du Rapport de l’enquête populaire sur les obstacles à l’accès au réseau public de santé à Gatineau

Les soins de santé à Gatineau : la voix des citoyens entendue

Gatineau, 8 décembre 2011 - C’est aujourd’hui qu’a eu lieu le lancement du Rapport de l’enquête populaire sur les obstacles à l’accès au réseau public de santé à Gatineau par le comité des Sans-Médecin d’Action santé Outaouais.

En conférence de presse aujourd’hui, trois membres du comité des Sans-Médecin, Emmanuel Dupont, Vincent Greason et Maureen McMahon, accompagné de Martha Jackman, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, ont présenté les principaux constats et recommandations tirés du rapport.

Depuis 2009, le comité des Sans-Médecin d’Action santé Outaouais donne la parole aux usagers du réseau de la santé, particulièrement les plus démunis d’entre eux, en vue de mieux comprendre les obstacles d’accès aux soins de première ligne. Le présent rapport contient donc les résultats d’une enquête populaire menée par le comité de 2009 à 2011 auprès de 174 personnes, ainsi qu’une quinzaine de recommandations s’adressant autant à la société civile et aux éluEs, qu’aux décideurs et gestionnaires du réseau de la santé.

Ce que l’enquête nous a permis de confirmer

Sans surprise, 35% des participants à l’enquête ont déclaré ne pas avoir de médecin généraliste, dit de famille, et sont donc sans réelle porte d’entrée au réseau public. De plus, parmi les 65 % qui ont la chance d’avoir un médecin, 15 % consultent de l’autre côté de la rivière des Outaouais : cela signifie que 45 % des participants n’ont pas de porte d’entrée assurée dans le réseau de l’Outaouais et n’ont d’autres choix que les quatre alternatives suivantes : 1. se faire soigner à Ottawa ; 2. tenter leurs chances aux cliniques sans rendez-vous ; 3. les salles d’urgence des hôpitaux ; 4. les cliniques à but lucratif.

Par contre, une part non négligeable des 65 % qui ont un médecin généraliste affirment avoir de la difficulté à obtenir des rendez-vous, et vivent souvent dans l’angoisse de perdre leur médecin, et ce pour des raisons très variées. Il est très clair que pour beaucoup de participants, la maladie n’est pas la seule condition d’accès aux soins ; en effet, il faut aussi une bonne dose de contacts, et souvent les plus « futés » ou « fonceurs » ont un avantage marqué. De plus, la difficile accessibilité aux soins a obligé de nombreux participants à recourir à leur pouvoir d’achat afin de se faire soigner. Ces limites au droit à l’accès aux soins sont scandaleuses, inéquitables et injustes. En bout de ligne, il n’est pas surprenant que les participants à l’enquête n’aient donné au réseau de la santé qu’une faible note de 45 % en regard de l’accessibilité aux soins.

À propos de l’utilisation du pouvoir d’achat, nous avons reçu de nombreuses doléances concernant les secteurs de la santé à but lucratif (soins dentaires, soins oculaires, psychologie et physiothérapie). En effet, 30 % des participants ont déclaré n’avoir aucune couverture d’assurance dentaire (ni publique, ni privée). Il est permis de croire qu’une même proportion s’applique pour les soins oculaires, psychologiques, et de physiothérapie. Pas étonnant alors que plusieurs participants avouent négliger de se faire soigner pour des raisons financières.

Des constats nouveaux et préoccupants

Toujours dans l’univers des services à but lucratif, un nombre non négligeable de participants ont affirmé que soit la ligne Info-santé, ou l’hôpital, les ont redirigés vers des établissements privés dans le but de gagner du temps. Ceci est un signe sans équivoque de l’influence croissante du réseau privé de soins de santé au détriment du réseau public. Le fait que des employés du réseau public préconisent le réseau privé est d’ailleurs très inquiétant : doit-on croire que les employés reçoivent le message que les soins privés, inaccessibles à ceux qui n’en ont pas les moyens, sont une solution à recommander à tous les patients’

À propos de la qualité des soins reçus, les participants à l’enquête ont donné une décevante note de passage au CSSSG, soit 61% de taux de satisfaction. Plus précisément, nombreux ont été les participants à se plaindre de la qualité du geste médical de la part des médecins. Cette observation ’ déjà fort préoccupante ’ semble aller de pair avec les nombreuses doléances reçues sur les relations patients-médecins, les aptitudes relationnelles de ces derniers étant souvent critiquées. Parfois, leurs attitudes peu obligeantes peuvent blesser et fragiliser les patients déjà vulnérabilisés par la maladie : les témoignages furent nombreux en ce sens. En effet, si plusieurs nous ont parlé de pratique médicale expéditive, de manque de suivi, d’autres sont allés jusqu’à exprimer un manque de confiance dans le diagnostic, le traitement proposé, ainsi qu’un manque de confiance dans leur médecin pouvant mener à des relations tendues et peu productives.

Est-ce que les difficultés d’accès couplées avec une satisfaction mitigée de la qualité des services de première ligne expliqueraient que plusieurs participants à notre enquête ont dit « s’automédicamenter », ou qui abandonnent carrément leurs démarches pour obtenir des soins.

14 recommandations

Une pièce importante de nos recommandations concerne la mise sur pied d’une clinique médicale multidisciplinaire entièrement publique, orientée sur la prévention et composée uniquement de salariés. Ce projet pilote serait un lieu d’expérimentation d’une série d’autres recommandations contenues dans ce rapport, comme la remise en question du paiement à l’acte des omnipraticiens et une répartition plus efficace des responsabilités qui ferait une place beaucoup plus importante dans le réseau public à d’autres professionnels aptes à assumer davantage de responsabilités en soins de santé primaire (première ligne), comme les infirmières, les dentistes (et hygiénistes dentaires), les psychologues, les sages-femmes, les physiothérapeutes, etc. Ce projet reste à être mieux défini en s’inspirant de modèles de réussite ailleurs au Québec, au Canada et dans le monde.

Nous croyons aussi qu’il est urgent d’amorcer, dès maintenant, une vaste réflexion sur l’apparente baisse de satisfaction et de confiance de la population envers la relation médecin/patient. Selon nous, une telle démarche peut être porteuse d’un germe de révolution dans l’organisation des soins de première ligne à Gatineau.

L’un des principaux obstacles soulevés dans ce rapport concerne la situation financière des patients comme déterminant de la santé. Pour contrer cet obstacle inadmissible dans une société solidaire, il faut s’engager dans une lutte radicale pour l’élimination de la pauvreté et pour une meilleure répartition de la richesse. Dans cet esprit, il faut élargir la couverture de l’assurance publique, qui est une forme très efficace de répartition de la richesse. C’est pourquoi nous considérons qu’une grande partie des soins dentaires devrait être ajoutée à la gamme des services médicaux déjà couverts par la « carte soleil ».

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...