Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Attentats de Paris

Massacres, prédations et manipulations

On vient de passer une période remplie de carnages : attentats, fusillades et en fin de compte, des milliers de victimes partout, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient. Comment réagir face à ces horreurs ? D’abord, pleurer les morts, sans en oublier. Car il y a des personnes derrière les manchettes. Dans les massacres récents, en plus, aucune de ces personnes ne jouait un rôle actif dans un conflit quelconque.

Traduit et abrégé par Germain Nyada.

Ensuite, s’interroger. Pourquoi des victimes sont plus « importantes » que d’autres ? Pourquoi parle-t-on davantage de Paris plutôt que de Beyrouth ? En octobre dernier, donc en un seul mois, 714 Iraquiens sont morts dans des attentats. Pour plusieurs médias occidentaux, cette situation est « normale ». Pourquoi ?

Plusieurs questions demeurent sans réponse : pourquoi la France se dit-elle en état de guerre puisqu’elle est déjà aux premières lignes du conflit depuis plusieurs mois ? Qui seront les prochaines cibles des bombardements de la « coalition » menée par les États-Unis ? L’intelligentsia occidentale et son commandement pourront-ils reconnaitre que certains choix stratégiques n’ont fait qu’exacerber les animosités et suscité un grand nombre de menaces ?

Autre angle mort, qui définit qui est terroriste et qui ne l’est pas ? Pourquoi ne pas parler du rôle de la « Ligue mondiale des musulmans », établie en Arabie saoudite depuis les années 1960, et qui finance la destruction des mouvements nationalismes et de gauche dans le monde arabe ? Pourquoi occulter le rôle des États-Unis dans la montée des Moudjahidines en Afghanistan dont ont « hérité » les Talibans et Al-Qaida ? Qui va se souvenir du bombardement américain sur la Libye en 2011, qui a fait plusieurs dizaines de morts, tous des civils ? Qui a payé et qui continue de payer pour les « volontaires » étranges qui affluent vers Daech ? Pourquoi laisse-t-on la Turquie, un État membre de l’OTAN, attaquer les Kurdes qui combattent pourtant les extrémistes ?

Autre question sans réponse : pourquoi oblige-t-on des pays pauvres de se ruiner en les forçant à payer des dettes odieuses, comme ce qu’on a fait avec le Mali dans les années 1990 ? Le président de l’époque, Alpha Omar Konaré, voulait renégocier cette dette, mais on l’a envoyé promener. Konaré quitta ses fonctions. Le pays implosa. Al-Qaeda s’empara de Tombouctou, la deuxième ville malienne en importance. Par la suite, l’armée française est intervenue. On sait maintenant ce que tout cela a donné : un pays fragilisé, plein de désespérés…

Peut-on faire autrement ? Oui c’est vrai, il n’y a pas de solution miracle. Mais est-ce impensable de renvoyer les pétromonarchies du Golfe dans leurs cages dorées ou au moins les empêcher de lubrifier les réseaux de l’extrémisme tout en distillant un discours haineux ?

Beaucoup de questions peu de réponses.

Vijay Prashad

Vijay Prashad est professeur et directeur d’’études internationales au Trinity College de Hartford (Connecticut), journaliste et commentateur de l’actualité. Il est l’auteur d’une quinzaine de livres.

Auteur sur les attentats de Paris... et ailleurs.

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