Tiré de A l’Encontre
23 mai 2023
Par Bernie Sanders
C’est un système qui implique entre autres que notre espérance de vie est inférieure à celle de presque tous les autres grands pays et est même en baisse, un système dans lequel les membres de la classe ouvrière et à faible revenu meurent au moins dix ans plus tôt que les Américains plus aisés.
C’est un système dans lequel quelque 500 000 personnes tombent en faillite personnelle à cause de dettes médicales.
C’est un système dans lequel de grandes régions de notre pays sont mal desservies sur le plan médical, où les hôpitaux en milieu rural ferment et où les gens, même s’ils ont une assurance décente, doivent faire des heures de route pour trouver un médecin.
C’est un système dans lequel, en pleine crise de santé mentale, les Américains sont incapables de trouver les traitements abordables dont ils ont besoin.
C’est un système dans lequel, malgré nos énormes dépenses, nous n’avons pas assez de médecins, d’infirmières, de dentistes, de professionnels de la santé mentale, de pharmaciens et d’autres professionnels de la santé – et dans lequel nous consacrons moins de la moitié de nos dépenses de santé aux soins primaires que la plupart des autres pays.
C’est un système dans lequel, alors que nous avons désespérément besoin de plus de professionnels de la santé, les jeunes sortent de leurs études de médecine, dentaires ou de la formation d’infirmières avec des centaines de milliers de dollars de dettes [étant donné le système payant d’études] ; un système dans lequel les médecins et les infirmières noirs, latinos et amérindiens sont largement sous-représentés en tant que professionnels de la santé.
C’est un système dans lequel, pour la plupart des Américains, les soins de santé restent liés à l’emploi [l’assurance maladie est très souvent couverte par l’employeur via des compagnies d’assurances privées]. Aussi incroyable que cela puisse paraître, pendant la pandémie, lorsque des millions de personnes ont perdu leur emploi, elles ont également perdu leur accès aux soins de santé. C’est un système dans lequel la qualité des soins que vous recevez dans ce pays dépend de la générosité de votre employeur ou de l’existence d’un syndicat. Il n’est pas surprenant que les travailleurs de McDonald’s ne reçoivent pas la même qualité de soins que les cadres de Wall Street.
Tout cela doit changer. La fonction d’un système de santé rationnel et humain est de fournir des soins de qualité à tous en tant que droit de l’homme. Il ne s’agit pas de faire gagner des dizaines de milliards de dollars chaque année aux compagnies d’assurances et aux laboratoires pharmaceutiques.
Oui, il est grand temps que nous mettions fin à la honte internationale infligée aux Etats-Unis pour être le seul grand pays au monde à ne pas garantir des soins de santé à l’ensemble de sa population. Il est temps d’adopter enfin un programme Medicare [2] for All à payeur unique. C’est la législation que je présente au Sénat cette semaine avec 14 cosignataires. A la Chambre des représentants, il y aura plus de 100 cosignataires.
Soyons honnêtes. Le débat sur le programme « Medicare for All » n’a rien à voir avec les soins de santé. Il a tout à voir avec l’extraordinaire cupidité du secteur de la santé et son désir de maintenir un système qui lui permet de réaliser d’énormes profits.
Alors que les Américains ordinaires luttent pour payer leurs soins de santé, les sept plus grandes compagnies d’assurances maladie de notre pays ont réalisé plus de 69 milliards de dollars de bénéfices l’année dernière et les dix plus grandes compagnies pharmaceutiques ont gagné plus de 112 milliards de dollars
L’opposition des entreprises aux réformes désespérément nécessaires de notre système de santé désastreux est extraordinaire.
Depuis 1998, l’industrie privée des soins de santé a dépensé plus de 11,4 milliards de dollars en lobbying et, au cours des 30 dernières années, elle a dépensé plus de 1,8 milliard de dollars en contributions aux campagnes électorales pour amener le Congrès à faire ce qu’elle veut.
A elle seule, l’industrie pharmaceutique compte plus de 1800 lobbyistes au Capitole, y compris les anciens dirigeants des deux partis politiques.
C’est ainsi que les affaires se font à Washington. Nous avons l’intention de changer cette dynamique. Nous avons l’intention de nous battre pour une législation que les Américains ordinaires souhaitent, et non pour des intérêts particuliers puissants.
Notre législation « Medicare For All » offrirait à tous une couverture médicale complète sans frais supplémentaires et, contrairement au système actuel, elle offrirait une liberté totale de choix des prestataires de soins de santé.
Plus de primes d’assurance, plus de franchises, plus de tickets modérateurs, plus de formulaires à remplir et de conflits avec les compagnies d’assurances.
Et une couverture complète signifie la prise en charge des soins dentaires, des soins ophtalmologiques, des prothèses auditives, des médicaments délivrés sur ordonnance et des soins à domicile et de proximité.
Un système de santé « Medicare for All » serait-il coûteux ? Oui. Mais, tout en offrant des soins de santé complets à tous, il serait nettement MOINS coûteux que notre système dysfonctionnel actuel, car il éliminerait une grande partie de la bureaucratie, des profits, des coûts administratifs et des priorités mal placées inhérents à notre système actuel à but lucratif.
Dans le cadre de l’assurance maladie pour tous, il n’y aurait plus d’armées de personnes chargées de nous facturer, de nous dire ce qui est couvert et ce qui ne l’est pas et de nous harceler pour que nous payions nos factures d’hôpital. Cette simplicité permettrait non seulement de réduire considérablement les coûts administratifs, mais aussi de faciliter grandement la vie des Américains, qui n’auraient plus jamais à se débattre dans le cauchemar de la bureaucratie des compagnies d’assurances.
En fait, le Bureau du budget du Congrès a estimé que Medicare for All permettrait aux Américains d’économiser 650 milliards de dollars par an.
Garantir des soins de santé à tous les Américains en tant que droit de l’homme serait un moment de transformation pour notre pays. Non seulement cela permettrait aux gens d’être en meilleure santé, d’être plus heureux et d’augmenter leur espérance de vie, mais cela constituerait également un grand pas en avant dans la création d’une démocratie plus dynamique. Imaginez ce que cela signifierait si notre gouvernement travaillait pour les gens ordinaires et pas seulement pour les puissantes firmes. (Article publié sur le site Counterpunch le 23 mai 2023 ; traduction rédaction A l’Encontre)
Bernie Sanders est sénateur et membre de la Commission du budget du Sénat. Il représente l’Etat du Vermont et est le plus ancien indépendant de l’histoire du Congrès.
[1] Selon l’OMS : « Les soins de santé primaires doivent garantir que les personnes reçoivent des soins complets et de qualité, depuis la promotion et la prévention jusqu’au traitement, à la réadaptation et aux soins palliatifs, au plus près possible de leur environnement quotidien. » (Réd. A l’Encontre)
[2] Actuellement, le Medicare est une assurance maladie fédérale réservée aux personnes âgées et aux invalides, avec deux branches : hospitalisations et prestations médicales. (Réd.)
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