Édition du 3 décembre 2024

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Crise alimentaire

Menace de crise alimentaire au Sahel : les responsabilités du capitalisme

Mais le problème n’est pas que climatique, il est surtout économique. Les journalistes remarquent que les denrées comme le riz, le sorgho ou le mil sont bien sur les étals des marchés, mais à des prix bien trop élevés pour la très grande majorité de la population.

De nouveau, une crise alimentaire de grande ampleur menace les pays de la bande sahélienne : Sénégal, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Tchad, Soudan et Niger. Les populations en font les frais et, plus particulièrement, celles du Niger. La junte qui a renversé la dictature de Tandja a reconnu la vraie situation existante dans le pays. Elle est catastrophique puisque la moitié des habitant-e-s sont touchés.

Les conditions climatiques ont été mauvaises. En effet, les pluies sont arrivées trop tard et se sont arrêtées trop tôt. Ainsi la période de soudure, traditionnellement difficile, en sera plus longue. Six millions de personnes ont épuisé leur stock de nourriture et déjà deux cent mille enfants doivent suivre un traitement dans des centres de santé qui sont dramatiquement sous équipés, alors que 35 millions de dollars permettraient de faire face.

Mais le problème n’est pas que climatique, il est surtout économique. Les journalistes remarquent que les denrées comme le riz, le sorgho ou le mil sont bien sur les étals des marchés, mais à des prix bien trop élevés pour la très grande majorité de la population (1). D’autres pays sont touchés, à l’exemple de la République démocratique du Congo (RDC) où le Programme National de Nutrition (PRONANUT) – une agence étatique – considère que dans les provinces de l’Equateur, des Kasaï occidental et oriental, du Katanga et du Maniema, la malnutrition sévit (2), alors que ce sont des régions particulièrement riches.

L’exemple du Katanga à cet égard est révélateur puisque cette région, considérée comme le poumon économique du pays, connaît une situation de malnutrition. La cause principale est liée à la crise économique. Les grands trusts miniers, qui pillent allégrement la région, ont licencié la plupart de leurs employés au motif d’une baisse des carnets de commande. Ainsi des centaines de milliers de familles se trouvent-elles sans ressources.

On se retrouve donc dans une situation où les causes de la crise alimentaire de 2008 restent pérennes, aggravées par la crise économique. Cette dernière risque fort de limiter les marges de manœuvre des gouvernements pour amortir la hausse des prix des produits de premières nécessité. Le problème récurrent n’est pas un manque de nourriture, mais un manque d’argent pour acheter cette nourriture. Avant même la crise, la faim continuait à se développer à travers le monde. Actuellement, plus d’un milliard de personnes souffrent de problèmes de nutrition (3). Les prix des produits alimentaires, s’ils ont baissé par rapport au pic de 2008, restent néanmoins globalement élevés.

En Ouganda et au Kenya le prix des denrées de base, comme le maïs, a été multiplié par deux par rapport à 2007, idem pour le Sorgho au Soudan (4) et selon l’OCDE, les prix vont continuer à augmenter au cours de la prochaine décennie. L’IFFRI (l’International Food Policy Research Institute), une organisation américaine, a calculé qu’un pourcent d’augmentation des prix réels des denrées aurait comme conséquence la malnutrition de 16 millions de personnes supplémentaires dans le monde (5).

La raison principale de la crise ne vient pas de l’augmentation des besoins de nourriture de la population. Cette dernière peut être largement satisfaite par la production actuelle. Mais par contre, le développement du carburant issu de produits agricoles a accaparé les terres qui, auparavant, étaient dédiées à l’agriculture de nourriture. Une organisation comme Action Aid estime que cette réaffectation des terres pour le carburant est la cause d’une augmentation des prix des denrées à hauteur de 30%.en 2008. C’est ainsi que les spoliations de terre par des grands trusts capitalistes en Afrique ne cessent de s’accroître, expulsant les populations de leur terre. Désormais ces grandes entreprises pourront faire ce quelle veulent, utiliser engrais chimiques, pesticides et OGM. L’abandon de la souveraineté, d’une partie d’un territoire du pays, s’apparente bien à un processus de recolonisation au sens strict du terme.

De nouveau, l’Europe a une responsabilité importante dans ce drame. Après avoir soutenu massivement les projets économiques des institutions financières internationales visant à casser les services publiques des Etats, à détruire les cultures vivrières au profit des cultures d’exportation tout en démantelant les caisses de régulation de ces cultures, imposant les APE (accord de partenariat économique) qui visent à libéraliser totalement les relations économiques avec l’Afrique, elle se lance dans le carburant agricole. Toujours, selon la même organisation Action Aid, les conséquences en seraient que plus de cent millions de personnes risqueraient la famine.

L’Union européenne vient de mettre au point son énième plan d’aide alimentaire avec l’idée de transformer le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CFS), structure technique de la FAO, pour en faire : « l’institution internationale centrale sur la sécurité alimentaire » laissant en suspend la pérennité du financement, se refusant a abandonner les APE et restant étrangement muette sur la question de la spoliation des terres. Étrangement ? Pas si sûr, car plus de 5 millions d’hectares sont achetés ou en passe de l’être par les entreprises appartenant à l’Union européenne !

Notes

(1) http://fr.allafrica.com/stories/201....

(2) Communiqué de presse du 6 avril 2010

(3) FAO, L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde. Crises économiques – répercussions et enseignements, 2009.

(4) FAO, SMIAR bulletin d’alerte, n° 328, 12 août 2009.

(5) Cité par Agence IRIN, 3 mars 2009.

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