Édition du 16 avril 2024

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États-Unis

« Obamacare » ratifié par la Cour suprême ; qu'elle est la suite ?

Adam Server, Mother Jones, 28 juin 2012,

Traduction, Alexandra Cyr

Elle a passé le test ! C’est la plus grande avancée du « Welfare State » depuis le projet de la « Grande Société » qui est entérinée par la Cours Suprême la plus conservatrice depuis des décennies. Et ce n’est pas seulement un arrêt qui marque un point de reconnaissance, c’est un recul monumental pour le mouvement conservateur et sa stratégie de sabotage de la présidence Obama par quelques moyens que ce soient.

Le professeur Adam Winkler de l’école de droit de l’Université de la Californie déclare que la Cours Suprême a littéralement sauvé la présidence Obama.

C’était un résultat très inattendu. Le Juge en chef, John Roberts s’est joint aux quatre juges nomméEs par les Démocrates pour entériner cette loi. Le caractère anticonstitutionnel de l’obligation, crée par cette loi, pour toutE citoyenNE de se procurer une assurance maladie (…) a été assimilée à une taxe (qui elle, est constitutionnelle). Un des juges conservateur, nommé par G.W.Bush a mené l’assaut de droite contre cette conclusion [1]

La droite républicaine s’est élevée contre B. Obama en décembre 2008, avant même qu’il soit assermenté en s’opposant à l’investiture d’un sénateur démocrate. Ils ont continué leurs attaques en organisant des assemblées de protestations (contre le projet de loi sur l’assurance maladie) durant l’été et l’automne 2009. Ils ont poursuivi en abusant (au Congrès) du « filibuster » comme on ne l’avait jamais vu et en pilotant une avalanche de poursuites judiciaires après l’adoption de la loi dite, « Affordable Care ». Comme ils n’ont pas réussi à bloquer son adoption par des manœuvres de blocage procéduraux, par l’obstruction, par les victoires électorales ou l’indignation populaire, ils se sont tourné vers la justice.

Mais cela n’a pas plus fonctionné. La Cours Suprême et son juge en chef Roberts n’ont pas voulu revenir sur les droits des AméricainEs de moins de 26 ans à être couvertEs par l’assurance de leurs parents, ni sur la garantie que si vous êtes atteintEs d’une grave maladie votre assurance ne pourra pas être révoquée, ni sur la fin de la discrimination contre ceux et celles à qui ont refuse l’assurance sous prétexte de maladie préexistante, ni sur la sécurité des personnes âgées qui, sans cette assurance qui ajoute des budgets à Medicare, ne pourraient pas assumer le coût de leurs médicaments [2] Au lieu de cela, le juge en chef Roberts, qui à titre de sénateur s’était opposé à B.Obama, a joint sa voix aux juges nomméEs par les Démocrates pour sécuriser les avantages de cette politique sociale. Le juge Anthony Kennedy, celui qui habituellement n’obéit pas à des lignes prédéfinies, l’aurait rejetée complètement.

Mais ça ne veut pas dire que la bataille soit terminée pour autant. Les conservateurs poursuivent leurs attaques contre d’autres parties de la loi. Puisqu’ils n’ont pu gagner son rejet complet, ils vont maintenant l’attaquer morceaux par morceaux. Si jamais Mitt Romney réussit à battre le président Obama cet automne, ils vont détenir un pouvoir sans précédent pour en anémier l’application même sans être majoritaires au Congrès. Ce jugement met aussi en péril l’application de l’extension du programme Medicaid à 16 millions de personnes de plus [3] Et on ne peut évaluer en ce moment, l’impact du raisonnement du juge Roberts sur de futures lois sociales.

Les libéraux-ales et les Démocrates avaient jugé cette cour partisane et s’étaient pratiquement résignéEs d’avance à une défaite. Les conservateurs-trices s’opposaient à un tel diagnostic mais étaient assez convaincuEs que la cour allait émettre un jugement en leur faveur. Quelques libéraux-ales soutenaient que la cour n’est pas partisane par nature et que cela allait l’amener à rejeter les prétentions légales des conservateurs-trices. Cela, en dépit des résultats d’une étude du Service de recherche du Congrès de 2011 qui stipulait : « …que le Congrès puisse utiliser la clause de (la loi sur le commerce) pour exiger que chacunE achète un bien ou un service, tenait du conte de fée ».

Au point de départ, les partisanEs de la loi ont refusé de réfuter le pouvoir simple et éloquent de l’argument qu’ont développé ses opposantEs : si le gouvernement peut vous obliger à acheter une assurance maladie, il peut vous obliger à n’importe quoi, même à manger du brocoli. Au lieu de répondre directement à cela, les partisanEs se sont réfugiuéEs dans les dédales des précédents légaux. Alors, le champion de l’administration Obama, le procureur Donald B. Verrilli jr est arrivé à la Cour sans réponse pertinente à la question qui de notoriété publique allait être posée.

Le patinage autour de cet enjeu n’a pas été fatal. Après avoir assez mal performé durant les audiences il a abouti à un argument qui, à l’époque, a semblé relever presque du désespoir : « Si jamais il y a quelque doute sur (l’applicabilité) de la ‘Commerce clause’, j’exhorte cette Cour à maintenir la couverture minimale en vertu du pouvoir de taxer ». C’est cet argument ténu que la cour a finalement utilisé pour sortir l’Affordable Care Act du fond des abysses.

Au point de départ, les libéraux-ales avaient raison d’être optimistes. Cette loi et son obligation faite à tous et toutes de s’assurer pour les soins de santé avaient été, dans le passé, la solution alternative des RépublicainEs à celle d’un plan plus gouvernemental pour que tous et toutes aient accès aux soins [4]. Mais, alors que les Démocrates et les libéraux-ales se bouchaient le nez pour adopter un plan qui touchait presque toute la population mais en préservant la primauté du marché de l’assurance maladie, les RépublicainEs se sont immédiatement attaqués à l’obligation d’achat d’assurance par tous et toutes avec les arguments les plus bas qu’il puisse se trouver. Au premier chef, Mitt Romney le candidat opposant à B. Obama cette année, a introduit ce genre de réforme au Massachusetts au cours de son mandat de gouverneur de cet État et qui est pour ainsi dire devenu, à son corps défendant, le parrain de l’Obamacare. Vient ensuite l’Heritage Foundation dont la proposition de plan d’assurance maladie comportait l’obligation de s’assurer. Finalement, le juge Antonin Scalia de la Cour Suprême qui a tout à coup découvert son opposition aux précédents légaux que comportent l’Obamacare juste à temps pour voter contre.

Ça n’a pas suffit. Le « Affordable Care Act » a survécu grâce à un sauveur inattendu, J. Roberts. Barak Obama, lorsqu’il était sénateur, avait annoncé qu’il voterait contre la nomination de John Roberts à la Cour Suprême. Il avait déclaré : « Dans les 5% de cas difficiles le texte constitutionnel ne sera pas l’ultime référence ; (dans ces cas), l’ultime référence est dans le cœur du juge ». Comme il trouvait le cœur de John Roberts un peu trop dur à son goût, il a voté contre la nomination de celui qui allait devenir le juge en chef de l’institution.

« Je vais voter contre cette nomination, avait déclaré B. Obama, mais je le fais avec beaucoup de réticence. J’espère que je me trompe ».

Il semble bien que ce soit le cas.


[1Dans une opinion dissidente. N.d.t.

[2Ces bénéfices sont déjà en vigueur. N.d.t.

[3Le jugement garantit aux États la capacité de refuser les fonds fournis par le gouvernement fédéral pour inclure dans le programme Medicaid les gens trop pauvres pour pouvoir se payer une assurance santé, même si ces fonds couvriront 100% des frais ainsi encourus par les États au cours des 3 premières années et 90% par la suite indéfiniment. N.d.t.

[4Plan Clinton en 1992. n.d.t.

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