Édition du 26 mars 2024

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Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Souveraineté alimentaire en Colombie, exemple d’une solidarité du CADTM

La Colombie a signé un traité de Paix avec les forces armées révolutionnaires colombiennes, FARC, le 26 septembre 2016, et un nouvel accord le 24 novembre 2016 suite au référendum du 2 octobre où le non aux accords de Paix l’avait emporté.

tiré de : [CADTM-INFO] Palestine, Asie, Grèce, Extractivisme, RDC, Colombie, France... les derniers

La question agraire est l’ossature du conflit : plus de 6 millions de déplacés, plus de 6 millions d’hectares de terre abandonnées à cause de la violence, 2 millions d’hectares auraient dû être restitués par le gouvernement en 2014 et seulement 0,34% ont été restitués en 2016.

Le développement de la campagne paysanne a été un axe fort et prioritaire des accords de Paix. Les campagnes colombiennes souffrent d’un abandon de l’Etat (65% de la population rurale vit dans la pauvreté et 33% dans l’extrême pauvreté). Mais la réponse du gouvernement porte sur le développement de la monoculture pour l’exportation. Les petits paysans sont contraints de s’endetter pour l’achat des semences et des intrants, se trouvent dépendants des prix des multinationales agricoles et doivent vendre leurs productions aux grandes surfaces.

Et, suite aux derniers Traités de Libre Commerce signés, entre autres, avec les États-Unis et l’Union européenne, les importations de produits alimentaires ont augmenté de façon spectaculaire jusqu’à plus de 300 % selon le produit. Pour satisfaire les demandes des multinationales semencières, le gouvernement a imposé des mesures très restrictives sur les semences paysannes [1]. Les petits paysans en Colombie se sentent très menacés par ces mesures sur les semences, par les prix élevés des intrants (21 jours de grève nationale des paysans entre août et septembre 2013), par les grandes difficultés à obtenir le droit à un espace public pour la vente des produits.

Or, l’agriculture paysanne joue encore un rôle très important dans la production alimentaire du pays (40 à 65 % des aliments de base sont fournis par l’agriculture familiale, voir même 75 % dans les grands centres urbains comme Bogota, autour de 50 % dans le Valle del Cauca). D’autre part, la population colombienne a une demande croissante de consommation de produits locaux et sains qui font défauts actuellement en Colombie. Soyons assurés que ces produits ne tarderont pas à être importés.

Grâce à leur résistance et leur organisation de longue date, les petits paysans sont en capacité de proposer des alternatives constructives pour le développement du monde rural. De nombreuses organisations de développement pour une agriculture paysanne familiale ont émergé ces dernières années. Le Réseau de Marchés Agro écologiques Paysans du Valle del Cauca soutenu par le CADTM et France Amérique Latine (FAL) est l’une de ces organisations.

Coopération et Solidarité internationale avec le Réseau de Marchés Agro écologiques Paysans du Valle del Cauca en Colombie (Valle del Cauca)

Ce projet paysan se situe dans le département du « Valle del Cauca » au sud-ouest du pays (capitale, Cali). La région, essentiellement montagneuse, entre deux cordillères centrale et occidentale, est traversée par le Cauca, l’un des grands fleuves de Colombie. La vallée du Cauca est dans sa totalité, occupée par la culture de la canne à sucre pour la production de combustible.

Le « Réseau de Marchés agro écologiques Paysans du Valle del Cauca » ou « Redmac » en Colombie, constitué en 2009, émane d’un processus de rapprochement de différentes initiatives de marchés agro écologiques de la région. Il concerne 330 familles d’agriculteurs (65% sont des femmes dont de nombreuses cheffes de famille, des indigènes et des afrodescendants), 12 marchés de 10 municipalités, une soixantaine d’organisations paysannes, plus de 1 000 consommateurs. Les Fermes « Pura Vida », « Porvenir » et « el Mirador » assurent de nombreuses formations auprès des étudiants d’Universités et d’organisations paysannes d’autres régions de Colombie et de pays d’Amérique Latine.

C’est une association reconnue légalement en Colombie qui dispose d’une reconnaissance au niveau de l’Amérique latine par la Communauté Andine des Nations (CAN), et deux reconnaissances internationales au niveau de l’agro écologie par la Fédération Internationale des Mouvements de l’Agriculture Organique (IFOAM) et par le Mouvement Agro écologique Latino Américain (MAELA). Son président, Alfredo Anasco, vient d’être nommé par l’IFOAM, en 2017, lors de leur 19e Rencontre Internationale en Inde (où la Redmac a été invitée), représentant de la Colombie pour les petits producteurs.

Il faut souligner aussi le travail constant de la Redmac pour des formations et des projets avec l’Université Nationale de Palmira dont les recherches portent sur l’agro écologie depuis plus de 20 ans.

La Redmac offre aux petits paysans le rêve que tous les êtres humains de la planète font pour ce XXIe siècle : nourrir la population sans assécher les ressources naturelles et s’adapter au changement climatique.

Avec ses paysans, la Redmac défend un projet de développement d’une agro écologie paysanne et familiale, viable économiquement, qui assure leur sécurité et leur souveraineté alimentaire et nutritionnelle. L’agroécologie comme mode de vie, est au centre de ses activités. Elle permet une agriculture non dépendante des ressources naturelles (ou très peu) et non dépendantes d’achat de semences, ni d’intrants. Elle développe la biodiversité par la multiplication des semences paysannes. Elle apporte aux familles et aux consommateurs une alimentation saine et riche sur le plan nutritionnel. La viabilité économique se réalise grâce à la vente directe des productions à un prix juste pour le paysan et le consommateur. Leur production de qualité est reconnue par un Système Participatif de Garantie (SPG).

Engagement du CADTM Grenoble et de France Amérique Latine

Ces associations appuient le Réseau de Marchés Agro écologiques Paysans du Valle del Cauca ou Redmac, depuis janvier 2014. Ce Réseau de Paysans a été contacté au départ par Danièle Coll Figueras (adhérente du CADTM et de FAL) lors de l’un de ses séjours de longue durée en Colombie.

Notre coopération et notre solidarité s’expriment par une aide financière et par notre collaboration dans le développement du Réseau. Une somme annuelle de 2 500 euros finance le transport des 24 représentants des 12 marchés afin qu’ils puissent se rendre aux réunions de concertation et de formation une fois par mois, à Buga, dans la vallée. C’est la seule aide financière que reçoit ce Réseau.

Ensemble, la Redmac et les deux associations locales (CADTM Grenoble et FAL), nous travaillons au développement de la Redmac : création d’un site web, recherche de financements, élaboration d’un projet de développement pour un tourisme rural dans les fermes du Réseau. Pour ce projet nous avons aussi l’appui de l’association Accueil Paysan [2].

Nos associations réfléchissent à la possibilité d’un échange de connaissances entre ces paysans et d’autres groupes de paysans (ou petites communes) en France, pour le développement de la biodiversité, la préservation des sols et l’adaptation au changement climatique.

C’est l’agriculture paysanne et la pêche de subsistance qui nourrissent l’humanité et préservent l’environnement, et non l’agriculture intensive, industrielle, commerciale et chimique.

Daniele-Coll Figueras

Notes

[1] Résolution 9.70 en 2011 : www.leyesdesemillas.com + http://www.avancejuridico.com/actualidad/documentosoficiales/2010/47648/r_ica_0970_2010.htm.

[2] Voir : www.accueil-paysan.com

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