Édition du 3 décembre 2024

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Vénézuela

Venezuela : Justin Trudeau ne travaille pas pour la paix

La crise au Venezuela vient d’accélérer sa dérive. Le chef du Parlement, Juan Guaido, s’est autoproclamé président du pays. Guaido est une créature du parti Volonté populaire, la formation la plus à droite, la plus radicale et la plus convaincue que l’intervention armée est le seul levier pour se débarrasser du chavisme.

Évidemment, Donald Trump s’est empressé d’accorder un appui formel à sa marionnette, le roitelet Guaido, suivi aussitôt de l’appui du nouveau dictateur du Brésil, Jair Bolsonaro et de Justin Trudeau. Dans cette foulée, sans aucun sens critique, ce dernier a avalé cette parodie de sortie de crise organisée dans les coulisses de la Maison-Blanche. Le Venezuela étant un pays souverain, il est inacceptable que le gouvernement canadien suive les bottines du président Trump. Et les médias d’ici semblent trouver cet appui inconditionnel du gouvernement canadien tout à fait normal alors qu’il s’agit d’un déni flagrant de démocratie, d’une sorte de coup d’état et d’un levier générateur de violence.

Ce triste scénario a été très bien préparé, rapporte Le Monde diplomatique du 24 janvier 2019 : « La veille, le vice-président américain Mike Pence avait invité les Vénézuéliens à manifester contre le président Nicolas Maduro, en les assurant du soutien des États-Unis. Et, quelques heures à peine après l’autoproclamation de M. Guaido, des camions publicitaires circulaient dans les rues de New York, évoquant la chute de « l’usurpateur » Maduro, remplacé par le « président Guaido. » Sans retenue aucune, le gouvernement américain traite un président élu d’usurpateur alors que Guaido, autoproclamé serait le président légitime. C’est à n’y rien comprendre.

Ce n’est pas par hasard, rapporte le grand journal espagnol El Pais du 25 janvier, si 70 intellectuels américains connus ont aussitôt pris position contre cette farce monumentale. En tête de ce groupe, Noam Chomsky et l’ancien rapporteur indépendant de l’ONU, Alfred de Zayas ; ils demandent au gouvernement américain de faciliter un dialogue plutôt que d’alimenter la crise politique. Il est clair, selon ces intellectuels, que le gouvernement américain veut la tête du président élu, Nicolas Maduro, en oubliant le chaos créé en Irak, en Libye, en Syrie et en Amérique latine par l’élimination de dirigeants et la mise en place de gouvernement fantoche de droite proaméricain. Le pays risque de s’enfoncer encore plus dans une crise dramatique dont nul ne connaît les conséquences désastreuses pour un peuple déjà appauvri. Ce sale coup de l’administration américaine n’est pas sans rappeler la triste fin de Salvador Allende, président du Chili dans les années 70 lorsqu’il fut éliminé par une junte militaire largement soutenue par Washington.

Évidemment, les causes du chaos au Venezuela ne datent pas d’hier. Le gouvernement Maduro n’a pas toujours pris les bonnes décisions sur le plan de la gestion de l’économie (question complexe qui mériterait un article à elle seule). En outre, le gouvernement américain n’a jamais pardonné au gouvernement du Venezuela d’avoir pris le contrôle de son industrie pétrolière. Afin d’alimenter la crise, depuis août 2017, le gouvernement américain impose des sanctions financières au Venezuela, en raison des difficultés de paiement du gouvernement vénézuélien à ses créanciers américains.

Hélas, le gouvernement du Venezuela n’a pris à temps toute la mesure de la crise pétrolière et des effets de la pratique d’étranglement des États-Unis (blocage de prêts bancaires, etc.). Une question cruciale reste sans réponse, estimait le Monde diplomatique : « Comment un pays qui a perdu plus de la moitié de sa production pétrolière et plus d’un tiers de son PIB en cinq ans peut-il renverser la tendance, alors que des sanctions américaines lui interdisent l’accès au financement international ? » (Temir Porras Ponceleon, Le Monde diplomatique, novembre 2018). Il n’a pas non plus pris soin de diversifier son économie.

Ce n’est qu’un volet des vieilles tactiques américaines connues et expérimentées à Cuba et ailleurs depuis longtemps. En bout de piste, si le roitelet Guaido s’érige un trône, les sociétés pétrolières américaines mettront enfin la main sur le pétrole du Venezuela. C’est l’enjeu principal derrière ce scénario catastrophique, pas le mieux-être du peuple. En d’autres mots, on déplore les problèmes sociaux sérieux pour justifier l’intervention américaine, mais on ignore les causes structurelles et aucune porte de sortie démocratique n’est proposée par Washington.

Aujourd’hui la rhétorique agressive de John Bolton contre le gouvernement du Venezuela atteint un sommet en mettant de l’avant la possibilité d’une intervention armée au Venezuela. Il est surprenant et inacceptable que le gouvernement du Canada endosse la stratégie américaine sans sourciller, ce dans l’indifférence générale. Le premier ministre a plié les jambes devant Donald Trump.

La sortie de crise devrait passer par un accord négocié, non par l’imposition d’une marionnette et encore moins une intervention armée. La démocratie s’enrichit par l’utilisation de stratégies pacifistes, pas par le langage des armes.

André Jacob

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