Édition du 16 avril 2024

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Politique québécoise

Administration publique sauce Marois. PQ-PLQ du pareil au même ? Le cas des Transports

S’il y a un changement de style entre le gouvernement de Pauline Marois et celui de Jean Charest, il n’en demeure pas moins qu’en matière d’administration publique nous assisterons sans doute à une continuité exemplaire. Il faut donc nous attendre à des décisions et des pratiques conformes aux principes mis en place au cours des trente dernières années. Des indices nous portent à l’appréhender.

Depuis le discours de la nouvelle première ministre à l’occasion de la présentation de son conseil des ministres jusqu’aux déclarations de fin d’année, en passant par le discours d’ouverture des travaux de l’Assemblée nationale et celui sur le budget, on nous a parlé avec conviction de l’état des finances publiques, de la nécessité de retrouver le déficit zéro rapidement et de s’occuper de la dette.

En ce qui concerne la fonction publique proprement dite, c’est le cas du ministère des Transports qui attire l’attention. Des problèmes importants ont été mis en lumière par plusieurs syndicats de la fonction publique dès les années 1990 ainsi que par le vérificateur général lui-même, dans son rapport pour l’année 2002-2003. Puis, en septembre 2011, le rapport Duchesneau en remettait. De plus, on nous apprenait récemment que le vérificateur interne du MTQ avertissait le ministère, en 2008, des risques que comportaient les réductions d’effectifs sur sa capacité à assurer une surveillance adéquate des chantiers de construction. Enfin, dans le contexte de corruption et de collusion que l’on connaît, il était incontournable d’annoncer la volonté du gouvernement de changer des choses dans les pratiques de ce ministère en matière de gestion des contrats.

Malheureusement, il semble que le gouvernement Marois n’ait rien trouvé de mieux comme solution que d’amorcer la transformation en agence d’une bonne partie du ministère des Transports. En effet, le 19 septembre dernier1, la première ministre a demandé au nouveau ministre des Transports, Sylvain Gaudreau, « de faire le ménage » et de transformer ce ministère en agence « de façon à en assurer l’intégrité, la transparence et l’efficacité. » Faut-il en conclure qu’à défaut d’être une « agence » les ministères manquent d’intégrité, de transparence et d’efficacité ?

Le 31 octobre, madame Marois annonçait dans son discours d’ouverture des travaux de l’Assemblée nationale que le ministère des Transports allait « se concentrer sur les fonctions de planification, de conception des orientations et des grandes politiques. » Elle précisait qu’un projet de loi serait déposé pour créer une « agence », qu’on devine plus autonome que le ministère, pour s’occuper des « fonctions opérationnelles » largement attribuées à des entreprises privées de la construction et du génie-conseil. Madame Marois veut nous faire croire qu’une agence renforcera le savoir-faire de l’État dans le domaine des transports et prétend que cela « permettra de gérer avec beaucoup plus de vigilance les fonds publics investis dans les transports. » Cela reste à voir. Il faut attendre le contenu du projet de loi annoncé pour évaluer jusqu’où ira le gouvernement.

On peut s’interroger sur la pertinence d’une telle approche et sur ses conséquences. En fait, nous risquons d’entendre les mêmes arguments servis par les libéraux lorsqu’ en avril 2011, le ministère du Revenu au complet est devenu l’agence du Revenu du Québec. Le ministre des Finances a justifié cette transformation par la nécessité d’accorder à Revenu Québec plus de marge de manœuvre en matière d’embauche et d’attribution de contrats afin d’atteindre de nouveaux objectifs de lutte à l’évasion fiscale. Pourtant, rien n’empêchait le gouvernement de fournir les ressources et les moyens nécessaires au ministère du Revenu, déjà très efficace et expert en la matière, pour atteindre les nouveaux objectifs en question.

Nous verrons probablement revenir dans les débats l’idée de soustraire l’Agence des Transports à l’application de la Loi sur la fonction publique. Il faudra voir si la nouvelle entité sera soumise à l’examen annuel du Vérificateur général ainsi qu’aux principes de la Loi sur l’administration publique, auxquels sont assujettis l’ensemble des ministères et plusieurs organismes gouvernementaux. Il y aura sans doute un conseil d’administration. Qui le composera ? Y retrouvera-t-on des représentants de l’industrie de la construction et des firmes de génie-conseil ? Des règles particulières de recrutement pourraient être adoptées, de même que des conditions de travail différentes de la fonction publique pourraient être mises de l’avant et des règles d’attribution de contrats mises en place. En quoi tout cela permettra-t-il de renforcer Transports Québec ? En fait, nous pourrions plutôt assister à un détournement de sens du service public avec l’introduction de modes de fonctionnement et de gestion calqués sur ceux de l’entreprise privée.

Dans le cas des Transports, on peut se demander ce qui justifie cette prétendue « réforme » alors que ses problèmes, notamment en ce qui concerne sa perte d’expertise et de « savoir-faire », sont intimement liés aux compressions budgétaires importantes, aux réductions d’effectifs catastrophiques et à l’orientation favorisant la sous-traitance tous azimuts, y compris en ce qui concerne la surveillance des travaux. Tout cela s’est produit à partir du milieu des années 1990, sous le gouvernement Bouchard avec Pauline Marois, tantôt présidente du Conseil du trésor, tantôt ministre des Finances. Le gouvernement Charest n’a eu qu’à poursuivre les mêmes politiques implantées par ses prédécesseurs affaiblissant dangereusement Transports Québec. Aujourd’hui, le gouvernement Marois semble reprendre les choses là ou le gouvernement du PQ les avait laissées en avril 2003. On pourrait dire sans trop se tromper que le PQ et le PLQ en matière d’administration publique c’est du pareil au même.


* Auteur de Fonction publique menacée ! Le néolibéralisme à l’assaut des services publics. 1981 à 2011. M Éditeur, Montréal, avril 2012. Serge Roy a également été président du Syndicat de la Fonction Publique du Québec de 1996 à 2001.

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