Édition du 5 novembre 2024

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Amérique centrale et du sud

Argentine : la jeunesse entre massivement en lutte contre Milei et l’austérité

Face au plan d’austérité de Milei qui pousse les universités d’Argentine au bord du gouffre, la mobilisation en défense de l’enseignement public a été massivement suivie ce mardi. Une entrée de la jeunesse dans la lutte contre Milei qui pourrait constituer un point d’appui majeur face au président d’extrême-droite.

24 avril 2024 | tiré de Révolution permanente | Photo : La Izquierda Diario
https://www.revolutionpermanente.fr/Argentine-la-jeunesse-entre-massivement-en-lutte-contre-Milei-et-l-austerite

Alors que le nouveau chef d’État de la République d’Argentine est en poste depuis le 10 décembre 2023, la situation des établissements de recherche et d’enseignement public a atteint un point de crise majeur. Ce mardi 23 avril, une nouvelle mobilisation massive est attendue à Buenos Aires et dans la plupart des grandes villes du pays pour défendre le droit à l’éducation publique dans les universités. Appelée par la quasi-totalité des forces politiques du pays (au-delà du PRO, le parti de Macri, et du parti de Milei, La Libertad avanza), la mobilisation concentrera la majorité des fédérations étudiantes et des centres étudiants, ainsi que des recteurs et des directeurs d’universités, y compris des universités privées.

« Augmenter le budget oui, piller les pensions et les salaires pour satisfaire le FMI et les grandes entreprises non ». C’est derrière ce mot d’ordre que les Jeunesses du Parti des travailleurs socialistes (PTS) appelaient l’ensemble de la jeunesse argentine et toutes celles et ceux qui souhaitent faire front contre les politiques mortifères du libertaire président argentin, Javier Milei, à se rendre massivement dans la rue ce 23 avril, à Buenos Aires et dans une dizaine de localités.

Les universités publiques touchées de plein fouet par l’inflation

Une situation dramatique qui n’est que le reflet de la politique de la « tronçonneuse » que revendique le nouveau président. Alors que la situation économique du pays est extrêmement dégradée, à l’image du taux de pauvreté qui a explosé depuis l’arrivé au pouvoir du dirigeant d’extrême-droite, passant de 45% à 57% de la population, et d’une hausse de l’inflation de 240% prévue en 2024, les universités du pays sont elles aussi en première ligne face à cette situation de paupérisation accélérée. En ce sens, face à la hausse de 700% des prix de l’électricité, suite à la dérégulation des prix de l’énergie voulue par Milei, certaines universités ont été contraintes de réduire à peau de chagrin leurs consommations énergétiques, à l’image de la Faculté de Médecine de Buenos Aires, dispensant des cours dans le noir une fois la nuit tombée.

Et pour cause, malgré l’inflation incontrôlée qui touche l’Argentine, le gouvernement de Milei a alloué, en 2024, aux établissements d’enseignement supérieur le même budget que l’année 2023. « Cela représente une contraction de pratiquement 70 % des budgets dans tous les domaines de l’éducation supérieure », dénonce Emiliano Yacobitti, vice-recteur de l’université de Buenos Aires, interrogé par Le Monde. En ce sens, les établissements doivent faire face à une hausse massive de leurs frais de fonctionnement, avec le quart du budget qui leur avait été alloué pour l’année 2023. Comme le souligne la Izquierda Diario, une augmentation de 300% des budgets universitaire serait nécessaire pour faire face à l’inflation prévue pour cette année. Un besoin qui contraste avec la récente annonce du gouvernement d’une hausse de 140% des seuls budgets de fonctionnement, budgets qui ne représentent que 5% des dépenses totales de universités.

Dans le même sens, alors que les sénateurs ont récemment augmenté leur revenu de 170%, les personnels du secteur doivent se contenter de salaires devenus faméliques. Comme le souligne un professeur de la Faculté d’architecture et d’urbanisme de La Plata, « beaucoup de professeurs viennent travailler pour trois fois rien. C’est grâce à eux que l’université survit ». Représentatif de cette situation, l’enseignant ne touche que 127 000 pesos par mois, soit 137 €. Un appauvrissement généralisé à l’image, là encore, de la situation nationale, alors que le pouvoir d’achat des argentins a été réduit de plus de 20% depuis le choc austéritaire mené par Milei.

Vers mobilisation générale contre Milei ?

Pourtant face au tollé national mais également international provoqué, à l’image de la lettre ouverte de soixante-huit Prix Nobel internationaux s’inquiétant que « le système de sciences et de technologies argentin s’approche d’un dangereux précipice », la présidence d’extrême droite ne répond que par le mépris.Réagissant à la lettre des nobels, le porte-parole du gouvernement, Manuel Adorni, affirmait que « L’Argentine est un pays paupérisé avec la moitié de sa population vivant sous le seuil de pauvreté. La science qui n’apporte pas de bénéfice direct pour la société ne sera pas financée ». Une déclaration qui illustre le dessein que réserve Milei à l’enseignement et à la recherche publique, faire table rase des domaines relevant des sciences humaines et sociales, accusés de mener une « bataille culturelle », et la privatisation.

Une posture qui pourrait couter cher au président Argentin, qui a été contraint, face à la montée de la contestation d’organiser une allocution télévisée pour vanter réformes largement impopulaires. En effet, comme le souligne RFI, «  l’éducation et l’université publique et gratuite sont une fierté pour beaucoup d’Argentins, et la mobilisation de ce mardi pourrait être l’une des plus importantes depuis son élection ». De nombreux secteurs ont appelé à la mobilisation ce mardi, des franges du perronisme, en passant par les radicaux à l’extrême-gauche. Un appel qui n’est pas propre au secteur de l’enseignement supérieur, à l’image du syndicat d’enseignants du primaire et du secondaire Ademys, qui a appelé à la grève pour cette journée de mobilisation, et qui a poussé la principale centrale syndicale du secteur, l’UTE/Ctera à en faire de même. Un mouvement qui a été également suivi par des nombreux comités de quartier et par les principales centrales syndicales, comme la CGT.

En plus des enseignants se sont également des larges couches des secteurs étudiants qui se sont mobilisés en amont du 23 avril, afin de préparer la mobilisation. En ce sens, les Jeunesses du PTS se sont réunis ou ont directement appelé dans différents lieux d’études à des assemblées, rassemblant plusieurs milliers de jeunes. Un début d’auto-organisation du secteur étudiant, qui au travers des mots d’ordres revendiqués à l’issu des assemblées, illustre la colère qui traverse l’ensemble de la société et qui dépasse largement le seul cadre de l’enseignement supérieur. À l’université de Buenos Aires, l’assemblée de la faculté des sciences sociales a ainsi voté la mobilisation avec le slogan : « Contre la loi omnibus, l’austérité budgétaire et la réforme du travail », tandis que l’assemblée de la faculté d’architecture a elle voté un appel avec le slogan : « Budget de l’université OUI au pillage des retraités et des travailleurs pour se conformer au FMI et aux grandes entreprises, NON au DNU, à la nouvelle loi omnibus et à la contre-réforme du travail qui attaque le droit de grève des travailleurs de l’éducation. »

La mobilisation de ce 23 avril pourrait donc figurer comme un véritable tournant dans la mobilisation et la résistance contre les politiques de Milei, en mobilisant de nombreux secteurs, mais également en faisant finalement entrer la jeunesse dans la bataille contre le dirigeant d’extrême droite. Une combativité que les étudiants membres du PTS, souhaitent maintenir au-delà de la mobilisation de ce mardi, tel qu’ils le revendiquent dans leur appel : « Après la marche, nous devons continuer à développer l’organisation dans chaque faculté et la coordination avec les travailleurs en lutte et les assemblées de quartier ».

Les attaques à l’université doivent être comprises comme un pas supplémentaire dans une politique de mise en dépendance du pays au capital international et d’attaque contre l’accès à l’université pour tous, et ce en sapant un système universitaire déjà profondément défaillant et attaqué de toutes parts par les gouvernements qui se sont succédé ces dernières décennies. Si le mouvement étudiant argentin n’a pas été particulièrement présent ces dernières années en matière de mobilisation, il pourrait être amené à jouer un rôle central pour infliger une défaite à Milei et ses alliés.

Une perspective d’autant plus nécessaire alors que deux journées de mobilisation d’ampleur se profilent en Argentine. Le 1er mai d’une part, et le 9 mai d’autre part. Il y a en effet un enjeu important à ce que cette dernière date, appelée par les principales directions syndicales du pays, devienne l’épicentre et le début d’un front large de combat contre Milei. Cette journée de grève contre la réforme du code du travail, finalement appelée par une CGT sous la pression de sa base. Une mobilisation d’ampleur ce mardi, et l’entrée du secteur étudiant dans la mobilisation contre les politique du président d’extrême droite pourraient permettre de contraindre les direction syndicales à ne pas se contenter d’une journée de lutte contre la réforme du droit du travail, mais également contre l’ensemble des législation réactionnaire de l’exécutif argentin, au premier rang desquels le méga DNU ou la nouvelle loi omnibus prochainement discutée au Parlement. Cette position, refusant le dialogue social entretenu par les directions syndicales, et pour une direction combative de la mobilisation contre Milei, est clairement revendiqué par l’appel jeunes militants du PTS : « A bas la nouvelle loi omnibus, la réforme du travail écrite par le radicalisme et le DNU ! Que la CGT, le CTA et les organisations appelant à la marche sur la 23 avril appellent à se mobiliser le jour de la discussion de la loi ! Pour la grève appelée le 9 mai, nous exigeons une grève nationale active ! ».

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