Édition du 26 mars 2024

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Environnement

Ces milliards de subventions aux énergies fossiles

Presse-toi à gauche vous offre une analyse intéressante sur les appuis étatiques et autres à l’industrie des énergies fossiles ainsi que le déséquilibre provoqués sur le développement des énergies propres. L’article est tiré du blogue de Audrey Garric du quotidien Le Monde du 20 janvier 20123.

"La maison est en feu, et pour éteindre l’incendie, nous jetons des seaux... d’essence." C’est par ces mots que Damian Carrington, journaliste au Guardian, pointait l’un des pires paradoxes de nos politiques en matière de lutte contre le changement climatique : les énergies fossiles, responsables de larges émissions de gaz à effet de serre, reçoivent un soutien financier tant substantiel que discret de la part des gouvernements, les rendant artificiellement bon marché et encourageant leur usage. Au contraire, les énergies renouvelables font le plein de promesses mais beaucoup moins de financements. Au final, le pétrole, le gaz et le charbon s’avèrent 500 % plus subventionnés que l’éolien, le solaire ou la biomasse.

A l’appui de cette démonstration, le quotidien britannique s’est livré à un exercice de collecte de données et de réalisation d’infographies fort intéressant — domaine dans lequel il excelle.

Ce premier graphique détaille, à partir des chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les différentes subventions versées dans le domaine de l’énergie au cours des dernières années. Comme le schéma le montre clairement, les combustibles fossiles représentent l’écrasante majorité des énergies financées : le pétrole a ainsi reçu 193 milliards de dollars d’aides en 2010, le gaz 91 milliards et l’électricité produite à partir d’énergies fossiles 122 milliards, contre 44 milliards de dollars pour l’électricité d’origine renouvelable et 22 milliards pour la biomasse. En 2008, 500 milliards de dollars ont été déboursés pour soutenir l’ensemble des énergies fossiles, soit l’équivalent du PIB de la Suède ou de l’Arabie Saoudite.

Où et comment cet argent est-il fourni ? Ces subventions consistent essentiellement dans des politiques gouvernementales visant à maintenir le prix final des carburants fossiles en-dessous du coût de l’approvisionnement. Selon l’AIE, l’essentiel de ces "subventions à la consommation" sont versées dans les pays en développement. Autre constat : ces aides sont importantes dans les pays qui exportent beaucoup de combustibles fossiles, qu’il s’agisse du pétrole saoudien ou du gaz russe. L’explication, selon l’AIE, réside dans le fait que ces pays y voient une façon de partager avec leur population les avantages de l’exportation de combustibles.

Dans les pays riches, ces subventions prennent aussi la forme de mécanismes indirects, comme les crédits d’impôts. L’OCDE, qui a listé 250 mécanismes d’aides indirects (http://www.oecd.org/dataoecd/40/35/48805150.pdf)(, reconnaît que l’aide financière totale fournie par ses Etats membres aux compagnies productrices d’énergies fossiles oscille entre 45 et 75 milliards de dollars.

Que se passerait-il si l’on mettait fin à ces aides ? Selon les modèles de l’AIE, nous assisterions à une réduction massive de l’utilisation mondiale de combustibles fossiles :

Il en découlerait, naturellement, une réduction très importante des émissions de CO2. Le graphique suivant montre la réduction des émissions carbonées en 2015, 2020 et 2035, qui serait engendrée par l’arrêt des subventions aux énergies fossiles. En 2035, cette mesure empêcherait ainsi l’émission de 2,6 milliards de tonnes de CO2 soit, selon les estimations de l’AIE, la moitié des "gains" nécessaires pour limiter la hausse mondiale des températures à 2°C.

Manifestement, donc, la lutte contre le changement climatique passe en partie par l’arrêt, ou au moins la limitation, des subventions aux combustibles fossiles, notamment dans des pays comme la Russie et l’Arabie saoudite, où l’empreinte carbone par habitant est déjà plus élevée que la moyenne mondiale. Mais la tâche est malaisée, tant dans les pays riches, où le lobby pétrolier et gazier s’avère très puissant, que dans les pays en développement, auxquels il reste difficile de demander de limiter des subventions qui servent aussi à sortir de la précarité énergétique les classes les plus pauvres.

On peut aussi rétorquer à ce travail de collecte de données que les énergies fossiles sont plus largement subventionnées que les renouvelables dans la mesure où elles sont plus largement répandues et utilisées — les chiffres des subventions n’ayant pas été rapportés aux volumes des énergies. Par ailleurs, rien ne garantit que l’arrêt de ces aides permette de suffisamment développer les énergies renouvelables de manière à ce qu’elles puissent prendre le relais d’ici vingt ans. Reste que dans l’idée, financer largement un secteur autant rentable que polluant, celui des énergies fossiles, n’aide pas à trouver des solutions pour préparer une transition énergétique rapide et efficace.

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