Édition du 3 décembre 2024

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Amérique centrale et du sud

Chili. Rejet de la Constitution d’extrême droite, mais maintien de celle de Pinochet

Le « non » l’a emporté lors du plébiscite organisé au Chili, au cours duquel les citoyens et citoyennes devaient exprimer leur accord ou leur désaccord avec le nouveau projet de constitution élaboré par le Conseil constitutionnel [élu le 7 mai 2023 et composé de 50 membres], un organe composé principalement de représentants de la droite et du Parti républicain d’extrême droite, un secteur dirigé par l’ancien candidat à l’élection présidentielle José Antonio Kast.

Tiré d’À l’encontre.

Selon les données fournies par le Service électoral chilien (Servel), après dépouillement de plus de 99,86% des bureaux de vote, le « non » a obtenu 55,76% des voix [6’890’826] contre 44,24% [5’457’264] pour le « oui ».

Ainsi, comme cela s’était produit en septembre 2022 [le « non » avait réuni 61,89% des votes, le « oui » 38,11%] – alors que, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, le projet de nouvelle constitution avait été élaboré par une Convention constitutionnelle majoritairement de gauche –, la majorité des Chiliens et Chiliennes s’est prononcée contre la modification de la Magna Carta. Il en découle que la Constitution rédigée en 1980, sous la dictature d’Augusto Pinochet, continue d’être en vigueur [1].

Une fois les résultats connus, l’ultra-droitier José Antonio Kast, l’un des principaux promoteurs de l’acceptation, a émis un message dans lequel il critique l’ensemble du processus entamé après la flambée sociale de 2019, qu’il a qualifiée de « flambée criminelle ». Il continue ainsi selon Radio Bio Bio : « Nous sommes peut-être tristes, mais nous sommes heureux, parce que nous avons fait le job, parce que nous avons été cohérents, parce que nous pouvons regarder n’importe qui dans les yeux et dire que nous avons fait ce qu’il fallait, et c’est quelque chose qui nous remplit de fierté. Nous, les Républicains, sommes différents. Quand nous gagnons, nous gagnons, et quand nous perdons, nous perdons. Et ce soir, une grande majorité de Chiliens a rejeté le projet de Constitution que nous avons soutenu au Conseil constitutionnel. Nous reconnaissons cette défaite avec une grande clarté, mais aussi avec beaucoup d’humilité. »

José Antonio Kast a déclaré que les Républicains avaient échoué « dans leur tentative de convaincre les Chiliens qu’il s’agissait d’une meilleure Constitution que l’actuelle et du dispositif le plus sûr pour mettre fin à une situation d’incertitude politique, économique et sociale ».

Il a également déclaré qu’il n’y avait pas lieu de se féliciter. « Ni pour la gauche, ni pour le gouvernement, ni pour la droite, parce qu’au cours de ces quatre dernières années le pays a subi des dégâts considérables qu’il faudra des décennies pour réparer. Mon espoir est qu’aujourd’hui marque la fin d’une triste étape de notre histoire, qui a commencé par une flambée de criminalité […] et qui se termine ce soir par une manifestation démocratique massive qui clôt ce cycle de débat constitutionnel. »

***

Plus tard, c’est le président chilien, Gabriel Boric [en fonction depuis le 11 mars 2022], qui a pris la parole depuis le Palais de la Moneda, indiquant clairement que le cycle de tentatives d’élaboration d’une nouvelle constitution ne se poursuivrait pas sous son gouvernement. « Pendant notre mandat, le processus constitutionnel sera interrompu, les urgences sont autres. Le processus a suscité de la déception et même de la lassitude », a déploré le président de gauche âgé de 37 ans. Il a reconnu que, suite aux deux processus constitutionnels infructueux, « le pays s’est polarisé et divisé, et malgré ce résultat marquant [le « non » du dimanche 17 décembre] les deux processus n’ont pas réussi à concrétiser les espoirs d’avoir une nouvelle constitution rédigée pour tous », ce qui a eu pour conséquence de « laisser la politique en situation de dette à l’égard du peuple chilien ».

Selon le quotidien El Mercurio, Gabriel Boric a déclaré que ces référendums devraient servir de leçon pour l’ensemble de la société. « Nous ne pouvons pas commettre la même erreur que lors des référendums précédents, le pays est fait par nous tous, et ceux qui triomphent lors d’une votation ne peuvent pas ignorer ceux qui sont conjoncturellement défaits. »

Faisant référence aux deux projets constitutionnels, le chef de l’Etat a souligné que « ni l’une ni l’autre n’ont réussi à représenter ou à unir le Chili dans sa belle diversité ». Gabriel Boric a déclaré qu’à ce stade, après les résultats, il n’y avait de place « ni pour la célébration ni pour l’arrogance. Le ballon doit être remis au centre, il faut de l’humilité et du travail, beaucoup de travail », a-t-il déclaré. (Article publié dans le quotidien uruguayen La Diaria, le 18 décembre 2023 ; traduction rédaction A l’Encontre)


[1] Les forces politiques se prononçant en faveur du « oui » le 17 décembre étaient : le Parti républicain, le Renouveau national (RN), l’Union démocratique indépendante (UDI) et Evópoli (créé par Andrés Molina en fin 2012, lors du deuxième tour des présidentielles de 2021 le parti a appuyé José Antonio Kast). Le « non » était soutenu par le parti au pouvoir, Convergence sociale, et une coalition composée par le Parti socialiste, Parti pour la démocratie, le Parti radical et le Parti libéral, le Frente Amplio qui réunit Convergence sociale, Révolution démocratique et Communes, ainsi que le Parti communiste. (Réd.)

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