Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Congrès du Parti québécois : Se préparer à la conquête du pouvoir provincial ! (II)

Les 15, 16 et 17 avril, le Parti québécois a tenu son XVIe congrès. Ce congrès a jeté les bases d’un tournant majeur sur la question nationale et il a consacré le pouvoir de Pauline Marois sur le Parti québécois.

Le couronnement de Pauline Marois

Pauline Marois jubile. Elle a obtenu 93 % des votes de ses militantes et de ses militants lors du vote de confiance. C’est un véritable couronnement. Ce vote a ainsi consacré sa souveraineté personnelle sur le Parti québécois. C’est maintenant le règne de Pauline Marois sur le Parti québécois. Et c’est bien ce à quoi servent ces fameux votes de confiance. Elle peut maintenant imposer ses choix et modeler le PQ selon ses conceptions propres. Elle en a d’ailleurs fait une démonstration exemplaire en faisant renverser par une intervention une proposition adoptée auparavant sur l’affichage unilingue. Elle a dit sa volonté. Le parti a suivi.

Une étrange alchimie : une politique autonomiste comme stratégie souverainiste

La perspective de gouvernance souverainiste est maintenant consacrée. Cette perspective confie au gouvernement, particulièrement à la chef du gouvernement, le moment où pourrait se tenir un éventuel référendum. La proposition de former un comité de préparation de la stratégie souverainiste pilotée par Lizette Lapointe, députée de Crémazie, a été rejetée par une forte majorité.

Exercer l’ensemble des compétences définies par la constitution canadienne, une politique autonomiste, deviendrait la voie de la souveraineté. Cherchez l’erreur ! Dans cette logique, le gouvernement péquiste a l’initiative en tout. Le peuple québécois n’aura qu’à regarder la partie... Et son indignation pourrait être mobilisée, un jour peut-être, si elle devait se manifester.

Les indépendantistes qui croyaient que le peuple devrait se prononcer au plus vite dans un référendum pour manifester la volonté populaire ont été défaits. Le discours de ceux et celles qui croyaient qu’une stratégie pour l’indépendance passe par une mobilisation populaire pour construire un rapport de forces avec l’État fédéral est resté inaudible.

Un programme construisant la cohérence du parti autour d’une démarche identitaire

Maintenant, la tâche est de transformer le PQ en une puissante machine électorale. Le pouvoir est là à portée de main. Le parti a gagné en cohésion. Mais c’est une cohésion personnelle derrière Pauline Marois et les futurs ministres d’un éventuel gouvernement péquiste.

Mais le programme adopté devrait permettre, selon l’affirmation de Pauline Marois dans son discours de clôture, de faire du Québec le pays le plus solidaire d’Amérique du Nord. Le choix des mots n’est pas innocent. Le Québec sera solidaire d’abord d’une démarche identitaire construite autour du combat linguistique : extension de la loi 101 au cégep, lutte pour faire du français la langue de l’administration publique, la langue de travail... Voilà les dossiers que veut ouvrir un gouvernement péquiste pour régler la question de la langue et assurer la cohérence de la société québécoise à ce niveau. Le gouvernement péquiste adoptera une charte de la laïcité où il proclamera les grandes valeurs de la société québécoise. Il définira une constitution québécoise et précisera ce qu’est un citoyen ou une citoyenne québécoise et les conditions de l’accession à un tel statut. Le PQ compte sur l’approfondissement d’une telle logique identitaire, du discours nationaliste sur les conditions de l’appartenance pour maintenir et renforcer son enracinement dans la société québécoise. Au niveau de généralités où se situe ce programme, la politique concrète d’un gouvernement péquiste reste encore à définir... Mais ici, il s’agit de présenter aux Québécois-e-s les raisons d’un ralliement au Parti québécois d’abord fondées sur la logique identitaire et non sur une logique de l’éclaircissement des voies de la libération nationale et de l’égalité sociale...

Un programme ambigu qui fait une lecture nationaliste de certaines pressions des mouvements sociaux

Le congrès du Parti québécois a adopté un certain nombre de mesures qui manifestent une ouverture à certaines pressions du mouvement écologique. La centrale Gentilly 2 sera fermée. L’énergie atomique n’a pas d’avenir. On va développer l’énergie éolienne. Le programme propose d’électrifier les transports. Mais ce programme est ouvert. Les hydrocarbures vont être exploités, mais on va revoir les redevances. Le Québec sera vert, mais ouvert à l’exploitation des énergies fossiles. Le Québec sera vert tout en respectant la liberté d’entreprise et les impératifs de la rentabilité des différents types d’énergie.

Le gouvernement péquiste va protéger l’accès à l’enseignement supérieur, mais il ne défendra pas la gratuité scolaire à tous les niveaux et il tiendra une conférence pour évaluer quelle devrait être la contribution des étudiant-e-s au financement de leurs études.

Un gouvernement péquiste prétend permettre au Québec de reprendre le contrôle sur la démocratie. Il tiendra une enquête publique. Il diminuera les contributions aux partis politiques à 100$. Mais il continuera à maintenir un système électoral antidémocratique. Il ne remettra pas en cause la concentration des pouvoirs dans les mains du premier ministre. Il ne questionnera pas les pouvoirs des citoyennes et citoyens sur leurs représentant-e-s. Il ne remettra pas en question la concentration de la presse dans les mains de deux grands trusts.

Un discours approximatif attrayant qui laissera un gouvernement péquiste le pouvoir d’agir en toute liberté

Pauline Marois croit avoir la direction et le programme pour renforcer son parti. Le programme a été fait sur mesure pour cela. Elle appelle les jeunes à s’impliquer dans le Parti québécois. Si on prend le pouvoir, dit-elle, tout redevient possible. Et cela d’autant plus que le PLQ bat encore des records d’impopularité.

François Legault, pour sa part, aura compris qu’il ne peut s’attendre à aucune dissension significative au sein du Parti québécois dans les mois qui viennent. Il devra soit abandonner son projet de Coalition pour l’avenir du Québec, soit opérer un rapprochement à marche forcée vers l’ADQ et organiser une fusion avec ce parti. Une partie de la droite néolibérale cherche un nouveau véhicule, en dehors du PLQ et du PQ, et un espace reste ouvert pour un tel projet.

Une unité construite sur l’absence de stratégies claires et sur des faux semblants.

Pas de stratégie d’accession à la souveraineté. En fait, malgré la rhétorique de Pauline Marois, sa stratégie exclut l’intervention populaire pour un temps indéterminé et va permettre que se consolide une couche de gestionnaires provincialistes qui ne voudront plus remettre en question leurs privilèges. Pas de stratégie de construction d’un Québec vert. Le capitalisme vert reste la voie privilégiée avec toutes les contradictions qui le traversent et qui vont rebondir aux visages des environnementalistes qui auront attaché leurs espoirs à une telle orientation.

Pas de stratégie pour une nouvelle répartition de la richesse qui ne peut se fonder que sur le renforcement des droits des travailleurs et des travailleuses et sur la remise en question de la concentration de ces richesses dans les mains de la classe dominante.

Pas de stratégie claire pour intégrer réellement les différentes composantes de la société québécoise au-delà d’une démarche identitaire et qui ferait de la lutte pour l’égalité et contre l’exclusion, le cœur de l’intégration de la société québécoise.

La cohérence du projet péquiste est construite sur des approximations et des illusions. La construction d’un Québec indépendant et solidaire ne fera pas l’économie de l’éclaircissement des chemins stratégiques qui devront être empruntés. Si le congrès du PQ ne s’est pas imposé une telle tâche, c’est que le PQ n’a pas l’ambition d’opérer une transformation sociale véritable, car sa direction aspire avant tout à gérer un gouvernement provincial.

(Pour lire la première partie de cet article)

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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