Édition du 3 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Débats : quel soutien à la lutte du peuple ukrainien ?

Contre les délires complotistes Huit vérités pour comprendre la guerre russo-ukrainienne

Au moment où la tentative de coup d’état de Yevgueny Prigojine et l’élimination brutale qui s’ensuivit du même Prigojine et des autres dirigeants de l’armée privée Wagner donnent lieu à une avalanche de commentaires extravagants plus ou moins complotistes, rien de mieux que s’en tenir aux faits et aux évidences qui d’ailleurs abondent dans cette guerre russo-ukrainienne. Alors, pour mieux s’orienter dans ce labyrinthe cauchemardesque, rappelons quelques unes de ces vérités qui crèvent les yeux…

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/09/04/contre-les-delires-complotistes/

1. Tout d’abord, si on parle aujourd’hui des conséquences cataclysmiques de cette guerre qui dure maintenant depuis 18 mois, on le doit au Président Ukrainien Volodymir Zelensky. Pourquoi ? Mais, parce que c’est lui qui a pris de court tout le monde, les stratèges du Kremlin mais aussi les alliés occidentaux, États-Unis en tête, quand au lendemain de l’invasion de son pays par l’armée russe, il a choisi de rester au pays et se battre jusqu’au bout, refusant la proposition du président Biden de l’exfiltrer de l’Ukraine avec sa phrase désormais historique « La bataille sera menée ici, en Ukraine. J’ai besoin d’armes, pas d’un taxi » ! D’ailleurs, la suite des événements a prouvé que le choix de Zelensky de résister était pleinement partagé par l’immense majorité de ses compatriotes, citoyens russophones inclus. Voilà donc pourquoi la promenade de santé de l’armée russe s’est vite transformée en débâcle et pourquoi elle n’a pas pu conquérir Kiev et le reste de l’Ukraine en 3-4 jours, comme le prédisaient le Kremlin mais aussi l’OTAN. Et aussi, voici pourquoi les alliés occidentaux, poussés par leurs opinions publiques, ont été contraints de changer radicalement leurs plans et commencer à aider l’Ukraine à se défendre.

2. Cependant, « aider l’Ukraine à se défendre » n’a jamais signifié pour les occidentaux… aider l’Ukraine à battre la Russie. Comme on l’écrivait déjà en février passée, « prêchant -d’une façon ou d’une autre – la nécessité de « ne pas humilier Poutine », la plupart de ces propositions de paix sont conditionnées par le besoin des grandes puissances occidentales de ne pas couper les ponts avec la Russie, son marché et ses matières premières. C’est d’ailleurs pourquoi l’aide militaire offerte par les pays occidentaux à l’Ukraine fait imperceptiblement penser à celle offerte jadis par les pays du « socialisme réellement existant » au Vietnam luttant contre l’agression américaine : suffisante pour ne pas être vaincu mais insuffisante pour vaincre… » [1]. Voici donc pourquoi l’aide militaire occidentale, et surtout américaine, aux Ukrainiens a toujours été donnée au compte-goûte et après mille tergiversations, empêchant ainsi l’armée ukrainienne de profiter de ses victoires successives autour de Kharkiv (septembre 2022) et ensuite à Kherson (novembre 2022), pour porter l’estocade à une armée russe alors au bord de l’effondrement.

3. Ce n’est pas donc un hasard que déjà en juin 2022, nous constations que « les « bizarreries » de cette guerre n’ont pas de fin. Par exemple, comment expliquer le fait – sans précédent dans l’histoire mondiale- que les deux pays en guerre n’ont pas les mêmes droits et ne se battent donc pas à armes égales ? C’est-à-dire que tandis que l’un (la Russie qui agresse) a le droit d’avoir une force aérienne, l’autre (l’Ukraine qui se défend) ne l’a pas. Que l’un (la Russie) a le droit de monopoliser le ciel de l’autre (l’Ukraine), tandis que cet autre – qui est en fait celui qui se défend – n’a que le droit de se faire arroser de bombes et de missiles tombés du ciel. Et aussi, alors que la Russie peut avoir et utiliser des armes lourdes de toutes sortes et sans aucune restriction, l’Ukraine qui se défend ne peut utiliser que des armes « défensives » et aucune arme « offensive ». Et en plus, alors que la Russie peut bombarder l’Ukraine en canonnant et en tirant des missiles depuis les territoires russe et biélorusse, il est expressément interdit à l’Ukraine de riposter en frappant des cibles à l’intérieur de la Russie et du Belarus, etc. etc » [2]. Malheureusement, 18 mois plus tard, ce texte reste d’une actualité brûlante…

4. La raison principale qui explique le refus constant des occidentaux, et surtout des États-Unis, de donner à l’Ukraine tout ce qu’elle aurait besoin pour gagner cette guerre, est que les dirigeants américains ont comme priorité absolue de tout faire pour affronter leur principale, sinon unique, concurrent et adversaire, c’est à dire la Chine ! C’est d’ailleurs pourquoi les États-Unis ont toujours voulu non seulement ne pas ouvrir un second front contre la Russie, mais aussi clore au plus vite le chapitre de la guerre russo-ukrainienne, forçant si besoin Kiev à abandonner p.ex. la Crimée en échange d’une paix même fragile. C’est-à dire faire l’exact opposé de ce que prétendent tous ceux qui attribuent aux dirigeants américains l’intention de faire durer indéfiniment la guerre en Ukraine…

5. C’est uniquement sa guerre contre l’Ukraine, et non pas les intrigues et autres « complots » des occidentaux, qui déstabilise le pouvoir jusqu’alors plutôt stable du président Poutine. Par exemple, sans cette guerre et sa conduite désastreuse, Yevgueni Prigojine n’aurait jamais imaginer se mettre à la tête d’une petite armée de plusieurs milliers de ses mercenaires appuyés par environ 400 blindés et autres véhicules militaires pour marcher sur Moscou, contre l’état major de l’armée russe et même contre le Kremlin ! Et ce ne sont pas évidemment les « complots » de l’OTAN qui sont responsables de l’élimination brutale des trois principaux dirigeants de Wagner, ni des épurations successives – non moins brutales – des dizaines de très haut gradés et généraux russes, ni de la multiplication des armées et autres milices privées, ni de la dérive de plus en plus autoritaire, répressive, antidémocratique et dictatoriale du régime Poutine aux abois. Ayant carrément inventé une guerre coloniale totalement inutile contre l’Ukraine au nom aussi bien des traditions que des ambitions impériales de leur Grande Russie, Poutine et ses complices paient maintenant le prix de leur folie des grandeurs impérialistes : leur pouvoir est en train d’entrer en crise terminale, leur Fédération de Russie est désormais menacée d’éclatement et surtout, une guerre civile chaotique et terriblement dangereuse se profile à l’horizon…

6. Évidemment, le manque de motivation des uns (des Russes) et le surplus de motivation des autres (des Ukrainiens) expliquent en partie l’échec de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. Toutefois, cet échec restera un mystère tant qu’on ne tiendra pas compte des tares traditionnelles de l’armée de cette Russie si longtemps présentée comme « la deuxième puissance militaire du monde après les États-Unis ». En effet, fonctionnant selon le modèle soviétique de l’ère stalinienne, c’est à dire très centralisée, n’encourageant pas l’esprit d’initiative de ses officiers, manquant de sous-officiers, traitant ses conscrits de façon bestiale et agissant selon des plans préconçus appliqués à la lettre, l’armée russe est minée de l’intérieur par une corruption diffuse à tous les échelons, et surtout par l’obéissance aveugle que ses militaires sont tenus de montrer envers leurs supérieurs. Les conséquences en sont désastreuses : la réalité ne remonte pas au sommet de hiérarchie car elle est systématiquement cachée aux supérieurs qui ne veulent pas apprendre que de « bonnes nouvelles ». C’est ainsi que plusieurs dizaines des généraux russes qui ont osé dire la triste vérité, ont été immédiatement démis de leurs fonctions (comme p.ex. l’architecte des rares succès russes durant cette guerre, le très brutal mais aussi très compétant général Sourovikine) et remplacés par d’autres qui dissimulent leur incompétence derrière leur servilité ! D’ailleurs, c’est exactement cette conduite servile qui a fait que le tout puissant FSB (contre-espionnage russe) a persuadé Poutine de déclencher l’invasion de l’Ukraine, en lui présentant une image de la réalité ukrainienne (militaire, sociale et politique) aux antipodes de celle qu’a rencontrée sur le terrain l’armée russe, avec les résultats catastrophiques qu’on connaît [3]…

7. Cependant, ces échecs retentissants de l’armée russe ne doivent pas nous induire à croire que la fin de cette guerre est proche, et cela d’autant plus que cette armée russe s’est depuis ressaisie, et profitant du manque des moyens des Ukrainiens qui n’ont pas pu transformer l’essai de leurs victoires de l’automne passé, elle a consolidé partout ses défenses. Alors, encore plus que par le passé, se pose aujourd’hui la question qui est primordiale depuis le début de cette guerre : quel soutien à la victime de cette agression, afin qu’elle puisse défendre efficacement le droit d’exister de sa nation, de son État et de ses citoyens. Pourquoi ? Mais, parce que le président/dictateur Poutine qui a voulu et qui a déclenché cette agression armée caractérisée, a eu le mérite d’expliquer publiquement à plusieurs reprises en détail et très clairement l’objectif de sa guerre : effacer une fois pour toutes du visage de la terre l’État Ukrainien et tout ce qui rappelle l’Ukraine car, selon lui, ni la nation ukrainienne ni les Ukrainiens n’ont jamais existé ! [4].

8. La réponse, notre réponse doit être claire et catégorique : tout faire pour soutenir les Ukrainiens face aux pressions et aux chantages des « amis » occidentaux qui ne cherchent qu’à défendre leurs propres intérêts impérialistes. Et surtout, tout faire pour que les Ukrainiens puissent vaincre cet ennemi grand-russe décidé à les exterminer ! Ce qui se traduit par armer les Ukrainiens de façon adéquate pour qu’ils puissent au moins se battre à armes égales ! Car tout sera décidé sur le champ de bataille. Tout le reste n’est que bavardage indécent, hypocrite et de mauvaise foi [5]…

Notes

[1] https://blogs.mediapart.fr/yorgos-mitralias/blog/230223/quelle-paix-pour-l-ukraine

[2] https://www.pressegauche.org/Qu-est-ce-que-cette-guerre-etrange-ou-on-interdit-a-l-Ukraine-que-Poutine-soit

[3] Voir l’excellent livre du colonel Michel Goya et de Jean Lopez « L’ours et le renard-Histoire immédiate de la guerre en Ukraine », éd. Perrin.

[4] https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61543

[5] https://lanticapitaliste.org/opinions/international/quest-ce-qui-fait-que-les-poutinistes-et-les-poutinisants-perpetuent-les

Yorgos Mitralias

Contrastare le illusioni complottiste sulla guerra russo-ucraina
https://refrattario.blogspot.com/2023/09/ucraina-russia-otto-verita.html

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Yorgos Mitralias

Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission.

http://www.contra-xreos.gr

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