Édition du 8 octobre 2024

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Premières Nations

Déclaration sur le projet de loi 61

Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19

Présenté à la commmission des finances publiques
Gouvernement du QUébec

LE 9 JUIN 2020
Hôtel du Parlement, Québec 2

Respect de l’autorité des gouvernemetn des Premières nations

L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) est le lieu politique de concertation et de liaison où les chefs des Premières Nations au Québec et au Labrador se réunissent afin de partager des positions politiques. Je m’adresse à vous à titre de porte-parole officiel des Chefs des Premières Nations au Québec pour déposer une déclaration à l’égard du projet de loi no 61, « Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19 ».

Depuis le début de la pandémie, les gouvernements des Premières Nations ont accueilli favorablement les recommandations des autorités provinciales en santé publique. Malgré certains écueils dans les relations entre les services de santé provinciaux et ceux des Premières Nations, une relation positive a généralement été maintenue entre les autorités des Premières Nations et celles de la province, au bénéfice de nos populations respectives.

Les Premières Nations, par leurs conditions de vie généralement inférieures à celles de l’ensemble de la population, sont plus exposées aux conséquences néfastes de la pandémie de la COVID-19 et elles sont très préoccupées de ses impacts négatifs sur les plans tant humanitaires et sanitaires qu’économiques. Tout comme les gouvernements fédéral et provincial, les gouvernements des Premières Nations ont le devoir de consacrer tous les efforts possibles au bien-être des populations envers lesquelles ils sont imputables.

Aujourd’hui, le gouvernement du Québec propose à l’Assemblée nationale des mesures pour favoriser la relance de l’économie, durement affectée par la pandémie de la COVID-19. Dans un contexte aussi crucial qui sévit depuis la mi-mars 2020 et dont les enjeux sont majeurs, les relations des gouvernements des Premières Nations avec les autres gouvernements jouent un rôle déterminant.

L’APNQL ne commentera pas les dispositions d’un projet de loi qui ne nous considère pas dès le départ. L’APNQL tient à exprimer fermement que sa participation aux auditions de la Commission des finances publiques sur le projet de loi no 61 ne peut être interprétée comme une forme de consultation ou comme une comme une renonciation par les gouvernements des Premières Nations à leurs champs de compétence, pour lesquels ils continueront d’exercer pleinement leur droit à l’autodétermination.

L’établissement et le maintien de relations de gouvernement à gouvernement, entre les Premières Nations au Québec et les autorités politiques de la province doivent demeurer la base de toute considération. L’APNQL, comme organisation, est le vecteur d’un collectif composé de gouvernements souverains, et présente une déclaration en vertu d’un ensemble de principes qui font consensus.

La présente déclaration contient une série d’appels au respect que l’APNQL met de l’avant pour servir de prémisses de bases pour assurer une relance économique respectant les valeurs des Premières Nations, et qui les impliquent réellement sur leurs territoires non cédés afin d’avoir une relation d’égal à égal avec le gouvernement du Québec.

L’APNQL a aujourd’hui le devoir d’adresser aux membres de la Commission des finances publiques dans le cadre de la relance économique et dépose, par cette démarche, des appels au respect des principes, droits, intérêts et valeurs promulguées par les gouvernements légitimes des Premières Nations qui composent sa table. 3

Appels au respect

1. L’APNQL réclame que le gouvernement du Québec ainsi que tout autre ordre de gouvernement, respectent le principe selon lequel les gouvernements des Premières Nations affirment et exercent leur autorité et leur capacité de se gouverner eux-mêmes, dans le respect de leurs titres et droits ancestraux ou issus de traités.

2. L’APNQL réclame que le gouvernement du Québec donne les suites nécessaires à la motion du 8 octobre 2019 adoptée à l’Assemblée nationale, afin d’élaborer, en collaboration et en co-élaboration avec les Premières Nations, une loi garantissant la prise en compte des dispositions de la DNUDPA et son adoption par l’Assemblée nationale du Québec, afin que la législation et les politiques gouvernementales respectent les droits qui y sont énoncés.

Droits ancestraux et issus des traités et obligations constitutionnels des gouvernements

Le dépôt d’un projet de loi omnibus dans un contexte de session parlementaire à toutes fins pratiques achevée soulève de sérieuses questions. D’entrée de jeu, le projet de loi no 61 propose des mesures exceptionnelles et expéditives d’approbation et de réalisation de projets divers. Il y a d’importants enjeux à considérer à l’égard de la santé, de l’environnement et des droits ancestraux ou issus de traités des Premières Nations au Québec.

Le contexte exceptionnel d’une pandémie ne dispense en aucun cas les gouvernements fédéral et provincial de respecter leurs obligations envers les droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations et de se conformer aux engagements prévus, entre autres par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et particulièrement de l’article 3 « Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».

Le projet de loi no 61 met en péril le respect des droits ancestraux des Premières Nations en ce qu’il permet la possibilité d’entreprendre des projets avant l’obtention des droits requis sur les territoires non cédés des Premières Nations au Québec.

Nos communautés sont déjà sur-sollicitées et manquent de temps et de ressources pour bien répondre aux consultations. Le projet de loi propose d’accélérer les processus pour autoriser les projets visés, ce qui laisse présager des délais encore plus courts et davantage de pression sur les Premières Nations. Une telle situation engendrerait des lacunes dans l’obligation de consulter et d’accommoder les Premières Nations, situation déjà hautement préoccupante en temps normal.

Appels au respect

3. L’APNQL réclame que le gouvernement du Québec respecte ses obligations constitutionnelles envers les Premières Nations et ce, en accordant des délais raisonnables aux communautés concernées pour répondre à toute consultation, ce qui n’est pas le cas avec le projet de loi no 61.

4. L’APNQL réclame que le gouvernement du Québec s’engage à respecter les codes, les normes et les protocoles de consultation tels que définis par les Premières Nations et consulter celles-ci pour tous les projets de loi ou modifications législatives qui pourraient affecter les Premières Nations.

Santé et environnement : Une priorité pour les Premières nations

La flambée des 202 annonces gouvernementales regroupées sous l’Annexe I du projet de loi no 61 entraînent de profonds questionnements sur l’intention qui se cache derrière la construction d’infrastructures (écoles, CHSLD, etc.). Les nombreux projets initialement annoncés en lien avec la relance de l’économie, bien qu’ils puissent être légitimes, ne peuvent être le théâtre des largesses dont le gouvernement du Québec tente de se doter sur le plan législatif pour expédier ses obligations de consultation envers les Premières Nations et pour réduire au plus simple l’application de normes environnementales déjà minimalistes.

Dans le contexte actuel d’une crise pandémique pouvant avoir des impacts funestes dans nos communautés considérées comme les plus vulnérables en raison de la prévalence de facteurs de risque socio-sanitaires plus élevée, le mot d’ordre de nos dirigeants est de prioriser la santé et la sécurité de nos membres par-dessus tout, bien avant l’économie.

Afin de permettre aux autorités des gouvernements des Premières Nations de se concentrer sur les mesures pour faire face à la crise, l’APNQL a demandé, par voie de lettre au premier ministre Legault, la suspension temporaire de toutes consultations et analyses des demandes, permis et autorisations liées aux projets d’exploitation des ressources ayant des impacts sur les droits et intérêts des Premières Nations jusqu’à ce que la situation se rétablisse. Cette correspondance demeure jusqu’à présent lettre morte.

L’autorité que confère le décret des mesures d’urgence prolongé jusqu’à une date indéterminée en raison de la crise pandémique de la COVID-19, ne peut permettre au gouvernement du Québec de s’arroger à la fois le droit de relancer son économie et celui de reculer sur les avancées en matière de protection environnementale. Il ne peut surtout pas profiter d’une étendue de ses pouvoirs pouvant affecter, voire même violer ou ignorer, les droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations, en plus de multiplier les impacts des effets cumulatifs de projets sur l’environnement, qui eux, ont des impacts importants sur la pratique, la santé, et la culture de nos Premières Nations. Un territoire et ses ressources en santé sont à la source de l’identité culturelle des Premières Nations, et de donner le pouvoir de faire abstraction de règles ayant pour but de protéger ces ressources est une source d’inquiétude majeure pour la santé et l’environnement de nos Premières Nations.

Les Premières Nations se mobilisent depuis toujours à préserver les espèces, particulièrement celle qui sont menacées et ou culturellement importantes tel que le caribou, le saumon, l’esturgeon, et autres. Ces espèces, déjà fragilisées par la destruction d’habitats ne peuvent se rétablir avec des mesures financières et de compensation d’habitats. Or, la monétisation de la destruction des habitats, même si celle-ci est affectée à leur restauration, n’est pas réaliste et ne permet pas de les protéger de dommages souvent irréversibles.

Appel au respect

5. L’APNQL avise formellement le gouvernement du Québec qu’en aucun cas, des compensations financières entre ministères du gouvernement du Québec ne sauraient suffire ou palier en aucune circonstances au remplacement de certaines normes et mesures environnementales en place dans le cadre de tout projet de développement sur les territoires non cédés des Premières Nations au Québec.

Économie des Premières nations au Québec}

La volonté exprimée par le premier ministre Legault d’impliquer les Premières Nations dans la relance économique représente une opportunité pour le gouvernement provincial de passer de la parole aux actes et être à l’écoute des Premières Nations qui recherchent l’équilibre entre leur propre relance économique et la protection de leurs territoires.

Comme Premières Nations, nous cumulons des décennies d’expérience à nous retrouver en marge des décisions qui affectent nos communautés. Pourtant, nous persévérons et nous continuerons jusqu’à ce que nos gouvernements aient voix au chapitre lorsqu’il s’agit du développement de nos territoires non cédés et des ressources.

Mettre les Premières Nations au pied du mur dans l’exercice de leurs droits fondamentaux n’est ni signe de réconciliation, ni signe d’une garantie, comme l’exprimait le Premier Ministre, à impliquer les Premières Nations dans la relance de l’économie. Nous avons plutôt devant nous, un projet de loi précipité comportant de sévères écarts dans l’équilibre entre les pouvoirs et les devoirs, et avec des mesures d’imputabilité quasi-absentes, représentant un danger inquiétant pour les droits et intérêts des Premières Nations.

Le dépôt du projet de loi no 61 nous amène malheureusement à questionner la capacité, du Gouvernement du Québec de faire preuve de réalisme quant à la participation réelle des Premières Nations à l’économie et au partage de la richesse.

Conclusion

Il est important de conscientiser les membres de la Commission sur l’historique d’une relation qui a pris forme avec la mise en place d’une institution, le SAGMAI, lequel a précédé le SAA. Le SAGMAI a été institué en 1978 par le Gouvernement du Québec, sous René Lévesque. Le SAGMAI était chargé d’entretenir les relations avec les PN. De plus, comment passer sous silence la résolution de 1985, reconnaissances des nations autochtones et de leurs droits, qui se disait alors avant-gardiste. Depuis, malgré que tous les gouvernements successifs se targuent de cette résolution, on se retrouve 30 ans plus tard avec un projet de loi qui évacue encore une fois complètement notre réalité, notre identité, et notre culture .

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