Édition du 16 avril 2024

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Économie

Du « pluss meilleur » pays au monde au « pluss pire »

Maintenant que les indignés sont rentrés chez eux ou retournés dormir sur leurs bancs de parc, les élites financières et économiques de la planète pensaient bien en avoir fini, du moins pour un temps, avec tous ces discours et revendications sur l’injustifiable concentration de la richesse dans les sociétés occidentales.

Le répit aura été de courte durée. La semonce est venue, cette fois, de l’intérieur même du cercle des nantis, soit l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE), ce club sélect formé des 34 économies les plus développées de la planète.

En pleine période de « guignolées » et autre collectes charitables qui, coïncidence paradoxale, battaient leur plein simultanément à l’annonce par les banques canadiennes de bénéfices frôlant les 25 milliards $, le secrétaire général de l’OCDE déposait les résultats d’une percutante étude sur les inégalités. Le message : « La croissance des inégalités est devenue un problème universel. La cohésion sociale s’effrite dans plusieurs pays. »

Toute une découverte pour cette éminente organisation qui, depuis les années 70, n’a pas cessé d’encourager les pays membres à rendre plus flexibles et plus compétitifs leurs marchés du travail (entendez par là : rendre plus difficile la syndicalisation), à signer des traités de libre-échange (lisez ici : délocaliser sans gêne les emplois) et à se doter d’une fiscalité plus concurrentielle au plan international (comprenez : réduire les impôts des plus riches).

Tout cela dans le but de favoriser la croissance économique et permettre l’accumulation du capital au motif qu’en bout de piste l’argent des plus riches finirait par se rendre jusqu’aux plus pauvres. La théorie du « ruissellement » en jargon d’économiste. Tous ceux qui vivent « parmi le monde » voyaient bien depuis longtemps qu’il n’en était rien. Sauf qu’en dépit de sa batterie d’experts en économie, l’ODCE a mis des décennies pour s’en rendre compte. Toute une équipe d’analystes direz-vous ! Mais, soyons bons joueurs, mieux vaut tard que jamais pour s’ouvrir les yeux !

Constatant que « l’incertitude et le sentiment d’iniquité qui ont gagné la classe moyenne à plus d’un endroit » minent la cohésion sociale au point de menacer à terme la paix sociale, l’OCDE propose donc maintenant un changement de cap radical. Parmi les correctifs suggérés : une fiscalité plus progressive pour que les plus riches assument leur juste part du fardeau fiscal et la bonification des mesures de protection sociale, notamment les prestations d’assurance-emploi et d’assistance-sociale dont les coupures, on le reconnaît aujourd’hui, ont largement contribué aux écarts abyssaux actuels.

La performance du Canada dans tout cela ? Hé bien, avec le présent gouvernement, le « pluss meilleur pays au monde » se dirige, royalement, vers « le pluss pire », puisque de tous les pays de l’OCDE, c’est au Canada que les écarts s’accroissent le plus rapidement. Et on peut compter sur le Premier ministre actuel pour maintenir la cadence. Encore récemment, il faisait le choix de faire payer aux contribuables la lutte au déficit tout en maintenant intactes les baisses d’impôt promises aux grandes entreprises, dont les pétrolières de l’Ouest, privant le trésor public de 4 milliards par année.

Le brutal constat de l’OCDE sur les écarts de richesses vient donner raison, chiffres à l’appui, à ceux qui, inquiets de la progression inexorable de la pauvreté et l’insécurité économique des familles, n’ont eu de cesse de réclamer un meilleur partage de la richesse. L’argument voulant qu’il faille créer la richesse avant de la redistribuer trouve ici son contre-pied. C’est plutôt en redistribuant la richesse qu’on la crée puisque les dollars redistribués à une famille démunie sont autant de dollars qui seront dépensés dans la communauté, faisant ainsi « rouler » l’économie locale au lieu d’alimenter quelque fonds spéculatif ou d’aller s’entasser, bien au chaud, dans un paradis fiscal. Cela s’appelle « le ruissellement » par le bas. Et puisque c’est un éminent économiste Joseph Stiglitz, prix Nobel 2001 qui l’a proposé, l’idée mérite, à tout le moins, considération.

(Éditorial de Gazette de la Maurice, décembre 2011)

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