Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

États-Unis - Agriculture contre gaz de schiste : la nouvelle guerre de l’eau ?

La sécheresse qui sévit depuis de longues semaines inquiète fermiers du Midwest et compagnies pétrolières. L’extraction des gaz de schiste par fracturation hydraulique nécessite en effet d’énormes quantités d’eau, qui tend à manquer. Cette pénurie fait apparaître un nouveau conflit d’usage. Va-t-on assister à une guerre de l’eau entre agriculteurs et foreurs ?

Article tiré du site du Journal de l’environnement (http://www.journaldelenvironnement.net)

Une sécheresse exceptionnelle s’est abattue sur les Etats-Unis en juin dernier. Actuellement, 64% des 48 Etats des Etats-Unis connaissent des conditions « modérées à fortes » de sécheresse. Le Midwest, le grenier à blé du pays, souffre tout particulièrement. Les fermiers s’inquiètent pour leurs récoltes et leur bétail. Et les prix des céréales s’envolent.

Le gouverneur du Missouri a récemment décidé d’allouer 25 millions de dollars (20 millions d’euros) d’aide aux agriculteurs. Mais aux Etats-Unis, plus de 13 millions de foyers consomment directement l’eau du puits. Pour continuer à les exploiter, leur propriétaire n’ont que deux solutions en attendant la pluie : les approfondir ou forer de nouveaux puits. Dans les deux cas, c’est à eux de mettre la main à la pioche ou au portefeuille.

Cet épisode climatique exceptionnel frappe aussi l’industrie pétrolière, et plus particulièrement la production de gaz de schiste. La fracturation hydraulique nécessite en effet d’énormes quantités d’eau : un volume équivalent à celui de 18 piscines olympiques est nécessaire pour réaliser le moindre forage multiple. Un dispositif de ce type consomme entre 54.000 et 174.000 mètres cubes d’eau et 1.000 à 3.500 tonnes d’additifs chimiques. Entre 9% et 35% de ces fluides sont récupérés.

Les autorités de Pennsylvanie, où se situe la célèbre formation géologique de Marcellus, l’un des plus importants gisements de gaz de schiste du pays, ont récemment décidé d’interdire aux compagnies pétrolières tout pompage d’eau dans certaines rivières de la région. Au Texas, mais également dans le nord du Dakota et au Montana, les pétroliers ont de plus en plus de difficultés à s’approvisionner en eau.

La commission de bassin de la rivière Susquehanna (SRBC), en Pennsylvanie, a ainsi suspendu le 16 juillet dernier tous les permis de pompage accordés pour les affluents de la rivière. La mesure concerne également les foreurs de gaz de schiste qui dépendent de 64 points de prélèvements dans l’Etat de Pennsylvanie. Cette décision affecte directement une soixantaine de sociétés de forage.

Au Kansas, les industriels se fournissent principalement en eau auprès des agriculteurs. Mais avec la canicule, ces derniers ont plus que doublé le prix du baril d’eau (il est passé de 0,35 $ à 0,75 $ -0,28 à 0,60€). Conséquence : 10 à 12% des forages d’extraction de gaz de schiste que la société pétrolière Breitling envisageait d’implanter ont été arrêtés. Neal Dingmann, un spécialiste de Houston qui conseille les petites et moyennes entreprises de forage estime à 5% la réduction du nombre de nouveaux puits implantés cette année. En cause, la sécheresse bien sûr.

Dans cette course à l’or bleu, les pétroliers ne sont pas en reste. Selon le journal Le Monde, au Colorado, les agriculteurs ont été devancés par les sociétés de forage lors des ventes aux enchères des ressources hydrauliques. La pratique est courante dans beaucoup d’Etats. « Elles ont beaucoup plus d’argent et nous concurrencent sur le marché », se plaint Bill Midcap, du syndicat agricole des Rocheuses (Rocky Mountain Farmers Union), qui inclut aussi le Wyoming et le Nouveau-Mexique.

Au Texas, qui souffre de la sécheresse depuis un an, certaines municipalités ont interdit l’utilisation de l’eau dans l’exploitation du pétrole de schiste. D’autres villes ont prohibé son transport.

D’autres sociétés de forage ont recours à des solutions plus extrêmes : acheminer l’eau d’autres Etats par camion (d’aussi loin que la Pennsylvanie), ou creuser leurs propres puits. Dans le cas du pétrole de schiste, c’est une opération encore rentable –le prix du baril dépasse les 90 $ (72 €)–, mais ce n’est pas le cas du gaz dont les cours ont chuté de 70% en 4 ans, sur les marchés américains.

L’absence de pluie pourrait, à terme, menacer le boom énergétique américain. Sale temps pour le candidat républicain qui a misé tout son programme énergétique sur le développement des hydrocarbures.

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