Édition du 11 novembre 2025

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États-Unis

États-Unis : Contre le nouveau maccarthysme - Construire la résistance après l’assassinat de Kirk

Ayant perdu le consentement des gouverné.e.s, Trump a recours à la coercition pour mettre en œuvre son programme d’extrême droite. Il a saisi l’occasion de l’assassinat de Charlie Kirk et utilisé ses funérailles pour lancer une chasse aux sorcières maccarthyste contre la gauche et les organisations libérales. Ashley Smith soutient que la gauche doit rejeter à la fois le piège de la civilité dans lequel sont tombés les Libéraux et les Démocrates, qui ne fait que légitimer le fanatisme de Kirk en faisant croire que c’est une question qui relève du débat, mais aussi l’impasse de la violence individualiste. La tâche des socialistes consiste à promouvoir et à développer la capacité d’organiser des actions collectives, des manifestations et des grèves afin de faire avancer les revendications démocratiques.

30 septembre 2025 | tiré d’europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article76513

L’administration Trump est en train de détruire l’ordre national et international mis en place par les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Elle tente une mutation autoritaire et nationaliste à grande échelle de notre société, de l’État américain et de sa position dans l’ordre international.

Mais elle se heurte à une opposition croissante de la majorité de la population américaine. Ayant perdu le consentement des gouverné.e.s, Trump a recours à la coercition pour mettre en œuvre son programme d’extrême droite. Il a saisi l’occasion de l’assassinat de Charlie Kirk et a utilisé ses funérailles pour lancer une chasse aux sorcières maccarthyste contre la gauche et les organisations libérales, en particulier les ONG qui ont joué un rôle central dans la résistance.

Malgré la perte du soutien populaire, dans un contexte économique morose marqué par des inégalités croissantes entre les classes et une oppression de plus en plus forte, l’administration Trump est plus dangereuse que jamais. Elle a clairement affiché son intention de recourir à des moyens encore plus dictatoriaux pour imposer son programme. N’oublions pas que Trump a promis d’être un dictateur dès le « premier jour » de sa présidence.

Face à cette offensive, la gauche doit militer en faveur d’un front uni des syndicats, des organisations de mouvements sociaux et des groupes politiques afin de défendre toutes les personnes attaquées. Nous devons rechercher activement des occasions de mettre en place ce type d’organisation. Par exemple, la gauche devrait soutenir l’appel de la coalition May Day Strong à organiser des rencontres pour informer, former et organiser des actions de masse perturbatrices, notamment des grèves politiques visant à protéger nos droits démocratiques, ainsi que nos emplois, nos salaires et nos prestations sociales.

Trump : autoritaire, incompétent et impopulaire

Dès avant l’assassinat de Kirk, le régime de Trump était en crise. Sa tentative de mettre en œuvre le programme de Project 2025 s’est heurtée à une opposition croissante, non pas de la part des Démocrates et des grandes entreprises, mais dans les sondages d’opinion et les manifestations de masse.

Dans l’ensemble, 57 % des personnes interrogées désapprouvent Trump et 62 % pensent que le pays va dans la mauvaise direction, ce qui constitue un niveau historiquement bas pour un président à ce stade de son mandat. La majorité s’oppose même à lui sur ses deux thèmes phares : l’immigration et l’économie. Elle désapprouve également les droits de douane imposés par Trump, son soutien à la guerre génocidaire menée par Israël et son abandon de l’Ukraine. Cette opposition massive a poussé la population à manifester en masse, de Hands Off ! à May Day, No Kings, Labor Day, en passant par des mobilisations de masse contre l’ICE et la Garde nationale dans plusieurs villes des États-Unis.

Néanmoins, Trump a poursuivi à toute vitesse la mise en œuvre de son programme autoritaire. À l’étranger, il a bafoué l’ordre international prétendument fondé sur des règles, traitant ses amis et ses ennemis sur le mode des relations d’affaires et imposant des droits de douane censés profiter au capital américain. Il a également vendu l’Ukraine à la Russie tout en donnant son feu vert au génocide israélien en Palestine, et en faisant campagne pour obtenir le prix Nobel de la paix.

Sur le plan intérieur, Trump a purgé l’État américain des bureaucrates libéraux, a utilisé ses structures réorganisées comme une arme contre les travailleurs et les groupes opprimés, et a lancé une guerre des classes totale : réduction des impôts pour les milliardaires, démantèlement des réglementations sur les entreprises et suppression des programmes destinés aux travailleurs et aux pauvres. Cela a plongé dans le chaos une société déjà en crise, en proie à des inégalités sociales et de classe héritées de « l’âge d’or », avec tous les maux qui en découlent.

La combinaison des droits de douane, de l’expulsion massive des travailleuses et travailleurs migrants et des revirements politiques brutaux a produit les résultats prévus : pénurie de main-d’œuvre, hausse des prix, baisse des investissements dans le secteur manufacturier et ralentissement économique menant à une récession. Le cauchemar de la stagflation qui a frappé le capitalisme américain dans les années 1970 semble sur le point de revenir.

Les assauts de l’administration contre la bureaucratie d’État menacent sa capacité à assurer de manière adéquate les services économiques et sociaux essentiels. Les coupes budgétaires de DOGE ont fait des ravages dans des organismes tels que la National Oceanic and Atmospheric Administration, qui émet des alertes précoces en cas d’ouragan, mettant ainsi en danger la vie des gens dans un contexte de catastrophes climatiques croissantes. Et les attaques de Robert Kennedy Jr. contre la science, les Centres de contrôle et de prévention des maladies et les protocoles de vaccination mettent en danger la vie de millions de personnes.

Le « Big Beautiful Bill » de Trump menace de plonger l’État dans une crise budgétaire. Il va faire grimper les dépenses, en particulier celles du Pentagone et de l’ICE, tout en réduisant les recettes grâce à des réductions d’impôts pour les riches. Ces mesures ne peuvent qu’entraîner des mesures d’austérité de la part du gouvernement actuel et des gouvernements futurs, quel que soit le parti capitaliste au pouvoir.

Toutes les institutions sociales sont dans le collimateur du régime, en particulier l’enseignement supérieur, où des institutions phares comme Harvard, qui forment l’élite dirigeante qui fournit les cadres des grandes entreprises et de l’État, ont été privées de financement et soumises à des purges politiques.

Et un nombre croissant de villes, à commencer par Los Angeles et Washington D.C., ont subi le déploiement de l’ICE et de la Garde nationale pour mener la guerre raciste de Trump contre les migrant.e.s, mettre fin à une vague de criminalité imaginaire et servir de provocateurs pour justifier une répression accrue.

Impopulaire, divisé en factions et empêtré dans la crise Epstein

Cette stratégie du tout ou rien ne s’est pas seulement retournée contre le régime de Trump et son programme national et international. La coalition Trump a commencé à se fracturer en conflits factionnels, dont le meilleur exemple est le divorce amer du président avec Elon Musk. D’autres divisions ont commencé à apparaître sur tous les sujets, du Big Beautiful Bill à la politique étrangère. Mais le conflit le plus important a été celui des révélations sur la relation de longue date entre Trump et Jeffrey Epstein, pédophile et trafiquant sexuel condamné. Tout cela a plongé la base MAGA dans la tourmente.

Trump lui-même a alimenté cette folie en promettant, pendant la campagne électorale, de divulguer la liste des clients d’Epstein. Mais après que sa procureure générale Pam Bondi lui eut dit qu’il était cité dans les dossiers, il en a bloqué la divulgation. Se sentant trahis, les dirigeants du MAGA, comme Marjorie Taylor Greene, ont dénoncé Trump, Bondi et le directeur du FBI Kash Patel, dont les facultés mentales sont altérées.

Les fidèles du MAGA ont même perturbé le sommet Turning Point USA Student Action Summit de Charlie Kirk pour exiger la publication de la liste des clients. Désespérant de détourner l’attention du scandale qui prenait de l’ampleur, Trump a multiplié les actions de type « Agitation autour d’un faux problème » destinées à galvaniser à nouveau sa base, allant d’attaques terroristes de canots à moteur au large des côtes du Venezuela à des menaces de déploiement de la Garde nationale à Chicago et Memphis.

L’assassinat de Kirk : un cadeau politique à Trump

Au milieu de cette crise, l’assassinat de Charlie Kirk a été un cadeau politique offert à Trump et à son régime. Trump en a profité pour galvaniser les factions d’extrême droite, transformant les funérailles de Kirk en un rassemblement politique d’extrême droite afin d’annoncer une guerre sainte pour venger sa mort.

Devant plus de 100 000 personnes réunies et des millions de téléspectateurs, Trump, Vance et le chef de cabinet adjoint Stephen Miller ont déchaîné la foule. Alors que les participant.e.s brandissaient des pancartes « Never Surrender » (Ne jamais capituler), Miller a déclaré la guerre à « nos ennemis » avec une « armée » prête à se battre pour « sauver cette civilisation, sauver l’Occident, sauver cette république » et « vaincre les forces des ténèbres et du mal ».

Alors que la veuve de Kirk a pardonné au tireur présumé, Trump l’a contredite (lors des funérailles de son mari !) : « Je déteste mes adversaires et je ne leur souhaite pas le meilleur. » La dernière chose que Trump souhaite, c’est la réconciliation ; il veut se venger de la perte d’un de ses guerriers sacrés.

Kirk n’était pas un propagandiste ordinaire exerçant son droit au premier amendement pour participer à des débats sur les campus universitaires. Comme le démontre Ta-Nehisi Coates, il utilisait le « débat » comme couverture pour répandre le racisme, le sexisme, la transphobie, l’antisémitisme, l’islamophobie, la xénophobie et toutes les autres formes imaginables de fanatisme envers les opprimé.e.s.

Il a traité George Floyd de « salaud », dénoncé Martin Luther King comme « épouvantable », déclaré que la loi sur les droits civiques était « une énorme erreur », défendu la « théorie du grand remplacement » raciste selon laquelle les Démocrates remplacent les Blancs par des immigrants de couleur, et promis que Trump « libérerait » le pays de « l’occupation ennemie par des hordes d’étrangers ». Kirk a également proclamé que « les donateurs juifs ont été les principaux bailleurs de fonds des politiques radicales en faveur de l’ouverture des frontières, néolibérales et quasi-marxistes, des institutions culturelles et des organisations à but non lucratif. C’est un monstre créé par les juifs laïques ».

Kirk a créé son groupe, Turning Point USA, doté d’un budget de 80 millions de dollars et fort de 250 000 adhérent.e.s étudiant.e.s, dans le but d’intimider et de faire pression, en particulier sur les enseignant.e.s. Il a créé la Liste de surveillance des professeur.e.s et encouragé ses membres à signaler et dénoncer les enseignant.e.s qui « font de la discrimination envers les étudiant.e.s conservateur.rice.s et font la promotion de la propagande de gauche dans leurs cours ».

Kirk a également approuvé et organisé des violences. Par exemple, il a encouragé des groupes d’hommes à former une chaîne pour bloquer l’accès à la piscine à la nageuse transgenre Lia Thomas, en lui disant : « Hé, gros dur, tu veux entrer dans la piscine ? Eh bien, tu devras d’abord te frayer un chemin à travers nous. »

Il a exigé que Joe Biden soit « emprisonné et/ou condamné à mort pour ses crimes contre l’Amérique ». Et il a affirmé que la nouvelle administration Trump utiliserait le pouvoir de l’État pour réprimer la dissidence, avertissant que « la récréation est terminée. Et si un démocrate se met en travers de notre chemin, eh bien, Matt Gaetz pourrait très bien vous arrêter ».

Il a soutenu Kyle Rittenhouse, un milicien raciste qui a tué deux personnes et en a blessé une autre lors d’une manifestation Black Lives Matter à Kenosha, dans le Wisconsin. Kirk l’a qualifié de « héros pour des millions de personnes » lors de la conférence d’extrême droite AmericaFest.

En outre, il a apporté son soutien à la tentative de Trump de revenir sur les résultats de l’élection de 2020 le 6 janvier. Il s’est vanté de ce que Turning Point « envoyait plus de 80 bus remplis de patriotes à Washington pour se battre pour ce président ».

Kirk était plus qu’un simple homme de main idéologique et un organisateur au service de Trump ; il était de facto un élément constitutif du régime, profondément intégré dans les opérations quotidiennes de la Maison Blanche. Trump le considérait comme un conseiller loyal quilui était resté fidèle après l’insurrection manquée, l’avait aidé à attirer 46 % des votes des jeunes et l’avait aidé à remporter la présidence pour la deuxième fois. J.D. Vance a même attribué à Kirk le mérite d’avoir obtenu sa nomination à la vice-présidence.

Trump a tenu la « gauche radicale » pour responsable de la violence politique et même de l’assassinat de Kirk. Ce n’est pas le cas. En réalité, comme le montrenr même les documents du CATO Institute, l’extrême droite, qu’elle soit organisée ou non, est la principale source de violence politique. Mais Trump a cyniquement ignoré ces faits, sans même mentionner les attentats contre des Démocrates, notamment le meurtre de deux personnalité politiques dans le Minnesota.

L’affirmation de Trump selon laquelle il lutte contre la violence politique dégage l’odeur puante de l’hypocrisie. Son régime est, pour reprendre une expression de Martin Luther King, « le plus grand pourvoyeur de violence dans le monde aujourd’hui » ; il a paraphé un budget de mille milliards de dollars pour le Pentagone, lancé des attaques terroristes d’État contre des bateaux vénézuéliens, donné son feu vert et armé le génocide israélien en Palestine, embauché des milliers de nouveaux agents de l’ICE pour détenir et expulser les immigrant.e.s, et déployé des troupes pour réprimer les Noirs et les personnes de couleur à Los Angeles et à Washington.

L’escalade du nouveau maccarthysme

Même avant l’assassinat de Kirk, Trump avait déjà entamé une purge des institutions et des espaces dans lesquels travaillent les organisations de gauche et libérales. Ce faisant, Trump s’appuie sur ce qu’ont accompli l’administration Biden, les dirigeants universitaires libéraux et les entreprises qui ont lancé le nouveau maccarthysme en réprimant les militant.e.s solidaires de la Palestine sur les campus et sur les lieux de travail dans tout le pays.

Trump a aggravé ce que les Démocrates avaien engagé en envoyant des agents de l’ICE pour appréhender, placer en détention et tenter d’expulser des militant.e.s tels que Mahmoud Khalil, Rumeysa Ozturk et Mohsen Mahdawi. Il a utilisé le prétexte de l’antisémitisme pour priver les universités de financement, les contraindre à suspendre et à licencier des enseignant.e.s, et à remanier leurs cursus pour les conformer à son programme d’extrême droite. Après l’assassinat, Trump a fait passer ce maccarthysme à la vitesse supérieure.

L’hypocrisie de ces attaques est ahurissante. Dans son discours d’investiture, Trump avait promis de « mettre immédiatement fin à toute censure gouvernementale et de rétablir la liberté d’expression en Amérique » ; il avait annoncé que « jamais plus l’immense pouvoir de l’État ne serait utilisé comme une arme pour persécuter les opposants politiques ».

En dépit de ces engagements, Trump a déclaré la guerre à la gauche, menaçant de « faire la peau » aux « cinglés de la gauche radicale », dont « la rhétorique est responsable du terrorisme que nous connaissons aujourd’hui dans notre pays ». Il a promis : « Nous allons régler ce problème ». Il a étrangement pointé du doigt Antifa, qui n’est pas un groupe et qui existe à peine en tant que mouvement, et l’a désigné comme une menace terroriste, prélude à une attaque contre toutes les organisations progressistes.

Stephen Miller est allé jusqu’à affirmer que la gauche était à l’origine d’un « vaste mouvement terroriste national » et a brandi la menace suivante : « Nous allons utiliser toutes les ressources dont nous disposons [...] au sein du gouvernement pour identifier, désorganiser, démanteler et détruire ces réseaux. »

Le vice-président J.D. Vance a élargi la liste des cibles pour y inclure les organisations libérales, en particulier celles qui sont soutenues par la Fondation Ford et George Soros, qui, selon lui, bénéficient d’un « traitement fiscal généreux ». Il s’est emporté : « Nous allons nous attaquer au réseau d’ONG qui fomente, facilite et commet des actes de violence. »

Le secrétaire d’État Marco Rubio a déclaré que « des révocations de visas sont en cours » pour les visiteurs, les travailleurs et les étudiants étrangers qui « applaudissent l’assassinat public d’une personnalité politique ». Il a averti ceux qui seront reconnus coupables par son » cabinet secret » personnel : « Préparez-vous à être expulsés. Vous n’êtes pas les bienvenus dans ce pays. »

Dans une intervention diffusée sur le podcast de Charlie Kirk, Vance a appelé les gens à s’espionner et à se dénoncer mutuellement auprès de l’État et de leurs patrons. « Si vous voyez quelqu’un se réjouir du meurtre de Charlie, dénoncez-le », a-t-il déclaré avec rage. « Et bon sang, appelez son employeur. Nous ne croyons pas à la violence politique, mais nous croyons à l’esprit civique, et il n’y a rien de civique dans le fait de se réjouir d’un assassinat politique. »

Ainsi, l’extrême droite, qui a fait campagne contre la prétendue « culture de l’annulation » et utilisé la liberté d’expression comme couverture pour son intolérance, son harcèlement et sa campagne d’intimidation contre les groupes opprimés, utilise désormais le pouvoir de l’État pour censurer, licencier et réduire au silence ses opposant.e.s. Trump a déjà publié un décret qui désigne Antifa comme « organisation terroriste nationale ».

Ce n’est que le début d’une attaque contre tous les membres de la résistance et l’ensemble de la population. Tous nos droits démocratiques sont désormais menacés.

Les socialistes s’opposent au terrorisme

Face à la déclaration farfelue de Trump selon laquelle la gauche serait responsable de l’assassinat de Kirk, nous devons affirmer très clairement qu’aucun groupe organisé de gauche et aucune organisation libérale ne soutient les actes de terrorisme individuels et qu’ils ne cautionnent certainement pas le meurtre de Kirk. Il s’agit d’un mensonge qui ne trouve nulle part de confirmation factuelle.

En tant que socialistes, nous prônons l’organisation collective, les manifestations et les grèves pour faire progresser nos revendications démocratiques. Nous mettons en œuvre ce potentiel populaire pour obtenir des réformes immédiates et renforcer la confiance en elle des masses laborieuses afin qu’elles exigent davantage de nos dirigeants. Le socialisme vise fondamentalement à approfondir nos droits démocratiques collectifs.

Les actes terroristes individuels ne font pas avancer un tel mouvement, mais le font plutôt reculer. Les bureaucrates d’État, les patrons d’entreprise et les fanatiques d’extrême droite sont tous remplaçables. Et les pouvoirs en place utiliseront ces meurtres pour lancer des campagnes de répression comme celle que nous subissons actuellement.

Comme l’a écrit Léon Trotsky, « l’État capitaliste ne repose pas sur les ministres du gouvernement et ne peut être éliminé avec eux. Les classes qu’il sert trouveront toujours de nouvelles personnes ; le mécanisme reste intact et continue de fonctionner ».

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Mais le désordre introduit dans les rangs des masses laborieuses elles-mêmes par une tentative terroriste est beaucoup plus profond. S’il suffit de s’armer d’un pistolet pour atteindre son objectif, pourquoi faire des efforts dans la lutte des classes ? Si une pincée de poudre à canon et un petit morceau de plomb suffisent pour transpercer le cou de l’ennemi, pourquoi a-t-on besoin d’une organisation de classe ? S’il est pertinent de terrifier les personnalités haut placées par le fracas des explosions, pourquoi a-t-on besoin de parti ? Pourquoi organiser des réunions, des campagnes de masse et des élections si l’on peut si facilement viser le banc des ministres depuis la tribune du parlement ?

 »

À nos yeux, le terrorisme individuel est inadmissible précisément parce qu’il minimise le rôle des masses dans leur propre conscience, les résigne à leur impuissance et tourne leurs regards et leurs espoirs vers un grand vengeur et libérateur qui viendra un jour accomplir sa mission.

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Dans le cas de l’assassinat de Charlie Kirk, le tireur présumé, Tyler Robinson, n’avait aucun lien avec la gauche organisée ou les organisations libérales. Il n’avait pas été formé aux idées radicales par des professeurs de gauche, ayant abandonné ses études après un semestre dans l’une des écoles les plus conservatrices du pays, l’Utah State University.

Il a grandi dans une famille mormone conservatrice, avec à sa tête un père « fervent partisan de MAGA », imprégnée de la culture des armes à feu de l’extrême droite. Ce milieu intolérant et violent a piégé Robinson dans une horrible contradiction entre son environnement politique d’extrême droite et sa relation avec son partenaire en transition.

Cela semble l’avoir poussé à tuer Kirk, admettant « en avoir assez de sa haine ». Ces conditions n’excusent ni ne justifient bien sûr le meurtre, mais elles l’expliquent. Comme Malcolm X l’a fait valoir lorsqu’on lui a demandé son avis sur l’assassinat du président John F. Kennedy dans le contexte de la guerre impérialiste menée par les États-Unis, en particulier au Vietnam, on récolte ce que l’on sème. L’assassinat était un retour de flamme déclenché par le fanatisme. Il n’avait rien à voir avec la gauche.

Les libéraux tombent dans le piège de l’esprit civique

La plupart des commentateurs libéraux et des responsables politiques du Parti démocrate ont capitulé devant la chasse aux sorcières menée par Trump. Ils ont accepté le cadre défendu par la droite selon lequel Kirk avait été un adepte du débat civique, sans tenir compte du fait qu’il avait utilisé la liberté d’expression comme couverture pour mener des actions de harcèlement et d’intimidation motivées par le sectarisme.

Plutôt que de lutter contre le maccarthysme de Trump, l’establishment du Parti démocrate s’y adapte et sacrifie les groupes opprimés pris pour cible par Kirk.

Le chroniqueur Ezra Klein a publié une chronique intitulée « Charlie Kirk aisait de la politique de la bonne manière ». Sérieusement ? Kirk a ressuscité le racisme et l’antisémitisme de l’époque antérieure aux droits civiques. Kirk et Turning Point, comme le soutient Ta-Nehisi Coates, « ont recommandé de faire du mal aux gens pour promouvoir les résultats politiques qu’ils souhaitaient ».

La présidente du Barnard College, Loren Ann Rosenbury, a repris presque mot pour mot les arguments de Klein dans « Now is the Time for Colleges to Host Difficult Speakers » (Il est temps que les universités accueillent des conférenciers controversés). Rosenbury a plaidé en faveur d’un dialogue civil sur les différences, y compris avec des semeurs de haine comme Kirk, mais elle n’est pas une défenseuse convaincue du droit des étudiant.e.s à s’organiser et à s’exprimer. Comme d’autres présidents d’université à travers le pays, elle a expulsé des dizaines de militant.e.s solidaires de la Palestine pour avoir protesté contre le génocide. Pour ces personnes, Kirk reste dans les limites de la civilité, contrairement aux étudiants qui protestent contre le gouvernement néofasciste d’Israël et ses crimes contre l’humanité.

Les responsables politiques du Parti démocrate sont également tombés dans le piège de la civilité tendu par les Républicains, se joignant au chœur qui légitime le sectarisme de Kirk. Ils ont commencé à le faire avant même son assassinat, dans le cadre de leur virage à droite pour s’attirer les faveurs des électeurs centristes et de droite.

Gavin Newsom, idole des libéraux, a invité Kirk à participer à son podcast. Après son assassinat, les Démocrates se sont associés à la célébration de ce semeur de haine en observant des minutes de silence. Les sénateurs démocrates, dont Bernie Sanders, ont soutenu les Républicains dans un vote unanime visant à faire du 14 octobre la « Journée nationale du souvenir de Charlie Kirk ».

Plutôt que de lutter contre le maccarthysme de Trump, l’establishment du Parti démocrate s’y adapte et sacrifie les groupes opprimés ciblés par Kirk. Par exemple, un ancien assistant du leader du Sénat Harry Reid vient de lancer un nouveau groupe de réflexion, le Searchlight Institute, qui demande au parti de minimiser les questions telles que les droits des transgenres et de limiter l’influence des organisations progressistes.

Méfiéz-vous de la docilité opportuniste des patrons et des bureaucrates

Au lieu de défendre la liberté d’expression, les autorités publiques, les patrons et les administrateurs universitaires ont obéi à l’injonction de Trump de licencier, suspendre et censurer des dizaines de travailleurs et de travailleuses en raison de leurs déclarations, articles et publications sur les réseaux sociaux. Cela ne devrait surprendre personne. La plupart des patrons et des hauts fonctionnaires sont des centristes ou des conservateurs.

Ils n’ont concédé de meilleures conditions salariales, de travail, des programmes et des réformes que sous la pression venue d’en bas. Ils sont donc prédisposés à pratiquer une « docilité opportuniste » au maccarthysme de Trump, comme ils l’ont fait dans les années 1950 lorsqu’ils ont éliminé la gauche des lieux de travail et des universités.

La droite ne s’engage pas dans un dialogue civil ni dans aucune forme de politique électorale bourgeoise classique ; elle mène une contre-révolution politique visant à établir un État autoritaire et à réduire à néant tous les acquis obtenus par les mouvements sociaux et syndicaux dans les années 1930 et 1960.

Les menaces de l’administration de supprimer les financements, de refuser les certifications et d’annuler les contrats les ont poussés à capituler complètement. Le gouvernement a mis de nombreux fonctionnaires en congé ; ABC a temporairement suspendu le comédien Jimmy Kimmel ; le Washington Post a licencié sa seule chroniqueuse noire, Karen Attiah ; les universités ont licencié et suspendu des enseignant.e ;ss et des membres du personnel, et ont également expulsé des étudiant.e ;s ; les compagnies aériennes ont retenu leurs pilotes au sol ; et les hôpitaux ont même licencié des professionnel.le.s de santé.

Et dans l’un des cas les plus inquiétants, Berkeley, berceau du mouvement pour la liberté d’expression des années 1960, a livré les noms de 160 professeurs, dont la juive antisioniste Judith Butler, et a ouvert une enquête à leur sujet pour antisémitisme présumé. Tout cela a semé une vague de panique dans l’enseignement supérieur, comme on n’en avait plus vu depuis les années 1950.

Ne vous adaptez pas au nouveau maccarthysme

La gauche doit rejeter le cadre de civilité imposé par la droite, réfuter ses allégations absurdes contre nos organisations et rallier les forces de résistance à une défense unie des droits démocratiques de tous et toutes. Malheureusement, certains membres de la gauche réformiste ont cédé du terrain à la droite.

Dans « Le meurtre de Charlie Kirk est une tragédie et un désastre », Ben Burgis et Meagan Day présentent d’abord un argumentaire clair contre la violence politique et soulignent à juste titre que de tels actes donnent à la droite une excuse et une justification pour la répression. Mais ils poursuivent en imitant l’appel à la civilité lancé par l’establishment libéral, mettent en garde contre le danger d’une « violence de représailles » et d’une « chute de nos cultures politiques dans un tribalisme déshumanisant », et reprochent aux personnes de gauche de faire preuve d’un « manque d’empathie » envers Kirk et sa famille.

Qualifier la polarisation politique entre la droite et la gauche de « tribalisme » est problématique, non seulement en raison des connotations racistes et colonialistes du terme, mais aussi parce que cela implique que le conflit entre le régime et la gauche pourrait être résolu par un « comportement plus adulte », des débats, des discussions et des élections démocratiques. C’est au mieux naïf.

Je le répète, la droite ne s’engage pas dans un dialogue civil ou dans une quelconque politique électorale bourgeoise normale ; elle mène une contre-révolution politique visant à établir un État autoritaire et à réduire à néant tous les acquis obtenus par les mouvements sociaux et syndicaux dans les années 1930 et 1960.

La droite l’a clairement fait savoir. Stephen Bannon s’est emporté dans son podcast, The War Room : « Les gens me contactent pour me dire : « Hé, tu peux venir ici pour débattre du premier amendement ? » Nous ne débattons de rien. Nous agissons. » Il a ensuite lancé cet avertissement : « Nous avons maintenant un scalp, celui de Jimmy Kimmel. Et il y en aura beaucoup, beaucoup d’autres. »

Nous ne devrions pas débattre avec des gens comme Kirk, comme l’ont fait Newsom et Burgis. Nous n’avons pas d’échange d’idées raisonné avec eux ; nous sommes engagés dans une lutte existentielle contre un régime d’extrême droite qui utilise l’État comme une arme pour mener une guerre maccarthyste contre la gauche et ce qui reste de la démocratie. Nous devrions plutôt organiser des manifestations et des grèves pour défendre nos droits et nos emplois.

De plus, la gauche ne devrait pas exiger des opprimé.e.s qu’ils fassent preuve d’empathie envers leurs oppresseurs, en particulier ceux comme Kirk qui ont craché leur intolérance, se sont livrés à du harcèlement et à de l’intimidation, et ont soutenu la tentative de Trump de revenir sur les résultats de l’élection de 2020. Nous ne devrions pas non plus réprimander les gens pour avoir publié des messages de colère sur les réseaux sociaux, surtout lorsque la droite s’en sert comme justification pour licencier des gens en masse. Soyons clairs : la grande majorité des violences politiques proviennent des forces organisées de la droite et d’individus non organisés inspirés par la destruction des normes démocratiques.

Trump se trouve donc dans une position plus faible que d’autres autocrates comme Viktor Orban, qui a pris le pouvoir avec 68 % des sièges au Parlement en 1998 et a conservé jusqu’à récemment le soutien de la population à sa transformation autoritaire de la Hongrie. Trump, en revanche, est profondément impopulaire, dispose d’une majorité très faible au Congrès et son soutien a encore diminué depuis l’assassinat de Kirk.

Pourtant, si l’autoritarisme de Trump et ses politiques ne feront qu’aggraver les crises de la société américaine, rien ne garantit que ce sont les forces les plus populaires qui bénéficieront le plus du mécontentement populaire.

Au lieu de lutter contre Trump, l’establishment capitaliste et ses représentants politiques au sein du Parti démocrate ont capitulé, soit en cherchant à s’attirer les faveurs du régime, soit en adoptant la stratégie de James Carville , qui consiste à faire le mort et à espérer en récolter les fruits lors des élections de mi-mandat. Mais il est loin d’être certain qu’ils l’emporteront.

Les démocrates sont en fait moins populaires que Trump. Et même s’ils obtenaient la majorité à la Chambre ou au Sénat – ce qui n’est pas gagné d’avance compte tenu des plans du régime en matière de charcutage électoral et de suppression des électeurs –, la plupart des nouveaux élus seraient des clones de Hakeem Jeffries et Harry Reid. Ce sont des forces qui, au mieux, s’engagent à rétablir le statu quo ante et qui, afin de s’assurer les votes des centristes, se sont adaptées et, dans certains cas, ont adopté les positions de la droite.

Même dans le cas improbable où les Démocrates trouveraient miraculeusement la volonté de se battre, Trump a montré qu’il était prêt à passer outre les prétendus freins et contrepoids de la Constitution et à gouverner par décret. Et les responsables politiques de gauche qui veulent se battre sont une infime minorité piégée dans un Parti démocrate hostile.

Nous ne pouvons pas non plus supposer que la gauche, les syndicats et la résistance combleront le vide. Cela dépend des positions politiques, de la stratégie et des tactiques que nous adopterons. La plupart des responsables syndicaux, des dirigeants d’ONG et de la gauche restent principalement concentrés sur les élections.

Ils considèrent que le fait d’occuper un poste équivaut à avoir le pouvoir de mettre en œuvre des réformes. En réalité, même les réformateurs les plus sincères se retrouvent, une fois élus, piégés par les limites de l’État capitaliste et par la dépendance de celui-ci vis-à-vis de la croissance et du profit capitaliste pour générer des revenus. Ils se retrouvent donc dans l’incapacité de tenir leurs promesses.

Cela vaut particulièrement pour ceux qui sont élus à des fonctions exécutives, comme les maires des villes. Le maire de Chicago, Brandon Johnson, par exemple, qui n’a pas été en mesure de tenir la plupart de ses promesses, a commencé par se plier aux exigences des forces de droite, notamment la police, et fait désormais l’objet d’attaques incessantes de la part de Trump et du monde des affaires.

Tout cela a fait chuter la cote de popularité de Johnson à 26 %. Il n’est donc pas du tout certain que l’expérience de la mairie de Johnson ait renforcé les forces de la gauche à Chicago. Sans une lutte sociale et de classe de grande ampleur à partir de la base, et sans le type d’organisation que cela présuppose, toute personne élue à un poste exécutif connaîtra le même triste sort, y compris Zohran Mamdani s’il remporte la course à la mairie de New York.

Pour une lutte sociale et de classe de grande ampleur

C’est pourquoi la classe ouvrière organisée – les travailleurs syndiqués – et les mouvements sociaux revêtent une importance décisive. Seul notre pouvoir de classe – notre capacité à paralyser le système par des grèves – peut arrêter Trump, défendre la démocratie et garantir des réformes.

M ais certains syndicats, plutôt que de lutter, se sont accommodés de Trump, notamment l’UAW et les Teamsters. Le président de l’UAW, Sean Fain, a soutenu à tort le protectionnisme de Trump dans l’espoir de garantir des emplois, tandis que Sean O’Brien, des Teamsters, est allé jusqu’à prendre la parole lors du festival d’extrême droite de la haine appelé Convention nationale républicaine.

Une telle complaisance aura l’effet inverse de celui escompté, exposant les travailleurs désespérés, inquiets pour leur emploi et leur niveau de vie, aux arguments racistes et xénophobes de Trump, semant ainsi la division au sein de notre classe. Pire encore, sans le pouvoir des travailleurs organisés, les mouvements sociaux et la résistance générale s’en trouveront affaiblis.

Trump utilise les attaques contre les Palestiniens et les personnes transgenres pour mener une guerre de classe contre nous tous. Nous devons donc lui opposer une résistance symétrique, en défendant toutes les personnes visées et en soutenant leurs revendications. Nous devons déclarer carrément que si vous essayez d’attaquer l’un d’entre nous, vous devrez vous en prendre à nous tous et toutes.

Ce qu’il nous faut, ce sont des mouvements de protestation massifs et dérangeants, et surtout des grèves politiques comme celles qui ont eu lieu en Corée du Sud et qui ont bloqué la tentative de coup d’État du président, ou comme celles qui paralyse actuellement la France pour empêcher Emmanuel Macron de nommer de manière antidémocratique un Premier ministre chargé d’imposer l’austérité aux travailleurs. Nous devons rendre ce pays ingouvernable pour empêcher Trump de s’emparer du pouvoir de manière autoritaire.

Mais nous ne sommes pas encore en mesure d’organiser ce type de grèves politiques. Le développement le plus prometteur qui ait le potentiel d’organiser une telle résistance massive de la classe ouvrière est May Day Strong ; il s’agit là du plus important front uni regroupant des syndicats, des mouvements sociaux et de larges formations de résistance telles que 50501.

Il a joué un rôle essentiel dans le soutien aux manifestations nationales du 1er mai et du Labor day, qui ont été parmi les plus importantes de l’histoire récente, mais qui sont encore loin d’avoir atteint l’ampleur et le caractère militant nécessaires en ce moment. Afin de consolider et d’étendre son réseau, May Day Strong a appelé à la tenue de conférences régionales réunissant les syndicats, les mouvements sociaux et les structures de résistance pour des activités d’éducation, de formation et de consolidation des réseaux.

L’objectif est de forger un front uni encore plus large et plus implanté, capable d’organiser des actions de protestation massives et perturbatrices pour préparer les actions syndicales à venir et même des grèves politiques pour le 1er mai 2026. Toutes les personnes de gauche et les mouvements de résistance au sens large devraient répondre à leur appel.

Si nous nous battons, nous pouvons gagner. Prenons l’exemple de Jimmy Kimmel. Après sa suspension, cinq syndicats d’Hollywood ont protesté pour défendre la liberté d’expression et ont organisé des rassemblements de masse, tandis que les acteurs ont signé une pétition massive et que les consommateurs ont menacé de boycotter Disney. Après une chute de 2,39 % de son action, qui lui a coûté près de 5 milliards de dollars en valeur boursière, la société a cédé et l’a réintégré à l’antenne.

Les yeux rivés sur l’objectif

May Day Strong n’est pas sans problèmes ni débats. À ce stade, le calendrier d’action de la coalition ne s’étend que jusqu’au 1er mai 2026. Cela reflète probablement l’orientation des syndicats et des ONG vers les élections de mi-mandat, qui battront leur plein après le 1er mai.

Les socialistes au sein de la coalition May Day Strong, et au sein de toutes les structures de résistance, doivent s’opposer à tout changement de stratégie qui nous éloignerait de la construction d’une lutte de masse pour nous orienter vers une campagne pour les élections de mi-mandat.

Nous devons garder les yeux rivés sur l’objectif qui consiste à organiser des manifestations et des grèves de masse tout au long du calendrier électoral.

Ces actions doivent être notre priorité collective absolue, indépendamment du choix de chacun dans l’isoloir. Tout temps, argent et énergie détournés de la lutte pour la campagne du Parti démocrate feront reculer la résistance, et non pas la faire avancer.

La gauche doit également contester l’argument selon lequel la résistance doit minimiser des questions telles que la Palestine et les droits des transgenres afin d’élargir le mouvement.

Une telle concession à la droite repose sur une lecture erronée de la conscience de masse et sur l’hypothèse que le fait d’aborder ces questions nous divisera.

En fait, les sondages montrent que la plupart des gens ont radicalement basculé à gauche sur ces questions dites « clivantes ». Prenons l’exemple de la Palestine. En août, un sondage Quinnipiac a révélé que 60 % des Américain.e.s s’opposent à l’envoi d’armes par les États-Unis à Israël, et 77 % des Démocrates pensent qu’Israël commet un génocide à Gaza.

Sur la base de ces faits, nous devrions contester les arguments-ouvriéristes des « réductionnistes de classe » qui prétendent que nous ne pouvons construire un mouvement de masse de la classe ouvrière qu’en mettant en avant de supposées « revendications communes à la classe » et en minimisant les revendications des opprimé.e.s. En réalité, la classe ouvrière est composée de groupes opprimés, des personnes transgenres aux personnes de couleur, en passant par les migrant.e.s et nos frères et sœurs d’autres pays, en particulier les Palestinien.ne.s.

S’en prendre à un.e seul.e, c’est s’en prendre à tou.te.s

La seule façon d’unir une classe aussi multiraciale, multiethnique et multinationale est de défendre les revendications de toutes les personnes opprimées. Si nous ne le faisons pas, nous risquons d’exclure des contingents importants dans la lutte des classes, d’aliéner des mouvements sociaux entiers et de rendre notre camp vulnérable à la stratégie de Trump qui consiste à diviser pour mieux régner.

Trump utilise les attaques contre les Palestiniens et les personnes transgenres pour mener une guerre des classes contre nous tous et toutes. Nous devons donc être symétriques dans notre opposition, en défendant toutes les personnes ciblées et en embrassant leurs revendications. Nous devons déclarer carrément que si vous essayez d’attaquer l’un.e d’entre nous, vous aurez affaire à nous tous et toutes.

Nous devons débattre de tout cela d’une manière qui ne coupe pas les ponts et qui permette de surmonter les désaccords dans le cadre de structures démocratiques de lutte. La solidarité, même au milieu des divergences, est essentielle, car personne ne viendra nous sauver, sauf nous-mêmes : nos syndicats, nos mouvements sociaux et la gauche dont nous avons hérité du passé, avec toutes leurs forces, mais aussi leurs défauts et leurs faiblesses.

Nous sommes engagés dans un combat pour nos vies. Nous devons nous unir, discuter, nous organiser et déployer notre pouvoir dans des actions de masse et des grèves pour défendre nos droits démocratiques, ainsi que nos emplois, nos salaires et nos acquis sociaux.

Nous devons construire la résistance de la classe ouvrière en nous appuyant sur le slogan classique du mouvement syndical : « Une attaque contre l’un ou l’autre d’entre nous, c’est une attaque contre tous et toutes ». Seule une telle solidarité avec toutes les personnes qui sont attaquées, sans exception, peut nous unir afin de vaincre le régime Trump.

Ashley Smith

P.-S.
• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de Deeplpro.

Source - Tempest. Publié le 30 septembre 2025 :

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