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États-Unis

Etats-Unis. Le droit à l’avortement et le sabordage républicain de la démocratie libérale états-unienne

L’année dernière [le 24 juin], après que la Cour suprême des Etats-Unis a mis fin au droit fédéral à l’avortement [avant l’arrêt « Roe v. Wade » de 1973, chaque Etat était libre de l’autoriser ou non], les électeurs du Kansas, de la Californie, du Michigan, du Vermont, du Kentucky et du Montana ont utilisé le processus d’initiative populaire [de vote] pour montrer leur soutien à la liberté de reproduction, à la fois en rejetant les mesures anti-avortement soutenues par le GOP (Parti républicain) et en approuvant des amendements constitutionnels visant à préserver l’accès à l’avortement.

Tiré de A l’Encontre
25 avril 2023

Par Jake Johnson

Meeting en 2022 dans le Michigan pour le droit à l’avortement.

Ces défaites pour les républicains anti-droit à l’avortement et leurs riches bailleurs de fonds ont conduit le GOP à intensifier dans plusieurs Etats ses attaques contre le processus d’initiative populaire lui-même.

Le New York Times du dimanche 23 avril expliquait que « le combat le plus important et le plus immédiat se déroule dans l’Ohio, où une coalition de groupes de défense du droit à l’avortement recueille des signatures pour soumettre à une votation un amendement constitutionnel, en novembre 2023, qui interdirait à l’Etat d’interdire l’avortement avant qu’un fœtus ne devienne viable en dehors de l’utérus, à environ 24 semaines de grossesse… Les organisateurs étaient convaincus que cet amendement obtiendrait la majorité simple nécessaire à son adoption, étant donné que les sondages montrent que la plupart des habitant·e·s de l’Ohio – comme la plupart des Américains et Américaines – sont favorables à la légalisation de l’avortement et désapprouvent l’annulation de l’arrêt Roe. Mais les républicains du Parlement de l’Etat proposent un amendement ayant trait à la modalité du scrutin qui augmenterait le pourcentage de votes requis pour faire passer de futures mesures de ce type à une supermajorité de 60%. La mesure a été adoptée par le Sénat de l’Ohio et devrait être adoptée par la Chambre des représentants cette semaine. »

L’initiative républicaine – qui est soutenue par des groupes d’intérêt de droite tels que la Buckeye Firearm Association [qui défend le droit de disposer d’armes et de les utiliser pour l’autodéfense, la chasse, la compétition, etc.], Ohio Right to Life [groupe anti-avortement créé en 1967], le Center for Christian Virtue [parmi les principes qu’il défend, il y a « veiller à ce que la vie soit protégée depuis son commencement jusqu’à sa fin naturelle »] et l’American Center for Law & Justice [organisation juridique chrétienne conservatrice] – ne nécessiterait, elle, qu’un vote à la majorité simple pour être adoptée, et elle devrait être soumise au vote en août [donc avant novembre !].

Cette votation spéciale marquera un revirement radical pour les républicains de l’Ohio. En effet, ils avaient décidé l’an dernier de supprimer les scrutins du mois d’août en raison de leur coût élevé et de leur très faible participation.

« Le camp qui gagne est souvent celui qui a un intérêt direct dans l’adoption de la question soumise au scrutin », a écrit Frank LaRose, secrétaire d’Etat républicain de l’Ohio et partisan de l’attaque du GOP contre la procédure d’initiative, dans un document concernant les scrutins du mois d’août de l’année dernière. Il ajoutait : « Ce n’est pas ainsi que la démocratie est censée fonctionner. »

***

L’attaque du GOP contre la démocratie directe dans l’Ohio, où l’avortement est fortement limité, ressemble aux efforts déployés dans tout le pays. Rien qu’en janvier, les républicains du Missouri ont présenté une douzaine de projets de loi visant à saper le processus d’initiative populaire et à affaiblir le processus donnant aux citoyens et citoyennes la capacité de proposer des lois (initiative populaire).

Democracy Docket [groupe de défense du droit d’initiative du Parti démocrate] a noté que deux des résolutions rédigées par les républicains dans le Missouri auraient pour effet, à l’instar de l’amendement proposé dans l’Ohio, de « relever le seuil d’approbation des amendements constitutionnels à 60% ».

Selon le Ballot Initiative Strategy Center (BISC-défendant la démocratie semi-directe), au moins 139 projets de loi qui auraient un impact sur le processus d’initiative populaire ont été introduits dans les assemblées législatives des Etats cette année.

« Les efforts visant à saper et à affaiblir les dispositifs d’initiative se sont multipliés depuis l’élection de 2016 en réponse aux victoires progressistes et à la démocratie alimentée par le peuple dans les urnes », a déclaré le BISC. « Dans de nombreux Etats, certains politiciens et des groupes de pression privés richissimes tentent de rendre plus difficile pour les électeurs et électrices de proposer et d’adopter des initiatives populaires [lois, amendements constitutionnels] sous le couvert de prétendues “réformes”. Ces attaques se sont intensifiées et sont devenues plus nuancées, plus sophistiquées, et auraient un impact plus profond sur le processus d’initiative. »

***

Si les efforts visant à limiter le processus d’initiative populaire ont été couronnés de succès dans certains Etats l’année dernière, ils ont échoué ailleurs. Comme l’a rapporté le 8 juin 2022 Common Dreams, les électeurs du Dakota du Sud ont massivement rejeté une proposition d’amendement constitutionnel qui aurait fait passer le seuil d’adoption de la plupart des initiatives d’une majorité simple (50,01%) à 60%.

Dans le Michigan, les élu·e·s républicains ont tenté, en automne 2022, de faire rejeter une initiative en faveur du droit à l’avortement, bien que les organisateurs aient recueilli un nombre record de signatures de la part des habitant·e·s de l’Etat. Cette tentative de sabotage a été bloquée par la justice et les votant·e·s du Michigan ont finalement approuvé la proposition en novembre par une majorité claire.

Mais ailleurs, les républicains poursuivent leurs efforts. Le New York Times a rapporté dimanche 23 avril que « le Parlement du Dakota du Nord a approuvé ce mois-ci un projet de loi augmentant le nombre de signatures requises pour la proposition d’amendements constitutionnels et exigeant qu’ils soient approuvés à la fois lors des élections primaires [au sein des partis] et générales ».

« Dans l’Arkansas, après que les électeurs ont rejeté avec force, l’automne dernier, un amendement constitutionnel proposé par le Parlement, qui renforçait les conditions requises pour qu’une proposition soit soumise au vote, le Parlement a tout simplement adopté de nouvelles exigences par le biais d’une loi de l’Etat. La gouverneure Sarah Huckabee Sanders [depuis janvier 2023, républicaine, porte-parole de la Maison-Blanche sous Donald Trump de 2017 à 2019, fille de Mike Huckabee qui a été gouverneur de l’Arkansas de 1996 à 2007] a signé la loi le mois dernier. »

La loi de l’Arkansas a plus que triplé le nombre de comtés où les signatures doivent être collectées pour qu’une initiative citoyenne puisse être soumise au vote.

Randi Weingarten, présidente de la Fédération américaine des enseignant·e·s, a tweeté dimanche 23 avril que les républicains s’attaquaient au processus d’initiative citoyenne car « ils savent que le peuple américain votera pour garantir l’accès aux soins reproductifs ».

***

Comme le rapporte le New York Times, « les républicains de l’Ohio ont dit ouvertement que leurs efforts pour rendre les amendements issus d’initiatives plus difficiles à adopter visent à bloquer le droit à l’avortement. Ils mettent leur mesure au vote en août, une période où le taux de participation est généralement faible. Elle ne comportera pas le mot « avortement », ce qui, selon les partisans du droit à l’avortement, rendra difficile l’engagement de leurs électeurs et électrices. »

L’ACLU [American Civil Liberties Union] de l’Ohio a averti que l’amendement républicain « promulguerait la règle de la minorité » dans l’Etat. « Les élus républicains qui sont à la base de ces efforts veulent que 41% des électeurs et électrices bloquent des initiatives populaires que 59% des électeurs et électrices soutiennent. Ce n’est pas une démocratie. » (Article publié sur le site Common Dreams, le 24 avril 2023 ; traduction rédaction A l’Encontre)

Jake Johnson

Jake Johnson est rédacteur de Common Dreams (Etats-Unis).

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