Édition du 23 avril 2024

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Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Honduras - L'État hondurien, promoteur de tous les projets mortifères pour les communautés indigènes

Depuis les élections truquées de novembre 2013, le Honduras ne fait plus la une des médias dominants. Mais la répression contre les organisations populaires y continue de plus belle. Depuis sa fondation, le Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH) a défendu les droits des communautés indigènes et s’est opposé aux méga-projets extractivistes des multinationales. Raison pour laquelle ses militant·e·s, surtout depuis le coup d’État militaro-oligarchique de juin 2009 contre le président Manuel Zelaya, sont particulièrement ciblés par la répression. Nous publions ici des extraits d’un entretien avec Berta Zúñiga – fille de Berta Cáceres, coordinatrice du (COPINH), assassinée le 3 mars 2016 – et avec le nouveau coordinateur du COPINH, Tomas Gómez Membreño.

Propos recueillis par Alexandre Anfruns (publico.es)

Quelle critique faites-vous à la vision dominante du développement ?

Tomas Gómez Membreño Selon les politiques néolibérales, le développement se fait grâce à l’extractivisme, aux concessions minières, aux projets éoliens et hydroélectriques. Le COPINH estime que pour développer les communautés et les familles indigènes, la priorité réside dans l’accès à la terre. Deuxièmement, les biens communs (l’eau, l’oxygène, les forêts, etc.) ne doivent pas être privatisés. Par conséquent, l’autosuffisance des communautés passe par la semence du maïs, des haricots, de la yuca, des agrumes. Nous croyons que c’est cela le développement, contrairement à la vision de l’Etat.

Berta Zúñiga L’Etat est le principal promoteur de tous ces projets mortifères. C’est aussi lui qui impulse toute la répression nécessaire pour imposer ces projets par la force. L’impunité avec laquelle opèrent les entreprises nationales et multinationales, en alliance avec l’Etat, le démontre.

Quelles sont les responsabilités des multinationales dans la persécution et les récents assassinats de militant·e·s des mouvements sociaux comme Berta Cáceres et Lesbia Yaneth Urquia ?

BZ La majorité de ces crimes restent impunis. Les assassinats d’activistes qui défendent la terre et les biens communs de la nature sont devenus une constante. Dans le cas exceptionnel de ma mère, il y a eu une pression très grande sur les représentants du gouvernement.

Mais, même ainsi, celui-ci s’est borné à quelques arrestations, dans la ligne d’enquête que nous avions suggéré dès le début, et cela fut fait tardivement. Il n’y a pas eu davantage d’appui, tout au contraire. Des personnes mettent des obstacles et empêchent des procès transparents et objectifs.

Dès le début, notre famille a demandé la création d’une commission d’enquête internationale et indépendante, qui garantisse la transparence. Mais l’Etat hondurien ne répond pas à cette demande, ni à la volonté de la Commission interaméricaine des droits humains. Nous vivons donc une situation de double victimisation. On nous ignore, on n’écoute jamais notre voix et nos demandes.

TGM De fait, l’Etat ne répondra pas, parce qu’il est lui-même impliqué dans ces assassinats. Nous avons un dicton : « Une poule ne peut pas se protéger du coyote ». Un autre dicton dit : « Le coyote ne mange pas le coyote ». L’Etat hondurien a impulsé toutes ces privatisations et ces concessions, ainsi que les assassinats de la camarade Berta Cáceres et d’autres défenseurs de l’environnement dans notre pays. Dans le cas de Berta, nous croyons que l’Etat ne demandera pas l’établissement d’une commission indépendante, pour la simple raison que le pouvoir économique et politique de cet État est impliqué dans cet assassinat.

BZ J’insiste sur le fait que le cas de ma mère fut exceptionnel. D’autres familles restent oubliées, leurs cas ne font l’objet d’aucune enquête, elles ont même été fortement criminalisées. Dans le cas des activistes de la vallée du Bajo Aguán, une zone très conflictuelle, ceux-ci sont considérés comme des terroristes. Ils n’ont obtenu aucune attention.

Votre sœur, Laura Zúñiga, est en tournée aux USA pour faire connaître le cas de votre famille. Il y a quelques jours, elle est entrée dans une assemblée de la campagne de Hillary Clinton pour y dénoncer le rôle de cette dernière dans le coup d’Etat contre le président Zelaya en 2009 [cf solidaritéS nº 268]. Quelles furent les conséquences de ce coup d’Etat sur les politiques économiques et sociales ?

BZ Nous considérons que l’assassinat de ma mère a ses racines dans le coup d’Etat. Celui-ci a approfondi le modèle extractiviste, en créant un cadre juridique qui rend possible tous ces projets de mort, en renforçant le militarisme grâce à la création de forces militaires spéciales et au renforcement des effectifs de la police nationale. Cela garantit la mise en œuvre de ces projets, malgré le mécontentement social.

Le coup d’Etat a préparé le terrain pour toute une série d’investissements dans les rivières du Honduras, et spécialement dans notre région, une zone forestière et montagneuse où naissent les rivières. Ainsi, la richesse naturelle de nos régions peut être destinée à des projets hydroélectriques ou miniers.

Propos recueillis par Alexandre Anfruns (publico.es)

Traduction et adaptation : Hans-Peter Renk

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