Édition du 26 mars 2024

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Écosocialisme

C’était beau, Copenhague

L’écosocialisme promu par un conte. Il était une fois en 2049...

COPENHAGEN, AVRIL 12, 2049. C’était une belle et fraîche journée de printemps, la température n’était pas montée au-dessus de 42° à l’ombre. La grand-mère Sarah, âgée de 71 ans, est sortie pour une promenade au bord de la mer avec son petit-fils Stefan, agé de 10 ans. Ils ont engagé une passionnante conversation.

Stefan : Grand-mère, est-ce vrai ce que père m’a raconté ce matin, à savoir, que sous la mer devant nous se trouve toute une ville qui était une fois appelée Copenhagen ?

Sarah : Oui, cher Stefan. C’était une grande, belle, charmante ville, pleine de palais, églises, tours, théâtres, universités. C’était là que nous habitions, avec nos amis et notre famille, avant la Catastrophe.

Stefan : Qu’est-il arrivé ?

Sarah : Tu ne l’a pas encore appris à l’école ? Les gaz à effet de serre produits par les énérgies fossiles - le charbon, le pétrole – ont déclenché une montée de la température, et des milliards de tonnes de glace de l’Antarctique et du Groenland ont fondu. Cela a commencé lentement, mais il y a quelques années c’est devenu un processus soudain, des énormes blocs de glace ont glissé dans la mer, et le niveau des océans est monté de plusieurs mètres.

Stefan : Je vois…C’est arrive seulement ici, au Danemark ?

Sarah : Pas du tout, mon petit. C’est arrivé partout dans le monde. Beaucoup d’autres villes merveilleuses, comme Venise, Amsterdam, Londres, New York, Rio de Janeiro, Dacca, Hong-Kong sont maintenant sous l’océan…

Stefan : Est-ce que je ne verrai jamais Copenhagen, et toutes ces autres belles villes ?

Sarah : Je crains que non, Stefan. Certains climatologues disent que dans quelques milliers d’années, quand le climat changera à nouveau, la mer pourra rétrocéder, révélant les ruines de ces splendides villes. Mais nous ne seront plus là pour voir.

Stefan : Mais grand-mère, personne n’a prévu la Catastrophe ?

Sarah : Si, beaucoup de personnes l’on fait ! Certains scientifiques, comme James Hansen, le climatologue de la NASA, a assez correctement prévu, il y a une quarantaine d’années, ce qui arriverait, si l’ont continue avec « business as usual », les pratiques économiques courantes. D’autres scientifiques ont aussi prévu ce qui est arrivé en Europe du Sud : à la place des vertes plaines de l’Italie du Sud, de la France et de l’Espagne, nous avons maintenant l’ainsi nommé Desert du Sahara de l’Europe du Sud.

Stefan : Dis-moi, grand-mère, est-ce que la Catastrophe était inevitable ?

Sarah : Pas vraiment, mon petit. Il y a quelques dizaines d’années il était encore possible de l’empêcher, si des changement radicaux avaient été engagés.

Stefan : Pourquoi est-ce que les gouvernements de ces années n’ont pas pris des initiatives ?

Sarah : La plupart d’entr’eux servait les intérêts des classes dominantes, qui refusaient d’envisager tout changement qui menaçait leur système économique - l’économie de marché capitaliste - leurs privilèges et leur mode de vie. Ils constituaient une sorte de « oligarchie fossile » qui s’accrochait obstinément au pétrole et au charbon, et qui considérait toute proposition de les remplacer rapidement par des alternatives renouvelables (comme l’énergie solaire) comme « non réalistes » ou une menace pour la « compétitivité » de leurs entreprises. Le même vaut pour l’industrie automobile, le transport de marchandises par camions, etc.

Stefan : Comment pouvaient-ils être aussi aveugles ?

Sarah : Regarde, en 2009, quand la ville de Copenhagen existait encore, les maîtres du monde se sont rencontrés ici pour une Conférence Mondiale sur le Changement Climatique. Ils ont fait des beaux discours, mais ne sont pas arrivés à aucune conclusion significative sur ce qu’il fallait faire dans les prochaines années ; quelques pays industriaux riches ont annoncé qu’ils allaient réduire de moitié leurs émissions…vers 2050. Et en attendant, ils n’ont rient trouvé de mieux que d’établir un « Marché des droits d’émission », grâce auquel les grands pollueurs ont acheté le droit de continuer à polluer.

Stefan : Et personne n’a protesté ?

Sarah : Bien sûr qu’il y a eu de la protestation ! Des masses de gens en colère sont venues d’Europe, mais aussi de contrées lointaines, à Copenhagen, pour exprimer leur protestation, et exiger des mesures immédiates et radicales, comme la réduction d’émissions de 40% jusqu’à 2020 (nous aurions dû exiger 80% !). Entre les gens qui soutenaient ces mesures, certains - j’en étais - se réclamaient de l’ecosocialisme.

Stefan : Qu’est-ce que vous proposiez ?

Sarah : Nous disions qu’il fallait un changement social radical, enlevant les moyens de productions des mains de l’oligarchie capitaliste pour la donner au peuple ; nous avons plaidé pour un nouveau mode de civilisation, un nouveau paradigme de production - utilisant l’énergie solaire – et de consommation, en supprimant la publicité et les camelotes inutiles qu’elle promouvait. A la place de la “croissance” illimitée, fondée sur le profit sans limites et l’accumulation du capital, nous avons propose la planification démocratique de la production, selon les vrais besoins sociaux et la protection de l’environnement.

Stefan : Tout cela me semble raisonnable ! Mais quelle a été la réponse des autorités ?

Sarah : Eh bien, nous et tous les jeunes protestataires fûmes reçus avec des coups de matraque et du gaz lacrymogène.

Stefan : Est-ce qu’on t’a frappé, grand-mère ?

Sarah : Eh oui ! J’ai été atteinte par un flic avec une matraque en caoutchouc, et mon oreille gauche a presque été coupée. Regarde, j’ai encore une marque ici, sous mes cheveux…

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Ce document a été préparé grâce à la machine à voyager dans le temps de H.G.Wells, par le Réseau Ecosocialiste International. Le rédacteur a été Michael Löwy, avec l’aide de Klaus Engert, Danièle Follet, Joel Kovel, Joaquin Nieto et Ariel Salleh.

Mots-clés : Écosocialisme

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