Édition du 16 avril 2024

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Politique québécoise

La Société canadienne du cancer contre l’amiante : Doit-on subventionner et exporter le cancer ?

Cette semaine, La Presse faisait le point sur la situation de l’amiante au Québec, au moment historique où, pour la première fois en 130 ans, nous n’en sommes plus producteur. Ce temps d’arrêt doit être l’occasion de cesser l’exploitation d’une substance que l’on sait carcinogène, pour laquelle il n’existe pas d’utilisation sécuritaire et qui a déjà fait trop de victimes, ici et ailleurs.

Tous les types d’amiante causent le cancer : cancer pulmonaire, mésothéliome de la plèvre et du péritoine, cancers du larynx et des ovaires. Le gouvernement du Québec s’apprête toutefois à contribuer à la relance de la mine Jeffrey d’Asbestos, avec une garantie de prêt de 58 M$, mettant ainsi le couvercle sur un débat public essentiel.

La Société canadienne du cancer s’oppose fermement à tout investissement de fonds publics dans l’exploitation de l’amiante. Elle croit qu’il est impératif d’augmenter les efforts de gestion de l’amiante existant (registre des bâtiments, désamiantage) et de soutenir les travailleurs québécois de l’amiante en investissant directement dans la reconversion de l’économie régionale.

Les voix en faveur d’un bannissement de l’amiante n’ont cessé de se faire entendre. Les mémoires produits par d’éminents chercheurs et associations médicales en mai 2010 (sur la modification de la Loi sur les mines), la lettre des 16 directeurs de santé publique de janvier 2011, les campagnes de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, les appels répétés des victimes ou la sortie de cinq députés le 23 février dernier transmettent le même message, soit celui de ne plus soutenir l’industrie de l’amiante.

Mais nos gouvernements font la sourde oreille : ils privilégient les considérations économiques à court terme, omettant les coûts associés, la santé et la vie des gens. Pire, le Canada retarde les processus internationaux et refuse d’inclure l’amiante chrysotile dans la liste des substances dangereuses de la Convention de Rotterdam, un traité de l’ONU datant de 2004. Comment peut-on agir avec précaution lorsqu’on refuse la réalité, soit la toxicité d’un produit ?

La réalité des maladies de l’amiante est cruelle, mais demeure avant tout évitable. Le 9 février dernier,Enquête décrivait la triste histoire d’une mère et de sa fille ayant développé un mésothéliome, un cancer très agressif, en lavant les salopettes du père, travailleur de l’amiante. La Presse rapportait le cas d’une femme décédée du même cancer, mais exposée à l’amiante en travaillant dans la cafétéria d’une polyvalente, illustrant l’urgence d’un registre des bâtiments qui en contiennent (prévu depuis 2002) et un accès public à ces renseignements.

Au même moment, deux communautés (Asbestos et Thetford Mines) espèrent la relance de cette industrie pour assurer leur développement économique. C’est en toute solidarité que le gouvernement québécois devrait investir ce qu’il destine à l’industrie de l’amiante (58 M$) pour encourager la diversification, la créativité et les initiatives locales. Santé Canada ne s’oppose pas ici à économie, il s’agit plutôt de contribuer à une économie et à une population en santé.

Chaque année dans le monde, plus de 100 000 personnes meurent de maladies liées à l’amiante.Conséquence de la négligence passée, 70 % des décès qui font l’objet d’une réclamation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail sont reliés à l’amiante. Fermer les yeux sur ce qui se passe ici avec l’amiante présent dans nos édifices publics et privés et sur ce qui se passera ailleurs avec l’amiante de chez nous est une position officielle indéfendable. La Société canadienne du cancer demande au gouvernement de faire preuve de cohérence et de courage dans ce dossier et de cesser immédiatement de soutenir une industrie dont le produit est un carcinogène reconnu.

Suzanne Dubois est directrice générale de la Société canadienne du cancer – Division du Québec

Suzanne Dubois

Directrice générale de la Société canadienne du cancer – Division du Québec

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