Édition du 23 avril 2024

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Syndicalisme

La centrale syndicale dresse son bilan de 2013 et les perspectives pour 2014 - Le vent doit tourner, dit la CSN

MONTRÉAL, le 7 janv. 2014 - La dernière année se sera une fois de plus déroulée à l’enseigne du néolibéralisme avec ses politiques d’austérité et la recherche d’une plus grande flexibilité du marché du travail par le patronat, à l’encontre des intérêts des travailleuses, des travailleurs et des communautés. Tel est le bilan fait par la Confédération des syndicats nationaux (CSN) de 2013, qui signale toutefois que la mobilisation était au rendez-vous pour parer aux attaques lancées et offrir des avenues différentes.

Selon la CSN, les politiques d’austérité et les pratiques patronales de s’en prendre aux conditions de travail et à la capacité des travailleurs de s’organiser pour améliorer leur sort, notamment par le recours accru à la sous-traitance et aux agences de placement de personnel, contribuent à affaiblir l’opposition et participent à la domination du discours de la droite.

« La tournée que nous avons amorcée l’automne dernier auprès de nos membres est justement une contribution pour en finir avec cette "récession sociale" et réhabiliter un discours revendicateur au plan politique, a mentionné le président de la CSN, Jacques Létourneau, lors de la traditionnelle conférence de presse de début d’année de la centrale syndicale. À certains commentateurs qui souhaitent que nous réduisions notre rôle à la négociation collective, je dis ceci : Nous n’avons jamais restreint notre action aux limites de la convention collective et nous ne le ferons pas. La CSN continuera en 2014 de promouvoir plus de démocratie, un réel partage de la richesse, des politiques sociales conséquentes, une meilleure qualité de vie. Le vent doit tourner au Québec et au Canada. »

Attaques frontales des conservateurs


L’année 2013 a commencé avec une nouvelle charge du gouvernement Harper contre les travailleuses et les travailleurs, surtout ceux du Québec et des maritimes, qui ont été frappés par l’entrée en vigueur d’une énième réforme de l’assurance-emploi. Ce saccage a été un morceau d’une offensive idéologique des conservateurs visant à précariser davantage des dizaines de milliers de travailleurs et à les rendre plus vulnérables face au patronat. Ce faisant, ils ont aussi fragilisé plusieurs régions et secteurs d’activité.

Cependant, la CSN constate que la mobilisation était au rendez-vous partout au Québec. La plus grande coalition jamais vue a été formée et plusieurs autres alliances régionales ont été en action pour sensibiliser la population et s’opposer à ce coup de force.

« Il nous faudra dresser une mobilisation encore plus imposante en 2014 sur toutes les conséquences des politiques du gouvernement Harper, car la prochaine année n’annonce résolument rien de bon. Il envisage aussi d’affaiblir davantage les syndicats en s’en prenant notamment à la formule Rand, qui s’ajoute entre autres à l’élimination graduelle du crédit d’impôt pour les fonds de travailleurs et au projet de loi C-377, qui pourrait être remis en avant par les conservateurs, a poursuivi le porte-parole de la CSN. Nous travaillons à construire de larges alliances pancanadiennes et c’est dans ce sens que nous participerons au Forum social des peuples qui se tiendra à la fin de l’été à Ottawa. L’opposition au gouvernement Harper doit définitivement se consolider hors des murs du Parlement. La CSN s’engage à mener cette bataille aux côtés de ses alliés. »

Et à Québec ?


Les charges antisociales et le comportement honteux des conservateurs sur le plan environnemental auraient pu permettre au gouvernement du Parti québécois de se démarquer, notamment en opposant un projet porteur d’avenir pour la construction d’un pays. Il a plutôt déçu : l’aide sociale a été réduite pour des prestataires, les coupes dans l’ensemble des missions de l’État se sont poursuivies, la privatisation dans la santé est toujours présente, entre autres dans les deux hôpitaux universitaires de Montréal, déjà plombés par les PPP. La hausse des tarifs d’Hydro-Québec, fortement contestée, s’ajoute au bilan sombre du gouvernement péquiste.

Sur le front de l’environnement, ses décisions ont de quoi inquiéter. Malgré son intention d’atteindre l’objectif ambitieux de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il cautionne un projet dont on ne connaît pas tous les impacts environnementaux, soit l’inversion du flux de l’oléoduc 9B d’Enbridge. « À cet égard, le gouvernement Marois semble avoir fait son lit avant même que ne s’amorce la consultation publique, en décembre, tellement le rapport de la commission parlementaire a été déposé rapidement, a poursuivi Jacques Létourneau. Nous réitérons notre grande inquiétude face à la dangerosité de ce projet qui utiliserait vraisemblablement un pétrole plus lourd et abrasif provenant des sables bitumineux. C’est pourquoi nous avons plaidé pour un moratoire complet et immédiat. D’ailleurs, c’est toute la question des hydrocarbures, incluant le projet de Transcanada, qui mérite d’être examinée dans sa globalité. »

En revanche, la CSN salue le plan d’action de la ministre Maltais pour pérenniser les régimes de retraite et le rôle accordé en ce sens à la Commission des relations du travail, ainsi que le rehaussement des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique. La politique économique « Priorité à l’emploi », comprenant le projet d’électrification des transports collectifs et les réinvestissements de 675 M$ dans le secteur forestier, a aussi été bien accueillie par la CSN. « Nous participerons aux travaux qui en découleront pour défendre la création d’emplois dans le secteur manufacturier, durement touché ces dernières années, et le développement économique dans l’intérêt des communautés et de l’environnement.

Au regard du projet péquiste d’une charte de la laïcité, le leader syndical a rappelé les positions de la CSN en faveur de l’affirmation du principe de laïcité et de neutralité religieuse de l’État, de même que de l’égalité entre les femmes et les hommes au préambule de la Charte des droits et libertés de la personne. Si elle plaide pour une interdiction partielle du port des signes religieux pour les employé-es de l’État, la CSN défendra farouchement le droit au travail de celles et de ceux qui sont à l’emploi avant l’adoption d’une éventuelle loi.

Et l’opposition ?


Alors que les partis d’opposition libérale et caquiste ont eu un comportement des plus contestables en relayant le point de vue patronal, notamment lors de l’étude du projet de loi sur les mines, Québec solidaire a déposé deux projets de loi majeurs pour lesquels la CSN a donné son appui : celui pour revoir les dispositions anti-briseurs de grève et l’interdiction d’introduire des clauses de disparité de traitement entre les salariés dans les régimes de retraite et d’assurance collective. « Nous demandons au gouvernement de permettre qu’ils soient débattus à l’Assemblée nationale », a mentionné Jacques Létourneau.

Une année électorale ?


L’année qui commence verra vraisemblablement le Québec aller aux urnes. « Nous profiterons certes de cette occasion pour interpeller les candidates et les candidats à partir de nos positions et de nos revendications, a indiqué le président de la CSN. Nous ne laisserons pas le champ libre aux associations patronales et aux autres qui veulent continuer à étouffer nos aspirations, dont celle d’un revenu décent tout au long de la vie. À cet égard, les lois du travail et les programmes de protection sociale doivent être renforcés. Le salaire minimum, qui ne permet pas de sortir de la pauvreté, doit être relevé et une loi permettant à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses d’être couverts par un régime de retraite auquel chacun des employeurs verse une cotisation doit être adoptée. Il s’agit de mesures concrètes pour le relèvement des conditions de vie des non-syndiqués. » Une campagne électorale sera aussi une occasion pour revendiquer un encadrement des agences de placement de personnel qui embauchent des dizaines de milliers de salarié-es en leur offrant, trop souvent, des conditions minimales.

La CSN rappelle qu’elle n’appuie aucune formation politique. Elle invitera les candidats qui ont des prétentions progressistes et souverainistes à travailler ensemble afin de ne pas diviser le vote contre la droite lors des prochaines élections.

Des avancées, des droits maintenus


Au cours de 2013, plusieurs syndicats ont mené des luttes qui ont conduit à des victoires importantes. La ténacité des travailleuses et des travailleurs de Couche-Tard a été remarquable. Un pas considérable a été franchi pour la reconnaissance syndicale et l’établissement de meilleures conditions qui pourraient s’appliquer même à l’ensemble des salarié-es du géant québécois. En outre, justice a été rendue aux 130 travailleurs de Celanese à Drummondville qui ont vu leur employeur remettre plus de 7,4 M$ dans leur caisse de retraite, un montant illégalement retiré de celle-ci, il y a 12 ans.

Plusieurs syndicats ont aussi réussi à contenir les demandes patronales sur la sous-traitance, un autre moyen pour réduire le rapport de force syndical et diminuer les conditions de travail des salarié-es touchés. Pensons notamment au conflit de travail à Kronos Canada, à Varennes, où les 320 ouvriers ont pu compter sur une solidarité syndicale exemplaire, notamment de leurs confrères des usines européennes de la multinationale qui avaient annoncé une grève de deux heures pour les appuyer. Leurs camarades de Rio Tinto Fer et Titane et ceux d’Acier Leroux ont eux aussi réussi à faire reculer leurs patrons sur cette question qui revient dans la plupart des négociations du secteur manufacturier.

Les conflits, les négociations


La CSN compte 453 membres en grève ou en lock-out dans six syndicats. L’organisation du travail, la sous-traitance, la reconnaissance syndicale, le respect des conditions de travail et des salaires décents sont au cœur de ces très longs conflits : Olympia (en lock-out depuis le 17 octobre 2007), Hôtel des Seigneurs (en grève depuis le 28 octobre 2012), Provigo Témiscaming (en lock-out depuis le 15 décembre 2012), Maxi Rouyn-Noranda (en lock-out depuis le 16 août 2012), les surveillants et les surveillants-concierges de Terrebonne, (en grève depuis le 11 juillet 2013), Loblaw de Place Rouanda (en grève depuis le 10 juin 2013).

En 2014, 205 conventions collectives de syndicats CSN devront être renouvelées alors que 16 syndicats négocieront leur toute première. D’autres négociations se poursuivront, dont celle pour déterminer les conditions des membres du Syndicat des communications de Radio-Canada et celle qui touchent les ouvriers des secteurs Institutionnel-Commercial et Industriel du secteur de la construction, frappés par une loi spéciale l’été dernier. « Les entrepreneurs visés devront prendre ce processus au sérieux et ne plus attendre une intervention de Québec, a lancé le président de la CSN. Il n’y a aucune raison pour que ces syndiqué-es ne voient pas leurs conditions améliorées comme l’ont été celles de ceux des autres secteurs. » En outre, les quelque 170 000 membres de la CSN dans le secteur public québécois seront consultés dès ce printemps pour la négociation de leurs conventions collectives qui viennent à échéance le 30 juin 2015.

Le 64e Congrès

Du 26 au 30 mai, quelque 2500 délégué-es des syndicats affiliés convergeront vers Québec pour le 64e Congrès de la CSN. En plus de procéder à l’élection des membres du comité exécutif, ils adopteront l’ensemble des priorités du mouvement pour les trois années suivantes. La tournée précongrès qui s’amorcera dans les semaines précédentes sera une autre occasion pour la CSN d’échanger avec ses membres sur les priorités des trois prochaines années aux plans syndical et politique.

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