Édition du 3 décembre 2024

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Amérique latine

La militarisation au service de l’extraction

Les forces armées colombiennes, comptant 281 400 personnels militaires, sont les deuxième plus grandes dans toute l’Amérique latine, surpassées seulement par le Brésil. Ajoutons à cela les 159 000 membres de la police nationale, une police militarisée qui se rapporte au Ministère de la défense. En Colombie, il y a 6,2 soldats par 1000 habitants, un ratio presque quatre fois celui du Brésil.

L’augmentation fulgurante de l’extraction minière et des activités reliées à l’énergie en Colombie durant les dernières années a été accompagnée d’une militarisation massive des zones opérées par les secteurs miniers et énergétiques. Le gouvernement de Colombie a créé, dans les dernières années, ce qu’on appelle les Bataillons de l’énergie, mine et transport. Leur croissance a accompagné la politique d’attraction des investissements étrangers dans le secteur des sociétés multinationales pour la mise en oeuvre de la politique néolibérale extractive : la soi-disant campagne de l’énergie et des mines .. Au début de 2011, il y avait 11 bataillons mais en 2014, il y en avait déjà 21.

La militarisation massive des zones extractives ne signifie pas une sécurité accrue pour les populations des alentours. Censat Agua Viva et Mining Watch Canada ont averti qu’on observe 87% de déplacements forcés, 82% des violations des droits humains et des lois internationales humanitaires, et 83% des assassinats de leaders syndicaux dans les régions riches en ressources. Le but de ces unités, malgré ce qui semblerait raisonnable, n’est pas de procurer la sécurité publique mais de protéger les investissements étrangers et l’extraction minière et d’énergie.

Plusieurs de ces bataillons sont localisés sur les terrains des compagnies ou des mines, comme dans le cas du Bataillon militaire 15, situé, depuis octobre 2011, dans les champs pétrolifères du Pacific Rubiales Transnational, Puerto Gaitan, où la compagnie fournit également des véhicules et du combustible. Ou encore le bataillon de transport énergétique numéro 8, situé dans les terrains et installations de Frontino Gold Mines dans la municipalité de Segovia, tel qu’indiqué dans les pages web du ministère de la défense. La collaboration entre l’armée et les investisseurs est fluide. Le colonel Jorge Arturo Matamoros Blanco, directeur des opérations de l’armée, a affirmé que l’armée analyse les projets entrepris par les compagnies qui investissent et les assignent aux divisions militaires correspondantes pour leur protection.

Même si les autorités militaires l’ont toujours nié, il y a des preuves que la protection des compagnies d’extraction permet la négociation d’accords privés entre les entreprises extractives et les Forces armées, par lesquels les compagnies paient des larges sommes à l’armée en échange de sécurité et la possibilité d’exécuter leurs plans. Ces accords sont secrets mais ont vu le jour dans les médias à cause de journalistes d’investigation ou par la divulgation éhontée des gestionnaires des compagnies eux-mêmes.

Les communautés locales affectées voient les déploiements militaires avec méfiance car ils ne croient pas que leurs intérêts soient protégés par ces forces de sécurité gouvernementales. Ils croient que ces troupes sont présentes pour permettre les activités extractives, qui vont contre le mode de vie traditionnel des communautés et l’environnement qui le rend possible.

De sérieuses violations des droits humains ont accompagné la présence de l’armée dans ces régions, tels que des viols de femmes et des exécutions extrajudiciaires de ceux qui s’opposent aux projets miniers. Un des nombreux cas rapportés en septembre 2006 est le meurtre d’Alejandro Uribre Chacon, opposé à l’énorme projet minier de Kedhada SA, au sud de la province de Bolivar. Il fut assassiné par les troupes du Bataillon anti-air de Nueva Granada Numéro 2 et présenté subséquemment comme un guerilla tombé au combat, 12 jours après avoir logé une plainte formelle du fait qu’il était persécuté par l’armée ,à cause de sa plainte contre la compagnie minière.

Un autre cas significatif est relié à l’aide de l’armée pour faire entrer la Muriel Mining Corporation à Norte del Choco, où elle supportait les activités de la compagnie malgré une consultation publique frauduleuse, jugée telle par la Court constitutionnelle. L’armée y a restreint la mobilité des habitants ancestraux à leurs terres et perpétré de sérieux abus et le déplacement interne des populations indignées et Afro-colombiennes.

Ainsi, il est évident que même si ces unités militaires sont déployées dans des régions où le conflit avec la guérilla insurgente est le plus sérieux, ce qui est l’argument utilisé par le gouvernement pour valider leur existence, l’objectif-clé en est la défense des compagnies transnationales contre les droits territoriaux des communautés indignées paysannes et Afro-colombiennes. Cette activité provoque des conflits sociaux majeurs, des massacres et des déplacements forcés reliés directement à la politique invasive, en grande partie réalisée en collusion avec l’armée, les paramilitaires et les compagnies.

Source : War Profiteers’ News, Avril 2014, n° 41.

Traduction : PASC.

Entreprises canadiennes en Colombie : des “Profiteurs de guerre”

La Colombie trône au premier rang des pays les plus dangereux pour l’activité syndicale et au deuxième rang en termes de déplacements forcés de la population. Plus de 85% des réfugié.e.s internes et des syndicalistes assassiné.es proviennent des régions d’exploitation minière et pétrolière du pays. Le Canada, signataire d’un accord de libre-échange avec la Colombie, est pour sa part le premier pays d’origine des investissements miniers à l’étranger et contrôle, par le biais de capitaux privés, les plus importantes réserves de pétrole de la Colombie. Le Canada ne possédant aucun cadre réglementaire pour surveiller l’activité de ses entreprises hors des frontières, ces dernières exercent leurs activités en toute impunité, profitant de la violence politique qui sévit dans ce pays en guerre. Ce bulletin entend briser le silence.

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