Édition du 6 mai 2025

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Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Haïti face à la saison cyclonique 2025 : quand la nature frappe un pays déjà brisé par l’ingérence, l’insécurité et l’abandon

Port-au-Prince, 2 mai 2025 – Le calendrier n’attend personne. Chaque année, entre mai et octobre, Haïti entre dans sa saison cyclonique. Un cycle naturel que le peuple haïtien connaît trop bien, à force de l’avoir subi. Mais en 2025, cette période critique s’ouvre sur un paysage encore plus désolé qu’à l’accoutumée : la menace climatique se superpose à une instabilité politique totale, à une crise sécuritaire incontrôlable, et à un effondrement structurel de l’État. Un pays à genoux, livré à lui-même.

Les grandes puissances parlent de résilience. Sur le terrain, c’est la résignation qui s’installe. Parce qu’à quoi bon des alertes cycloniques quand les habitants des bidonvilles dorment sans toit depuis des années ? Que peut bien faire un ministère de la santé désarmé face à une épidémie de choléra qui tue silencieusement ? Comment évacuer des zones à risque quand les routes sont sous le contrôle de gangs armés ? À Haïti, chaque tempête est un test de survie. Et ce test, l’État l’échoue de manière répétée.

L’UNICEF tire la sonnette d’alarme. L’organisation a prépositionné 5 000 kits d’hygiène, du matériel sanitaire et récréatif dans les régions de Cap-Haïtien et des Cayes. Une tentative d’anticipation louable. Mais au regard de l’ampleur des besoins et de l’immensité des dangers, ce n’est qu’une goutte dans un océan de précarité. Les tempêtes ne préviennent pas. Et les enfants d’Haïti ne peuvent pas attendre que le monde se réveille à chaque fois trop tard.

Le vrai problème est ailleurs : la réponse humanitaire est entravée par un chaos généralisé. Les humanitaires n’accèdent plus aux zones critiques. Les convois sont bloqués. Les volontaires menacés. Port-au-Prince est encerclée, assiégée par des groupes armés qui défient l’État et paralysent toute action. Dans certaines régions, les humanitaires doivent négocier leur passage avec des chefs de gang comme s’ils étaient des diplomates dans une zone de guerre. Ce n’est pas une catastrophe naturelle, c’est une faillite totale du système.

Et pendant que la saison des pluies s’installe, le choléra revient en force. En 2024, plus de 59 000 cas ont été enregistrés. Près de 800 morts. Les chiffres glaçants d’une maladie que le monde dit pouvoir éradiquer mais qu’Haïti ne peut empêcher de tuer. Pourquoi ? Parce que l’eau potable est un luxe, parce que les égouts débordent, parce que les campagnes de vaccination sont inaccessibles, et parce que la communauté internationale préfère gérer les crises plutôt que d’investir dans des solutions durables.

Mais ne nous y trompons pas : ce désastre n’est pas le fruit du hasard ou d’un destin cruel. C’est le résultat direct d’une histoire longue d’ingérence, de pillage, de colonisation, de dictatures soutenues, et de politiques imposées depuis l’extérieur. Haïti ne manque ni de terre, ni de bras, ni d’intelligence. Ce qu’elle subit, c’est une asphyxie programmée, orchestrée par des puissances qui ont toujours voulu qu’elle reste docile, appauvrie, dépendante.

Face à cette triple menace – climatique, sécuritaire et sanitaire – le temps n’est plus aux rapports, aux conférences ou aux annonces sans lendemain. Ce dont Haïti a besoin, c’est d’un sursaut de conscience, d’un soutien inconditionnel aux structures locales, d’un désengorgement humanitaire immédiat, et d’une refondation politique construite par les Haïtiens pour les Haïtiens, sans tutelle ni marionnettes.

Nous ne devons plus nous contenter de survivre. Haïti mérite de vivre. Et pour cela, il faut cesser de panser les plaies tout en enfonçant le couteau.

Smith PRINVIL

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